mercredi 26 décembre 2007

Le Boxing Day 2007

Ce matin, après mon entrevue à RDI en direct, suivie d’un rapide petit déjeuner, j’ai parcouru la rue Ste-Catherine d’ouest en est entre les rues Drummond et Papineau; les longues files d’attentes étaient absentes, peut-être parce que cette année, l’heure d’ouverture de la plupart des commerces semble être fixée à 13h00.

En fait, à 8h30, la seule ligne d’attente, une vingtaine de personnes, était au magasin Future Shop du 460 rue Ste-Catherine Ouest (photo). La première personne m’a dit être arrivée à 4h30, voulant être certaine de mettre la main sur un ordinateur portable qui serait disponible en seulement une vingtaine d’exemplaires selon elle.

Poursuivant mon enquête, j’ai traversé le pont Jacques-Cartier et me suis dirigé vers St-Bruno; aux Promenades St-Bruno, les longues files d’attente étaient également rares. Vers 9h00, j’en ai seulement vu deux, tout au plus d’une dizaine de personnes chacune : la première au Best Buy (photo) et la seconde au Future Shop (photo).

Chez Best Buy, la première personne est arrivée à 5h15 pour mettre la main sur un téléviseur Sharp de 52 pouces offert à 1899,99 $, un rabais de 1100 $, une aubaine selon elle. La publicité de Best Buy annonce un minimum de 5 articles de ce modèle par magasin.

Chez Future Shop, la première personne est arrivée à 5h00; elle était déçue d’apprendre qu’à Montréal quelqu’un faisait la queue depuis 4h30. Le shopping du Boxing Day est-il une forme de compétition? Cette personne voulait être certaine de mettre la main sur un lecteur DVD haute définition Toshiba offert à 99,99 $, un rabais de 300 $. La publicité de Future Shop annonce une disponibilité de 300 articles de ce modèle pour le Québec. Plusieurs des personnes présentes semblaient vouloir profiter de ce rabais assez exceptionnel; elles ont toutes affirmé que seulement 9 articles de ce modèle seraient offerts au magasin de St-Bruno. Je peux seulement imaginer qu’elles ont obtenu cette information d’un vendeur, car cette précision est absente de la publicité.

Ma petite enquête m’amène à constater que, dans la vaste majorité des cas, l’achat résulte d’une planification minutieuse visant à acquérir un article longuement désiré, mais un peu trop dispendieux. Toutes les personnes semblent conscientes du fait qu’elles achètent des technologies qui datent de quelques mois déjà (une éternité dans le monde des TICs), mais qui sont tout de même plus avancées que celles des modèles réguliers. Une atmosphère de joyeuse camaraderie semblait régner dans tous les petits groupes rencontrés.

mardi 25 décembre 2007

Résultats du minisondage sur le Boxing Day

En prévision de ma présence à RDI en direct le mercredi 26 décembre, j'ai réalisé un minisondage sur le Boxing Day. Malgré le fait que avez été nombreux à y participer (132 personnes), ce nombre de répondants demeure quand même faible statistiquement parlant. La marge d’erreur de ce sondage est par conséquent plus élevée que la norme habituelle; elle se situe entre 8 % et 9 %, avec un niveau de confiance de 95 %, ou 19 fois sur 20 selon la formule consacrée. Comme pour tous les sondages de type « question du jour », que l’on retrouve maintenant dans plusieurs médias, l’échantillon n’a pas été sélectionné selon une méthodologie probabiliste.

Par conséquent, je ne retiens que les affirmations comptant 20 réponses ou plus. En cliquant ici, vous pourrez voir un graphique montrant, en pourcentage, les réponses obtenues de même que l’écart minimum et maximum en fonction de la marge d’erreur.

J'ai eu le plaisir de commenter les résultats et de parler d’autres aspects du Boxing Day, entre autres du plaisir lié à ce qu'il convient d'appeler un phénomène social, à RDI en direct en compagnie de l’animateur Louis Lemieux.

mardi 18 décembre 2007

La consommation et les valeurs au Canada et au Québec

Tant dans « Consommation et luxe – La voie de l’excès et de l’illusion », l’ouvrage publié récemment, que dans « Consommation et image de soi – Dis-moi ce que tu achètes… » publié en 2005, j’affirme que la consommation repose sur des valeurs matérialistes et individualistes, voire égoïstes. Comme Lipovetsky, je ne vois pas comment mettre un frein à la société d’hyperconsommation, sans la redécouverte de valeurs oubliées, le souci de l’autre notamment. Je précise que ce retour à des valeurs plus fondamentales, plus humaines, peut et doit se faire sans que l’on doive pour autant pratiquer le dénuement : « Ce changement sociohistorique n’implique ni le renoncement au bien-être matériel, ni la disparition de l’organisation marchande des modes de vie. » (G. Lipovetsky, Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation, Paris, Gallimard, 2006, p. 335.)

Or, les plus récentes statistiques publiées ce matin par l’Institut Fraser démontrent que les Québécois sont parmi ceux qui sont les moins généreux envers les plus démunis.

Afin de couper tout de suite court à l’argument que vont nous opposer certains, à savoir que les Québécois sont moins riches que les citoyens d’autres provinces, l’Ontario par exemple, je propose de laisser tout de suite de côté le montant moyen d’un donateur québécois (580 $) en comparaison de ce même montant au Canada (1345 $), en Ontario (1617 $) ou en Alberta (1836 $), la province dans laquelle les donateurs sont les plus généreux. Je rappelle que ces chiffres sont calculés sur le nombre de donateurs, pas sur l’ensemble de la population.

Une analyse détaillée des données révèle que seulement 22,5 % des contribuables du Québec ont déclaré des dons de charité en 2006, en comparaison de 25,1 % au Canada, de 27,3 % en Ontario et de 28,4 % en Alberta. En fait sur les 13 provinces et territoires, le Québec se retrouve au 9e rang! C’est encore pire si on étudie les chiffres en fonction du pourcentage du revenu; pourtant, exception faite des personnes à faible revenu, tout le monde peut au moins faire don d’un pourcentage de son revenu. À cet égard, la contribution d’un Québécois ne représente que 0,33 % de son revenu, alors qu’elle représente 0,75 % de celle d’un Canadien, 0,91 % d’un Ontarien et 1,11 % d’un Albertain; sur les 13 provinces et territoires, le Québec se retrouve au 11e rang!

Je ne dirai pas que je suis étonné, car je ne le suis pas; cette étude ne fait que confirmer un état de fait démontré depuis longtemps par de nombreuses études. À titre de citoyen canadien d’origine francophone, résidant au Québec depuis ma tendre enfance, je peux toutefois dire que ces statistiques me font rougir… de honte.

Les Québécois ne se targuent-ils pas d’être une société distincte? D’être le rempart social-démocrate aux abus des riches? De constituer une société égalitaire unique en son genre? Toutes ces belles déclarations sont-elles creuses? Ces hautes vertus dont certains veulent se réclamer ont-elles pour seul but de faire progresser l’idéologie qu’ils défendent?

Je laisse chacun réfléchir à ces questions.

Quant à moi, je continue de soutenir qu’un retour à des valeurs fondamentales est le point de départ sine qua non d’une consommation plus responsable.

lundi 17 décembre 2007

La MINI : un luxe accessible

Son prix de vente débutant à plus de 25 000 $, la MINI est à classer dans les voitures de luxe populaire, mais pas de grand luxe. Un luxe accessible à un grand nombre de personnes de la classe moyenne, suffisant pour donner un sentiment de plaisir, sans faire un trou dans le portefeuille. Évidemment, c’est hors de portée des personnes démunies. Certains pourront me reprocher d’utiliser le qualificatif « accessible » en parlant d’une voiture qui se détaille à 25 900 $ et plus. Bien justement, aussi absurde que cela puisse paraître, 25 900 $ est un prix que peuvent facilement atteindre, voire dépasser, la plupart des véhicules qui sont offerts à la classe moyenne aujourd’hui, exception faite de certaines sous-compactes.

Du point de vue du manufacturier, comme nous l’avons vu dans la chronique « Le plaisir et la MINI », on peut parler de succès commercial; on a trouvé un segment de marché, composé de personnes de tous les groupes d’âge, comme en témoignent les sondages, prêt à débourser un peu plus pour se faire plaisir. L’entreprise ne cherche pas à régler un manque de revenus en vendant un produit plus dispendieux; elle choisit délibérément de s’établir dans un marché un peu plus haut de gamme dont elle a vérifié l’existence. Je ne pense pas que l’on puisse reprocher à cette entreprise de courir après des chimères. Pour BMW, propriétaire de la marque, il s’agit d’une stratégie de descente en gamme; cette stratégie peut être dommageable pour une marque, car de vendre une gamme de produits à un moindre prix peut affecter l’image de luxe d’une marque. Ce n’est toutefois pas le cas ici, puisque BMW préserve son image en vendant la MINI sous une autre bannière, avec un logo unique à elle et dans un réseau de concessionnaires indépendant de celui de BMW.

La personnalité de la marque, son image et sa correspondance avec l’image de soi de l’acheteur éventuel peuvent influencer le choix d’un véhicule. Le fait d’associer celui-ci avec une image sujette à controverse peut séduire un segment de marché bien particulier, mais au risque de susciter des réactions adverses chez des personnes dont le profil est différent, comme c’est le cas pour le Hummer. Par ailleurs, les valeurs de la société et les préoccupations dominantes du moment peuvent également favoriser l’adoption d’un véhicule, par exemple le prix élevé de l’essence et le battage médiatique entourant le protocole de Kyoto constituent des influences favorables à l’achat d’un véhicule peu gourmand et moins polluant, telle la MINI.

mercredi 12 décembre 2007

L’indice du commerce électronique

Le mercredi 12 décembre, le Cefrio, VDL2 et SOM annonçaient conjointement le lancement du premier indice du commerce électronique au Québec.

Voici quelques sites Web qui permettent de mettre en perspective le chiffre frappant de 266 millions $ d'achats mensuels en ligne au Québec, cité dans le communiqué :

Les 266 millions $ de 2007 dont il est fait mention dans le communiqué, m'apparaissent une croissance énorme par rapport aux 88 millions $ de 2005. Par contre, les chiffres proviennent d’organismes différents; peuvent-ils vraiment être comparés? N'ayant en main que les faits saillants rendus publics et ne sachant rien des méthodologies détaillées utilisées dans la réalisation et l’analyse des deux études, je ne peux me prononcer sur cette question. Présumons que la comparaison est juste et que la valeur en dollars des achats en ligne a effectivement triplé entre 2005 et 2007.

Cependant, en se fondant sur les chiffres publiés dans NETendances, on voit que le pourcentage d’acheteurs a diminué par rapport à 2005 et 2006 :

  • Octobre 2005, 21,5 %
  • Octobre 2006, 21,2 %
  • Octobre 2007, 17,6 %

On peut également constater l'existence de variations saisonnières importantes (par exemple 12,3 % en juillet 2006).

Les informations qui précèdent m’amènent à la conclusion suivante : un pourcentage un peu moins élevé de personnes a effectué des achats sur internet en octobre 2007, par rapport à la même date en 2005 et 2006. Par contre, ces personnes ont acheté des biens et services pour une somme plus importante, ce que pourraient confirmer les chiffres mentionnés dans le communiqué de presse : une moyenne d’achats de 322 $ par mois et des achats de 1 000 $ et plus par 130 000 personnes.

Par ailleurs, en consultant les sites d'Industrie Canada et de Statistique Canada, on peut constater que le commerce électronique « interentreprises » est d'une ampleur sans commune mesure avec celle du commerce de détail (avec le consommateur) : 24,45 milliards $ au Canada en 2005. C'est là à mon avis que réside le principal intérêt du commerce électronique.

L’article du 20 avril 2007 dans Le Quotidien de Statistique Canada détaille les avantages perçus par les entreprises pour ce type de commerce; ce sont entre autres, la réduction des coûts, l'élargissement de la clientèle (note personnelle : par exemple à des marchés géographiquement éloignés) et une meilleure coordination avec les fournisseurs.

Le commerce électronique, un outil marketing additionnel, mais un pensez-y-bien en commerce de détail... Le communiqué est très clair à ce sujet : les 266 millions de $ ne représentent que 3 % du commerce de détail. Certes, il y a eu et il y aura croissance, ceci est indéniable. Cependant, je ne crois pas que le commerce en ligne soit en voie de rattraper le commerce en magasin, encore moins de le dépasser. Ce serait sans compter sur l'aspect « plaisir » de la consommation. Ces deux canaux de distribution sont complémentaires et, sauf dans des cas isolés, le commerce avec pignon sur rue sera encore longtemps l’endroit où la majorité des consommateurs voudront faire leurs achats.

Les transactions avec les institutions financières sont une des exceptions, puisqu’en juin 2007, les statistiques de NETendances CEFRIO - Léger Marketing démontrent que 42,8 % des personnes interrogées ont effectué des opérations bancaires par internet. Les réservations dans les transports publics sont également dans une classe à part. Ce n'est pas étonnant, compte tenu de la nature essentiellement fonctionnelle des attentes vis-à-vis de ces deux types de transactions.

Il est important d’avoir une compréhension approfondie du phénomène de la consommation en ligne, entre autres d’étudier pourquoi les gens achètent en ligne, ce que seules des études qualitatives, plutôt que quantitatives, sont véritablement à même de révéler.

Enfin, je me permets une mise en garde, formulée tout particulièrement à l’intention des petites entreprises. L’utilisation d’un site internet transactionnel peut s’avérer intéressante; cependant, il est impératif de tenir compte du profil de votre clientèle avant de vous lancer dans l’aventure. En outre, la création et la mise à jour fréquente d’un tel site sont onéreuses. Finalement, l’utilisation de l’internet nécessite une transformation de la culture d’entreprise; des expériences passées ont démontré que sans cette transformation de la culture, le commerce en ligne avec le consommateur mène à un échec.

mardi 11 décembre 2007

Le plaisir et la MINI

À côté du Hummer, le mastodonte dont j’ai parlé dans quelques chroniques d’octobre et de novembre 2007, la MINI fait figure lilliputienne. Comment ne pas aimer son sympathique minois; selon des sondages réalisés par MINI Canada en 2007, son apparence est le facteur le plus important de la décision d’achat. Sa sobriété remarquable, que lui confère son moteur de 1,6 litre (note : à moins que spécifié autrement, toutes les informations concernant la MINI, les slogans et les arguments publicitaires cités sont tirés du site Web canadien de la MINI, consulté le 16 août 2007), en séduit plus d’un avec le prix élevé du carburant; elle est d’ailleurs éligible à une remise de 1 000 $, dans le cadre du programme écoAUTO mis sur pied en 2006 par le gouvernement canadien (Site Web écoAUTO, consulté le 16 août 2007). Ceci est un autre atout pour elle, puisque l’acheteur de MINI est sensible au prix; les sondages révèlent également que ce facteur est le second en ordre d’importance (Note : ces informations proviennent des résultats de sondages obtenus auprès du concessionnaire MINI Brossard, que je remercie ici pour sa collaboration).

Par contre, sa sobriété ne l’empêche pas d’avoir un petit côté sportif que lui confèrent son comportement routier nerveux et sa maniabilité que l’on compare à celle d’un kart. Pour avoir fait un essai routier, je peux vous certifier que la publicité n’est pas mensongère; il m’est facile de comparer, puisque je conduis une motocyclette nerveuse et agile, une Honda modèle CB900F (Hornet 900 en France), maintenant rebaptisée la 919. C’est une opinion que partage d’ailleurs le journaliste Éric Lefrançois : « Dans les courbes et les contre-courbes ondoyantes empruntées au cours de cet essai, la Mini Cooper S se prête à tous les excès. Il n’est pas exagéré de qualifier son adresse de diabolique. La Cooper S combine l’agilité d’un acrobate et la puissance d’un haltérophile » (É Lefrançois, « Mini Cooper S, Évoluer sans révolutionner », La Presse, le 16 juillet 2007, cahier L’auto, p. 10). Nous ne sommes pas les seuls à aimer la MINI : « Même dans ses rêves les plus fous, BMW ne pouvait espérer mieux : 800 000 unités de la Mini produites en cinq ans. C’est 700 000 de plus que le constructeur bavarois estimait produire au moment du lancement de ce modèle » (Ibid).

De toute sa hauteur de ses 1,40 mètres, la MINI ne menace personne. En fait, je serais très surpris d’entendre quelqu’un dire qu’il la déteste; tout au plus, certaines personnes déclareront qu’elles n’aiment pas ce véhicule, ce qui est bien différent de dire qu’elles le détestent, ou que celui-ci les laisse indifférentes. C’est que la personnalité qu’on a construite pour la MINI ne vise pas la domination, mais le plaisir. « Le concept MINI » est articulé autour d’un « plaisir de conduire inégalé. » On retrouve ce plaisir dans les caractéristiques de sa conduite : « De plus, avec la suspension bien équilibrée, la faible garde au sol et la sensation de kart que vous êtes en droit d'attendre d'une MINI, vous êtes sûr de vous amuser comme jamais. » Une gamme très étendue d’accessoires, sont certains sont très peu dispendieux et d’autres beaucoup plus, permettent à l’acheteur de personnaliser sa MINI, ce qui est en soi un autre plaisir, puisqu’un des attraits du luxe est justement une certaine exclusivité.

Son comportement routier à la hauteur de ses prétentions, facilement vérifiable par l’acheteur potentiel lors d’un essai, vient appuyer les arguments publicitaires. Cet élément vaut la peine d’être mentionné, car les promesses des fabricants sont quelquefois creuses. C’est entre autres le cas de la sécurité accrue dont se prévalent certains VUS : « Détroit suggère subtilement depuis longtemps que les VUS sont plus sécuritaires que des voitures. Mais les publicitaires évitent très prudemment de faire des promesses explicites, avec raison. La vérité est que pour toute une série de risques réels, conduire un VUS est un handicap pour la sécurité, pas un avantage » (K. Bradsher, High and Mighty, SUVs – The world’s most dangerous vehicles and how they got that way, New York, Public Affairs, 2002, p. 128).

vendredi 30 novembre 2007

Modes de consommation irresponsables

Le jeudi 29 novembre, j’étais l’invité du Groupe de recherche en droit international et comparé de la consommation (Gredicc), de la Faculté de science politique et de droit, à l’Université du Québec à Montréal. Le thème de ma conférence était « Modes de consommation irresponsables : Comment en est-on arrivé là? » (Cliquez sur l’hyperlien pour en visionner le contenu en format PDF).

mardi 27 novembre 2007

Une question d’image de soi

L’existence d’un lien entre l’image de soi d’une personne et l’image du véhicule qu’elle achète, analysée dans une chronique précédente, démontre que la personnalité militariste et agressive du Hummer convient à l’image que l’acheteur de ce véhicule veut projeter. D’ailleurs, une recherche réalisée par Keith Bradsher chez Honda démontre que acheteurs de SUV sont davantage préoccupés par leur image aux yeux des autres que par les considérations d’ordre pratique, ce que confirment Thomas Elliot, vice-président exécutif de Honda du secteur de l’automobile pour l’Amérique du Nord et Fred J. Schaafsma, ingénieur principal de GM pour les étapes initiales de planification de nouveaux véhicules (K. Bradsher, High and Mighty, SUVs – The world’s most dangerous vehicles and how they got that way, New York, Public Affairs, 2002, p. 103).

Or, l’image guerrière du Hummer exerce immanquablement une influence sur le comportement des acheteurs, d’autant plus que, comme je l’ai dit dans une chronique précédente, chez certaines personnes l’instinct l’emporte sur la raison et les sentiments, et que celles-ci souffrent d’un manque de confiance, sont égoïstes et ont peu de soucis des autres, comme le démontrent les études mentionnées par Bradsher. Le comportement routier dominateur, voire intimidant, parfois belliqueux, qui en résulte alimente la peur des autres conducteurs et contribue à créer une image détestable du Hummer. En définitive donc, les raisons qui font que certains aiment le Hummer sont les mêmes qui font que d’autres le détestent; la haine des seconds n’est que l’amour des premiers que quelque chose a contrarié. Ce « quelque chose » c’est l’image de soi du conducteur, construite par le Hummer, inacceptable pour ceux qui n’aiment pas ce véhicule.

dimanche 25 novembre 2007

Entrevue à RDI en direct

Le dimanche 25 novembre, j’ai eu le plaisir d’être l’invité de l’animateur Louis Lemieux à l’émission RDI en direct (week-end); vous pouvez la visionner sur le site Web de cette émission.

Nous avons échangé à propos de mon nouvel essai « Consommation et luxe – La voie de l’excès et de l’illusion » et sur différents sujets d'actualité tirés de trois magazines, entre autres le spécial parfums dans ELLE Québec, l’Airbus 380 dans un numéro hors série de Science & Vie et les forfaits de téléphones cellulaires dans Protégez-vous.

Ma prochaine chronique portera sur le lien entre le véhicule et l’image de soi; elle paraîtra le mardi 27 novembre.

À très bientôt.

mercredi 7 novembre 2007

Parution de Consommation et luxe

Accaparé par la parution de mon livre, « Consommation et luxe – La voie de l’excès et de l’illusion », prévue dans les prochains jours, je ne publierai pas de chroniques dans les prochaines semaines; celles-ci reprendront en décembre. Afin d’être prévenu de la reprise de mes chroniques, je vous invite à vous abonner au flux RSS (http://benoit-consommation.blogspot.com/feeds/posts/default).

Si vous voulez me rencontrer, venez au Salon du livre de Montréal; je serai au kiosque Dimedia/Liber (# 531-532) le vendredi 16 novembre de 18 h à 19 h et le samedi 17 novembre de 15 h à 16 h. Ce sera pour moi un plaisir de faire votre connaissance.

mardi 30 octobre 2007

Pourquoi certains détestent-ils le Hummer?

La consommation d’essence élevée du Hummer et les préoccupations à l’égard du réchauffement climatique sont les principales raisons évoquées par les détracteurs de ce véhicule. Bien que ces facteurs ne soient pas totalement étrangers à ce sentiment négatif, ce ne sont pas là les raisons véritables; la vérité est ailleurs. Ce que les gens détestent ce n’est pas sa gloutonnerie en carburant, ni vraiment sa taille, puisqu’on peut trouver des véhicules, tels le Lincoln Navigator et le Cadillac Escapade, qui consomment tout autant d’essence et sont presque aussi gros. Compte tenu de l’opprobre de la communauté internationale à l’égard de l’intervention américaine en Irak et de l’opposition d’une majorité d’Américains à celle-ci, l’origine militaire du véhicule est un facteur aggravant, mais encore là insuffisant pour justifier un sentiment de haine; la Jeep est également d’origine militaire et personne ne la déteste. Nous devons donc chercher ailleurs.

Alexandre Sutherland Neill nous apprend que l’amour et la haine ne sont en fait qu’une seule et même chose : « L'amour et la haine ne sont pas des opposés. L'opposé de l'amour est l’indifférence. La haine est une autre face de l’amour – un amour contrarié. La haine contient toujours un ingrédient de crainte » (A. S. Neill, Summerhill, A radical approach to education, Londres, Victor Gollancz, 7e impression, 1973, p. 301). Ce que certains détestent, c’est plutôt la personnalité du Hummer, probablement parce que celle-ci leur fait un peu peur, avec raison d’ailleurs, quand on considère l’apparence du véhicule, les slogans et arguments publicitaires qu’on utilise pour le vendre, et parfois même, le comportement agressif d’un Rambo croisé au hasard de la route!

Des roues dont la taille permet au Hummer d’« escalader des barricades verticales de 40 cm de hauteur », une garde au sol qui place sa calandre à la hauteur de votre nez, calandre qui évoque déjà la gueule béante d’un animal aux dents acérées, convenons que ce sont là des éléments qui peuvent en intimider plus d’un. Les spécialistes du marketing nous disent que la publicité est conçue pour un segment de marché bien particulier, de sorte qu’elle peut laisser froides des personnes qui ne sont pas visées, voire leur déplaire. Néanmoins, la publicité a un impact sur celles-ci! Croyez-vous vraiment que les arguments publicitaires agressifs cités dans un blog précédent, dont le meilleur exemple est le fameux « Move in for the thrill », peuvent laisser indifférentes les personnes qu’ils ne ciblent pas? Au contraire, ils peuvent facilement engendrer un sentiment d’aversion instinctive ou de crainte, voire la peur chez des personnes plus sensibles que d’autres.

Finalement, sans affirmer que tous les conducteurs de Hummer sont des Rambos de la route, il est impossible de croire que les arguments publicitaires utilisés n’exercent aucune influence sur eux. Le simple fait qu’ils ont acheté un Hummer contredit cette hypothèse.

mardi 23 octobre 2007

L’identité du Hummer

En février dernier, j’ai reçu un courriel d’un propriétaire de Cadillac CTS; celui-ci affirmait que pour acheter un véhicule il fallait qu’il « tombe d'abord en amour » avec. Dans une entrevue à PBS, Clotaire Rapaille abonde dans le même sens : « Le PT Cruiser est une voiture [qui] quand les gens le voient, ils disent, “Wow, j’en veux un.” Certaines personnes le détestent; on s’en fout. Il y a assez de personnes qui disent, “Wow, j’en veux un” pour faire un grand succès. [...] Qu'est-ce qui fait du PT Cruiser une voiture reptilienne? D'abord, la voiture a une identité forte. Ce que des personnes nous ont dit est que “Nous sommes fatigués de ces voitures qui n'ont aucune identité. J'offre une bonne qualité, une bonne consommation d’essence, et toutes sortes d’autres bonnes choses, mais quand je vois la voiture à une certaine distance, je dois attendre que la voiture soit proche pour savoir ce que c’est, et je dois lire le nom.” Quand vous allez voir votre mère, elle n'a pas besoin de lire votre nom pour savoir qui vous êtes, vous voyez? Nous voulons ce lien reptilien. Et ainsi cette notion d'identité, absolument clef, était très reptilienne pour une voiture. »

Le PT Cruiser est un véhicule de type break (station wagon), au design un peu rétro, qui a plu à un segment de marché, à un point tel que General Motors a ressenti le besoin de produire un véhicule similaire, la Chevrolet HHR, que GM classe comme un VUS; la notion d’identité est toutefois la même pour tous les véhicules. Le Hummer est lui aussi un véhicule avec une personnalité forte. Voici ce que Rapaille pense de ce dernier et de la publicité utilisée pour en faire la promotion : « Le Hummer est une voiture avec une identité forte. C'est une voiture dans un uniforme. Je leur ai dit, mettez quatre étoiles sur l’épaule [aile] du Hummer, vous vendrez mieux. Si vous regardez la campagne, brillante. Je n'ai aucun crédit à cet égard, je veux simplement que vous sachiez, mais brillante. Ils disent, “Vous nous donnez l'argent, nous vous donnons la voiture, personne n’est blessé.” J’adore ça! C’est comme si la mafia vous parle. [...] Ils ne vous disent pas, “Achetez un Hummer parce que vous obtenez une meilleure consommation d’essence.” Ce n’est pas la chose à faire. C'est un élément qui relève du cortex. Ils s’adressent à votre cerveau reptilien. » C’est une conception un peu particulière de la vente et du marketing, à laquelle je ne souscris pas. Je dois néanmoins m’incliner devant l’évidence; cette approche fonctionne auprès d’un segment de la population.

Comme nous venons de le voir, que certains détestent le Hummer ne saurait préoccuper General Motors outre mesure. Tout au plus les dirigeants de cette filiale de GM entendent-ils se concentrer sur le modèle H3, moins gourmand en essence, et offrir un modèle un peu plus petit, le H4, en 2010. (Site Web du Hummer, consulté le 15 août 2007) Cependant, je vois cette stratégie comme une descente en gamme (B. Duguay, Consommation et luxe, La voie de l’excès et de l’illusion, Montréal: Liber, 2007) davantage qu’une tentative de séduire les adversaires du Hummer, une réaction au déclin des ventes du modèle H2 de 22 % en 2005 et de 27 % en 2006. (N. Bérubé, « Le Hummer sur une voie de garage », La Presse, 30 mai 2007, p. A24.) Encore là, je ne vois pas le H2 disparaître, car, pour certains, sa seule consommation d’essence n’est pas une justification suffisante pour s’en priver; la consommation d’essence est un facteur rationnel qui peut décourager certaines personnes, mais pas les vrais aficionados. D’ailleurs, si le prix de l’essence retombe un tant soit peu, comme ça semble être le cas à l’été et à l’automne 2007, je ne serais pas du tout surpris de voir les ventes du H2 remonter, ou du moins cesser de décroître.

mardi 16 octobre 2007

Les acheteurs de VUS

Qui sont les acheteurs de VUS? Se fondant sur d’importantes études de marché réalisées année après année pour le compte de l’industrie automobile, voici comment Keith Bradsher les décrit : « Ils tendent à être des gens peu sûrs d’eux-mêmes et vains. Ils sont fréquemment nerveux à propos de leurs mariages et inconfortables au sujet de leur condition parentale. Ils manquent souvent de confiance en leurs habiletés à conduire un véhicule. Surtout, ils sont susceptibles d'être égocentriques (self-centered) et égoïstes (self-absorbed), avec peu d'intérêt pour leurs voisins ou communautés (K. Bradsher, High and Mighty, SUVs – The world’s most dangerous vehicles and how they got that way, New York, Public Affairs, 2002, p. 101). »

Ce serait donc l’instinct de survie et des attentes visant une sécurité maximale, sans se soucier des conséquences sur autrui, qui pousseraient les gens à favoriser les VUS, plus particulièrement le Hummer, auquel l’origine militaire confère une image particulièrement robuste. La taille démesurée du véhicule, surtout dans le cas du Hummer H2, permet également à ceux qui le conduisent de dominer la route, au propre comme au figuré. Or, dans « Consommation et luxe, La voie de l’excès et de l’illusion » (en librairie le 13 novembre), je mentionne qu’on retrouve dans le luxe une volonté de dominer les autres, faisant du Hummer un objet de pouvoir.

La publicité du Hummer participe à créer ce sentiment de domination, en accentuant l’image guerrière du véhicule. À votre entrée sur la page d’accueil du Hummer (site Web canadien version anglaise du Hummer, consulté le 15 août 2007), on vous présente un écran de fumée noire, très évocateur d’un champ de bataille, derrière lequel se cache le nouveau Hummer H3 Édition limitée, avec le slogan « Move in for the thrill » ; ceci est un jeu de mots à saveur très agressive fondée sur l’expression « Move in for the kill », qui évoque la mise à mort, sous-entendue, d’un ennemi. Une autre formule publicitaire « 48 units are now standing by » (48 unités en état d’alerte) renforce encore l’image militariste du véhicule. La publicité étant une influence culturelle importante, doit-on s’étonner si on rencontre à l’occasion un conducteur de Hummer un tant soit peu agressif? Dans un tel cas, il se pourrait que Rapaille ait raison; le cerveau reptilien domine, l’instinct sauvage supplante la raison et les émotions.

mardi 9 octobre 2007

Hummer VS MINI

Dans les prochaines semaines, je vous invite à une série de sept chroniques portant sur le thème : pourquoi aime-t-on… ou déteste-t-on un véhicule? Pour éclairer cette question, je vais utiliser deux véhicules aux antipodes quant à la philosophie qui les sous-tend : le Hummer et la MINI. Commençons par le plus gros.

Le Hummer fait partie d’une classe de véhicules communément appelés Véhicules Urbains Sportifs (VUS), ou 4X4; ils sont issus du Jeep, un véhicule qui a connu ses heures de gloire sur tous les théâtres d’opérations de la Seconde Guerre mondiale. Conçu à l’origine par l’American Bantam Car Company, c’est à Willys-Overland et à Ford que l’armée américaine accorde des contrats de fabrication en 1941. Après la guerre, Willys-Overland continue seule la production, Ford n’étant pas intéressée; l’entreprise est vendue à Kaiser en 1953, qui poursuivra la production. Kaiser est rachetée par AMC en 1970, qui s’associe avec Renault en 1979; en 1987, Renault vend sa participation à Chrysler, attirée par la division Jeep d’AMC (Site Web 4wheelz).

Le Hummer ne laisse personne indifférent; certains l’aiment énormément, d’autres le détestent tout autant. En fait, peu de véhicules, voire aucun, ne suscitent une telle passion; avez-vous déjà entendu quelqu’un dire qu’il détestait une Jeep, une Land Rover, une Ford Explorer, une Chevrolet Suburban... qui sont pourtant des véhicules de type VUS? Que faut-il comprendre de ces réactions?

Parlons tout d’abord de ceux qui aiment le Hummer. Les VUS sont devenus très populaires en Amérique du Nord dans les années 1990. Clotaire Rapaille nous apprend qu’il faut chercher dans la structure du cerveau la raison de cette popularité, lequel comporte trois parties : le cortex, le système limbique et le cerveau reptilien. La première se charge de la logique, de l’apprentissage, de la pensée abstraite et de la créativité. La seconde est le siège de nos émotions, qui l’emportent souvent sur la raison. La troisième est un reliquat du cerveau des reptiles; cette zone recèle les instincts de survie et de reproduction. « Puisque la survie est plus fondamentale à notre existence que le fait “de se sentir bien” ou “d’être compréhensible”, le cerveau reptilien prédomine toujours. Dans une bataille entre la logique, l'émotion, et l'instinct, le cerveau reptilien gagne toujours. C'est vrai pour le bien-être personnel, les rapports humains, les décisions d’achat, et même [...] le choix des leaders (C. Rapaille, The Culture Code, New York, Broadway Books, 2006, p. 74). »

Pour ma part, je ne suis pas aussi catégorique; je dirais plutôt que chez certaines personnes, dans des circonstances particulières, l’instinct l’emporte sur la raison et les émotions. Chez d’autres, dans un contexte différent, ce sera plutôt la raison ou les émotions qui prédomineront. En fait, j’ai l’intuition qu’il existe un lien étroit entre la prédominance de l’une ou l’autre des facettes du cerveau et l’image de soi. Pour l’instant, je n’ai malheureusement pas de données empiriques pour appuyer mon hypothèse intuitive.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de la théorie du cerveau reptilien.

lundi 24 septembre 2007

Retour sur les attentes

Le chapitre 3 de mon prochain livre, Consommation et luxe, est consacré à l’étude des attentes. En voici un extrait.

La théorie des besoins, aujourd’hui encore utilisée comme fondement du marketing par la vaste majorité des théoriciens de cette discipline, doit être remplacée par une théorie des attentes, qui permet de mieux rendre compte de la complexité du comportement d’achat (Voir B. Duguay, Consommation et image de soi, Montréal Liber, 2005. Voir également R. Rochefort, La société des consommateurs, Paris, Odile Jacob, 1995.) En voici une représentation graphique que je désigne sous le vocable « Anneau des attentes ».

Pour mieux comprendre la notion d’attente, prenons l’achat d’une voiture. On pourra acheter un modèle particulier pour diverses raisons: sa faible consommation d’essence (attente fonctionnelle), sa réputation (attente symbolique), l'image qu'on souhaite projeter (attente imaginaire), le plaisir de la conduire (attente sensorielle), son prix raisonnable (attente financière), l'accueil chaleureux du concessionnaire ou du vendeur (attente relationnelle), l'utilisation de matériaux recyclés dans sa construction (attente sociétale), l'aspect unique de ce modèle (attente esthétique), les informations détaillées et conviviales du constructeur (attentes informationnelles), la rapidité de la livraison (attente temporelle). Le choix définitif tiendra sans doute compte de plusieurs facteurs, peut-être même de tous, l’influence de chacun étant fonction d’une pondération propre à chaque acheteur.

Une attente doit être vue comme une exigence que le consommateur veut satisfaire. Elle précise la notion floue de besoin sans se traduire immédiatement et obligatoirement en un désir. Si les attentes les plus importantes qu'on a à l'égard d'un produit sont satisfaites, on pourra nourrir un désir pour ce bien ou ce service, désir qui pourra par la suite se concrétiser en une demande ferme puis dans un achat. Contrairement aux besoins, que les théoriciens du marketing prétendent innés et donc résolument ancrés dans l’être humain, les attentes sont déterminées par d’innombrables éléments; en tout premier lieu, la publicité et toutes les autres actions communicationnelles effectuées dans un but commercial, mais également les valeurs de la société à laquelle un individu appartient, son cheminement personnel, ce que rend possible l’évolution technologique, largement diffusée par tous les canaux d'information... bref tous les stimuli auxquels une personne est exposée. Il est important de comprendre qu’à chaque attente du consommateur correspond un élément, au sens large, du produit; ainsi, pour répondre à l'attente fonctionnelle d'un vêtement durable, le produit devra faire appel à un matériau qui assurera cette durabilité, les communications quant à elles devront participer à la création d’une image de durabilité.

lundi 10 septembre 2007

Consommation et luxe

Je reprends la publication de mon blog aujourd’hui avec ces trois paragraphes tirés d'une première version de Consommation et luxe, mon prochain livre, dont la sortie est prévue cet automne.

« Ils sont fous ces Romains! » Plusieurs se rappellent encore ce propos que tenait fréquemment Obélix dans les célèbres aventures d’Astérix le Gaulois (Uderzo et Goscinny, Collection de plusieurs ouvrages, Paris : Dargaud éditeur). Confronté à la culture, étrange pour lui, du peuple Romain, il exprimait ainsi son désarroi. Je pense que nous allons bientôt entendre des paroles similaires de la bouche de personnes à qui la culture de la société de consommation apparaîtra tout aussi étrange. « Beau bébé » pouvait-on lire à la une du quotidien montréalais La Presse le jeudi 8 décembre 2005 (122e année no 51). Ce titre accrocheur renvoyait à une série d’articles portant sur les produits de luxe pour bébé dans le cahier Actuel du jour. « Des produits de luxe pour bébé? », me direz-vous. Eh bien, oui! Nos poupons se sont découvert un besoin pour le luxe! Fini le temps où les tout-petits se contentaient tous de la même marque de savon, de shampoing ou de poudre, Johnson’s au Québec ou Mustela en France; bien que ces deux marques soient encore très populaires, dans certains milieux la beauté de bébé passe maintenant par Anthony, Kiehl’s, Klorane et j’en passe.

Comment en est-on arrivé là? Dans les pays industrialisés, la consommation est devenue une activité de premier plan pour la plupart des gens. Par ailleurs, si le branding, cette philosophie d’affaires qui met l’accent sur la production de marques, a permis à celles-ci de connaître une croissance fulgurante, il les a par ailleurs démocratisées, parfois même galvaudées. Par conséquent, le port de la marque ne permet plus de suffisamment se distinguer, d’exprimer une image inédite. Que diable, comment paraître différent si tout le monde porte du Nike ou du Tommy Hilfiger? Que reste-t-il aux personnes désireuses de se différencier lorsque les marques ne suffisent plus? Le luxe! Seul le luxe permet désormais à certains de se distinguer, de se hausser, croient-ils, au-dessus des masses.

Cela dit, n’allez pas croire que je condamne sans appel tous les objets et services de luxe. Le luxe est nécessaire… même pour les personnes démunies, peut-être même surtout pour ces dernières qui ont bien besoin de petits plaisirs dans la vie. D’ailleurs, même Gilles Lipovetsky, critique réputé de la consommation s’il en est un, écrit : « Depuis longtemps, les meilleurs esprits ont souligné le caractère universel, anthropologique du luxe », appuyant ses propos par cette citation de Shakespeare « Le dernier des mendiants a toujours une bricole de superflu! Réduisez la nature aux besoins de nature et l’homme est une bête », et conclut « Le luxe c’est le rêve, ce qui embellit le décor de la vie, la perfection faite chose par le génie humain. » (G. Lipovetsky, Le luxe éternel, De l’âge du sacré au temps des marques, Paris, éditions Gallimard, 2003, p. 19) Si, pour une personne riche, le luxe c’est l’achat d’un condo aux Bahamas, pour une personne moins fortunée ça peut être une gâterie comme un dîner occasionnel dans un restaurant prestigieux. À chacun son luxe!

mercredi 13 juin 2007

Relâche

Accaparé par la rédaction de mon livre, « Consommation et luxe », dont la parution est prévue l’automne prochain, il m’est impossible de continuer la publication d’une chronique hebdomadaire. Je fais donc une courte relâche et reprendrai en septembre. Afin d’être prévenu de la reprise de mes chroniques, je vous invite à vous abonner au flux RSS.

Entre-temps, si vous désirez communiquer avec moi, utilisez l’adresse email accessible dans mon profil; je vous répondrai avec plaisir.

Bon été!

jeudi 7 juin 2007

Au-delà de Kyoto

Le sommet du G8 est pour moi une occasion de faire un retour sur la chronique « Kyoto et la consommation », publiée le 27 avril 2007, dans laquelle j’écrivais : « Tous ces citoyens hautement vertueux, prétendument préoccupés par l’environnement, sont-ils vraiment disposés à faire un effort pour changer leurs habitudes et réduire leur consommation? »

J’étais alors, et demeure toujours, à juste raison, sceptique quant à la volonté des Québécois, comme des citoyens de bien d’autres provinces et pays, de faire un effort pour réduire les émissions polluantes. S'il est vrai qu'une minorité de citoyens est disposée à changer radicalement leurs habitudes de vie pour sauvegarder la planète, tel n'est pas le cas de la majorité. À preuve, dans l'article « Environnement : oui aux mesures indolores », publié le mercredi 30 mai 2007 dans le quotidien La Presse, le journaliste François Cardinal écrivait : « Une très forte majorité de Québécois sont prêts à agir pour contrer les changements climatiques à condition que cela n'exige aucun sacrifice de leur part. »

Cet article est fondé sur l’étude Changements climatiques au Québec méridional : perceptions de la population générale et suggestions d'adaptations futures de l'Institut national de santé publique du Québec. En voici un extrait éloquent (page VIII) : « Par ailleurs, il semblerait que la majorité des citoyens supporteraient les initiatives nationales et internationales en autant qu’elles ne demandent pas un changement significatif de leur style de vie ou le sacrifice de leur confort pour le bien collectif et en autant que cela ne leur coûte pas un sou. Enfin, la majorité aurait aussi un fort attachement au statu quo et risquerait davantage pour éviter une perte que pour obtenir un bénéfice. »

Au cours des millénaires, la terre a connu plusieurs cycles de réchauffement et de refroidissement; celui que nous vivons actuellement est assurément accentué par l’activité humaine. Ce n’est pas une raison pour faire paniquer la population, vouloir fixer des objectifs inatteignables et proposer des solutions impraticables. De toute évidence, il faut agir… de façon intelligente. Je suis partisan de fixer des objectifs peut-être moins ambitieux, mais réalistes. Les solutions à privilégier doivent être simples à mettre en œuvre et ne pas constituer une entrave au mode de vie de la population, une position qu’appuie d’ailleurs Mario Roy.

Dans un éditorial publié le lundi 5 février 2007 dans La Presse (page A15) ce journaliste écrivait : « Les Québécois sont, en paroles les champions mondiaux de l’environnement. […] Pourquoi les Québécois s’opposent-ils à une hausse des tarifs d’électricité et à l’exploitation de l’énergie hydraulique? […] Pourquoi les ventes des plus gros et des plus luxueux véhicules utilitaires sport (VUS) ont-elles progressé de 17 % et de 6 % respectivement au Canada en 2006? » Il attribue entre autres cette apparente contradiction au fait « que le citoyen indique qu’il ne sacrifiera pas le confort et la liberté que lui procure la modernité. » Il envisage le développement technologique comme une voie prometteuse pour trouver des solutions au réchauffement climatique : « Comme l’industriel, le citoyen va monnayer ses sacrifices. Ou, mieux encore, leur préférer de nouvelles technologies propres, de nouveaux procédés verts, des comportements écologiques corrects… s’ils sont sans douleur. »

L’être humain a démontré son inventivité à l’occasion des plus grandes crises de l’humanité ; la science a fait alors des progrès colossaux. Pensons aux antibiotiques, aux technologies de communications, à l’informatique et à l’énergie nucléaire, issus des recherches entreprises pendant la Seconde Guerre mondiale.

La même chose sera vraie aujourd’hui, à condition d’y consacrer les ressources et les énergies nécessaires, plutôt que de nous enfermer dans des polémiques stériles.

Qu'en pensez-vous?

mardi 29 mai 2007

Écologie et marketing : attention aux arnaques

Le week-end dernier, voulant me débarrasser des plantes indésirables qui envahissent notre terrasse, je suis allé dans un centre de jardinage pour acheter un herbicide; je veux bien que le pissenlit fasse partie de l'équilibre écologique de notre pelouse, mais refuse de le voir envahir le patio. Par contre, soucieux d'utiliser un désherbant sans aucune toxicité pour les humains et les animaux lors de l'application, et ne laissant aucun résidu toxique dans l'environnement, je voulais un produit dit écologique. Celui que le marchand m'a conseillé satisfaisait ces critères; son étiquette mentionnait l'élément actif, l'acide acétique, dans une proportion de 62,5 g par litre. Je me suis dit que ça devait être une solution d'acide acétique un peu plus concentrée que du vinaigre. J'ai donc acheté un contenant d'un litre en vaporisateur au prix de 7,97 $ Can.

J'ai appliqué le produit; celui-ci dégageait effectivement une forte odeur de vinaigre. Je dois admettre son efficacité; après une heure ou deux, les plantes commençaient déjà à se dessécher. Par contre, ma curiosité m'a poussé à effectuer une recherche sur internet; j'ai appris que le vinaigre commercial était habituellement une solution de 5% d'acide acétique, soit 1,01 g par millilitre, donc 101 g par litre. Le vinaigre vendu en épicerie est donc une solution 1,6 FOIS PLUS CONCENTRÉE que le produit que j'ai acheté. Poussant plus loin mon enquête, j'ai consulté le site Web du fabricant; le feuillet descriptif détaillé du produit mentionne effectivement comme ingrédients actifs l'acide acétique principalement (5-10 Wt.%), et dans une proportion plus faible, l'acide citrique (3-7 Wt.%).

J'avoue avoir été surpris, voire choqué. S'agirait-il de vinaigre, un peu moins concentré toutefois, auquel on aurait ajouté un peu d'acide citrique? Hormis que la présence d'une faible proportion de jus de citron, soit la clé de l'efficacité de ce produit? N'étant ni chimiste, ni horticulteur, je ne peux me prononcer avec certitude sur cette question. Par contre, si tel n'est PAS le cas, je me suis peut-être fait arnaquer! J'ai acheté du vinaigre à 7,97 $ Can. le litre, quand j'aurais pu en acheter 4 litres pour 2,59 $ Can. au supermarché (Loblaws, marque « sans nom »)! Je déteste admettre ceci, mais je crains que ça puisse être le cas. Le service de recherche agricole du ministère de l'Agriculture des États-Unis a testé le vinaigre, y compris la variété domestique, comme désherbant; vous pouvez lire les résultats par vous-même.

Les produits écologiques ont la cote. Motivées par l'appât facile et rapide du gain, plusieurs entreprises vont sans doute tenter d'exploiter le consommateur avec divers produits « sans danger pour l'environnement » dont l'efficacité est douteuse, ou bien qui pourraient être remplacés par des solutions peu coûteuses.

Encore une fois, l'expression latine « Caveat emptor », que l'acheteur soit vigilant, prend tout son sens.

J'aimerais beaucoup que les personnes qui ont des renseignements précis à fournir à propos du produit que je mentionne, ou des produits écologiques en général, affichent ces informations sur le blog.

mardi 15 mai 2007

Consommation et narcissisme

Absorbé par la correction des travaux et examens de mes étudiants, je présente aujourd'hui une chronique plus courte qu'à l'accoutumée. Si elle est plus brève, elle n'en sera pas moins intéressante, car je sais que le sujet est très controversé et que mes propos ne laisseront personne indifférent. Certains applaudiront mon intervention, mais, plusieurs, peut-être une majorité, seront en désaccord avec moi. Je me permets néanmoins cette critique. Comme je l'écrivais récemment à un lecteur de ce blog : « Si je ne voulais pas être critiqué, je n'aurais qu'à ne pas afficher publiquement mes opinions ».

Certains d'entre nous ont vu l'une des nombreuses publicités, ou un article dans un quotidien, concernant l'exposition « Le monde du corps 2 », présentée au Centre des Sciences de Montréal, du 10 mai au 16 septembre 2007. Grâce au procédé de plastination, ceux qui le désirent peuvent maintenant préserver indéfiniment leur corps, et même en faire étalage publiquement après leur mort. Dans le but de former une clientèle scientifique, des médecins par exemple, je conviens qu'il s'agit là d'une technologie tout à fait innovatrice et utile. Toutefois, pour ce qui est de l'usage prétendument éducateur et artistique qu'on nous propose, on peut repasser; je ne comprends pas que certains journalistes puissent crier au génie devant une exposition de cadavres. Je ne vois absolument rien de génial dans le fait d'exposer, dans des postures grotesques, des dépouilles humaines conservées artificiellement.

Dans les facultés de médecine, on exige le respect des corps donnés à la science par des personnes désireuses de contribuer à l'avancement du savoir. Où est le respect dans un tel étalage de chair humaine? Si la société de consommation a favorisé l'émergence d'un monde fondamentalement individualiste, voire égoïste, nous atteignons là un sommet dans le narcissisme pour les personnes qui s'exhibent ainsi après leur mort. Quant à celles qui paient pour voir ce spectacle macabre, il faut plutôt parler d'un phénomène apparenté au voyeurisme. En outre, il est carrément révoltant de voir certains s'enrichir en utilisant de tels procédés peu recommandables.

Nombrilisme chez les uns, voyeurisme ou âpreté au gain chez les autres; il est bien triste de voir ainsi les gens oublier la nature divine de l'être humain!

J'attends avec impatience vos commentaires... que vous soyez ou non d'accord avec moi.

mardi 8 mai 2007

L’utilisation de la peur dans les publicités de la SAAQ

Encore cette année, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) fait preuve d’un manque de discernement dans son choix de thème publicitaire. Devant un bilan routier qui se détériore, elle choisit d’utiliser la peur et la culpabilité pour induire un changement d’attitude chez les conducteurs fautifs. Le thème retenu en 2007 est « Un accident, ça frappe... ça frappe beaucoup de monde » et la mise en scène est dramatique pour ne pas dire carrément morbide. Vous pouvez visionner ces publicités sur le site Web de la SAAQ.

Or, depuis longtemps, des études démontrent que l’utilisation de la peur et de la culpabilité n’est pas sans danger. En fait, cette stratégie peut engendrer une réaction contraire à celle désirée (D. Cohen, Advertising, 1972, p. 418) : « Cependant, des études du processus de communication ont indiqué que là où les gens sont fortement anxieux, l’utilisation de la peur peut ne pas réussir, mais en fait avoir un effet boomerang, de sorte que l'individu fortement anxieux n'accepte pas le message. » Par ailleurs, les études de Janis et Feshbach (1961) et de Terwilliger (1963) ont démontré qu’un message faisant appel à la peur, utilisé pour des gens déjà anxieux, stimule les défenses de la personne et empêche le changement d’attitude souhaité. Ce phénomène est confirmé par des études récentes (K. E. Clow et D. Baack, Integrated Advertising, Promotion, & Marketing Communications, 2002, p. 308) : « D'autre part, une publicité avec un niveau élevé de crainte peut être nuisible. Un message trop fort cause des sentiments d’anxiété. Ceci mène des téléspectateurs à éviter de regarder la publicité, en changeant de canal ou en coupant le son. »

Il est surprenant de voir la SAAQ utiliser à nouveau ce type de publicité en 2007, puisque leur utilisation n’a pas réussi à améliorer le bilan routier; au contraire, s’il faut en croire l’étude de cet organisme, il se serait plutôt détérioré, démontrant ainsi la faible utilité du concept.

En plus du risque de voir ces publicités ne pas permettre à la SAAQ d’atteindre ses objectifs louables de réduire les accidents et les décès sur les routes, il faut également considérer un autre effet pervers : celui de traumatiser des personnes sensibles, aucunement visées par cette publicité.

Complètement à l’opposé, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a compris que la peur intense et les scènes choquantes sont inutiles, voire nuisibles. Si en 2002 la campagne « Ne laissez pas la mort faire son travail » faisait appel à des scènes vraiment macabres, celle de 2007, « Tout faire pour qu'il n'arrive rien », est au contraire très positive; on y illustre les bienfaits de la sécurité, en utilisant un niveau subtil de peur, qui suggère les dangers sans provoquer de réactions négatives.

Que pensez-vous des publicités de la SAAQ et de la CSST?

Croyez-vous que les publicités de la SAAQ soient trop choquantes? Trop macabres?

Êtes-vous d’accord avec l’utilisation de la peur et de la culpabilité dans les publicités d’organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux?

mardi 1 mai 2007

Kyoto et les attentes sociétales

La tempête médiatique entourant le protocole de Kyoto, qui fait suite à l’annonce d’un plan visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre par le ministre Baird, est une belle occasion pour moi de présenter la notion d’attentes sociétales.

Un nombre croissant de personnes semblent entourer leur consommation de préoccupations fondées sur des valeurs fondamentales d’équité sociale et de préservation de l’environnement. Par exemple, les statistiques d’Ipsos indiquent qu’entre 2000 et 2002, la proportion de Français ayant « entendu parler du commerce équitable » a presque quadruplé, pour atteindre 32 % (Plate-Forme pour le Commerce Équitable). En France, le commerce équitable connaît déjà une grande popularité, au point de retrouver de larges sections offrant ces produits dans les supermarchés Leclerc, Carrefour et Champion. On a vu ainsi apparaître le label « Fairtrade » de certification des produits équitables.

Véritables exigences du consommateur, les attentes sociétales touchent tous les secteurs et sont incontournables pour les entreprises : véhicule à faible consommation d’essence, à la fois pour réduire la pollution environnementale et pour préserver la ressource limitée qu’est le pétrole; réutilisation de matériaux recyclables, papier, verre, etc. Les attentes sociétales concernent également la récupération de matériaux dangereux, ceux par exemple de l’industrie informatique, dont les produits contiennent des métaux toxiques.

Le secteur des services est également touché; plusieurs intervenants touristiques ont des préoccupations de nature écologique (tourisme écologique) et sociale (développement touristique durable). On peut également mentionner la conservation du patrimoine, un enjeu majeur pour plusieurs urbanistes, architectes et autres personnes qui travaillent à tisser la toile urbaine.

Le dérapage fortement médiatisé entourant le protocole de Kyoto et la récupération politique qu’en font certains démontrent que les attentes, sociétales et autres, peuvent souvent être émotives plutôt que strictement rationnelles. Le plan déposé par le ministre Baird est rationnel; il propose une solution équilibrée entre les contraintes économiques et environnementales. Je suis certain que le gouvernement du Premier ministre Harper fera davantage lorsqu’il le POURRA. Les critiques elles sont plutôt d’ordre émotif et symbolique; Kyoto est devenu un symbole et un cheval de bataille pour les environnementalistes irréductibles. Ceci illustre particulièrement bien le fait que les enjeux sociétaux peuvent être liés à, voire eux-mêmes devenir, des attentes symboliques ou imaginaires.

Qu’en pensez-vous?

Le discours alarmiste de certains est-il plus émotif que rationnel?

Le protocole de Kyoto doit-il être un énoncé de principes qui doivent désormais guider les activités humaines ou bien un ensemble de normes environnementales contraignantes?

Êtes-vous personnellement satisfait du plan proposé la semaine dernière par le ministre Baird?

Quelles autres mesures concrètes et réalisables aimeriez-vous proposer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre?

vendredi 27 avril 2007

Kyoto et la consommation

Depuis quelques semaines, nous avons droit aux professions de foi de citoyens, de politiciens et de journalistes, envers le dogme qu’est devenu le protocole de Kyoto. La main sur le cœur, chacun vient proclamer son soutien indéfectible aux normes de cet accord. Il a beaucoup de tartuferie dans tout ça.

Il est bien connu que plusieurs groupes de pression, encouragés par des politiciens dont on peut douter de la bonne foi, ont réussi à créer, avec la complicité de quelques journalistes, une psychose autour de cette question; un sondage du Globe and Mail révèle que plus de 60 % des canadiens souhaitent voir les objectifs Kyoto respectés.

Les changements environnementaux entraînés par l’activité humaine sont très préoccupants; il est indispensable de prendre des mesures pour contrôler les émissions polluantes. Puisque tel est le cas, pourquoi donc rien n’a-t-il été fait depuis 10 ans? Que je sache, le gouvernement de Monsieur Harper n’était pas au pouvoir en 1998, ni en 2000, ni en 2004… Il me semble bien que plusieurs personnes qui hurlent aujourd’hui n’aient rien fait pour assurer l’atteinte des objectifs lorsqu’elles avaient le pouvoir de le faire.

Tous ces citoyens hautement vertueux, prétendument préoccupés par l’environnement, sont-ils vraiment disposés à faire un effort pour changer leurs habitudes et réduire leur consommation? La société de consommation, c’est nous qui l’avons créée et nous en sommes tous complices; personne ne nous oblige à consommer autant et aussi mal. Peut-on ignorer que pour consommer il faut produire et que cette production entraîne des émissions polluantes?

Je croirai que les gens veulent vraiment réduire celles-ci quand je les verrai consommer moins et mieux. Acheter des voitures plus petites, ne plus les laver en laissant l’eau ruisseler pendant une heure tous les samedis, ne plus laisser tourner le moteur pendant dix minutes, souvent plus, l’hiver pour ne pas monter dans un véhicule froid, ne plus chauffer leurs maisons à l’excès l’hiver et les climatiser exagérément l’été, etc.

Pour la première fois, nous avons un plan et il est réaliste. Bien sûr, on peut reprocher au ministre Baird de ne pas respecter la lettre du protocole de Kyoto; son plan est néanmoins crédible et pragmatique. Mon expérience des affaires m’a appris qu’il vaut mieux fixer des objectifs moins élevés et les atteindre plutôt que d’avoir une cible trop ambitieuse et de la rater. Si les partis d’opposition pensent pouvoir faire mieux qu’ils renversent le gouvernement actuel, puisqu’il est minoritaire, qu’ils se fassent élire, qu’ils en proposent un meilleur et surtout que celui-ci soit autre chose qu’un programme électoral théorique, en d’autres mots un vœu pieux!

J’ai bien d’autres points à développer; je les garde pour une prochaine chronique. Pour l’instant, j’aimerais connaître votre opinion sur ces différentes questions.

Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par les changements environnementaux?

Les objectifs de Kyoto sont-ils atteignables?

Êtes-vous disposé à modifier vos habitudes de consommation pour réduire les émissions polluantes?

Êtes-vous prêt à payer plus cher pour un produit si l'entreprise qui le manufacture utilise des processus plus coûteux, mais moins polluants?

mardi 17 avril 2007

Les attentes relationnelles

Les attentes relationnelles déterminent la forme d’interactions personnelles souhaitées par le consommateur. L’exemple le plus typique à cet égard est celui du client qui s’attend à ce que le vendeur le conseille lors de l’achat d’un vêtement, de cosmétiques, d’une voiture, etc. Notons que le fait de ne pas désirer l’assistance d’un vendeur est également une forme d’attente relationnelle, d’où les commerces de type « entrepôt » où le client se sert lui-même. Même dans un magasin où ils sont à la disposition des clients, les vendeurs doivent être suffisamment perspicaces pour détecter ceux qui souhaitent faire leur choix sans assistance. Dans cette catégorie d’attentes, on doit également considérer les interactions personnelles avec d’autres usagers d’une marque par le biais de clubs tels AUG (Groupes Utilisateurs Agréés Apple – Montréal Paris), Miata (Québec sites mondiaux), Mini (VancouverRoyaume Uni) et HOG (Harley Owners Group – Canada sites mondiaux). Ces regroupements sont des composantes de la marque; ils favorisent l’achat de ses produits.

Le domaine touristique fournit de nombreux exemples de produits qui répondent aux attentes relationnelles; pensons entre autres aux associations d’échanges de maisons. Le fait d’appartenir à ces clubs d’échanges permet de faire de nouvelles connaissances, d’établir des amitiés et d’entretenir des relations personnelles privilégiées. Les différentes classes offertes par les compagnies aériennes sont également une réponse à la diversité d’attentes des voyageurs en ce qui concerne la qualité du service.

mardi 10 avril 2007

Les attentes financières

Les attentes financières concernent les exigences du consommateur en matière de prix, au sens courant de ce qu’il en coûte pour acquérir ou utiliser un bien ou un service. Plusieurs facteurs déterminent ces attentes, en particulier les ressources financières disponibles et les valeurs du consommateur. Certains préfèrent acheter le produit le moins cher, d’autres sont disposés à payer un prix un peu plus élevé si les frais d’utilisation s’en trouvent réduits. Le fait d’accepter de payer un prix plus élevé peut également être fonction d’un souci d’image.

Les attentes financières sont intimement liées aux autres attentes, en particulier fonctionnelles et symboliques. Ainsi, on consentira à payer un prix plus élevé si on est convaincu d’une meilleure qualité du produit (attente fonctionnelle) ou s’il s’agit d’une marque de prestige (attente symbolique); certaines personnes achètent même systématiquement les produits les plus chers parce qu’elles associent prix et excellence. Ceux qui ont une vive conscience sociale accepteront également de payer un prix un peu plus élevé pour un produit dont le processus de production est respectueux de l’environnement ou dont le profit résultant de la vente est distribué de façon équitable; par exemple, le « Café équitable » est certes un produit plus cher, mais il contribue à éliminer « l’exploitation des producteurs de café. Il leur assure une existence convenable et soutient les méthodes de culture respectueuses de l’environnement. »

Dans bien des cas, les attentes financières donnent lieu au compromis. Par exemple, celui qui voudrait bien acheter une automobile haut de gamme avec toutes les options se résoudra finalement à se contenter d’un modèle moins cher, comportant moins d’options. On peut d’ailleurs voir dans les plans de location offerts par les manufacturiers une autre version de ce compromis : permettre au consommateur d’accéder à des modèles plus luxueux tout en lui évitant la dépense massive de l’achat. Le fait que ce genre de contrat soit souvent plus coûteux à long terme perd de son importance aux yeux du consommateur.

Les produits touristiques sont eux aussi offerts dans une gamme de prix correspondant à une diversité d’attentes fonctionnelles, symboliques, relationnelles, etc. À mon avis, dans le domaine du tourisme, le phénomène le plus intéressant touchant les attentes financières est l’offre de billets d’avion bradés, pour des réservations de dernière minute, sur des sites internet tels « Lastminute.com » en France et « Billets Bon Marché.com » au Canada. Si, au Canada, des compagnies aériennes, telles « Westjet », offrent des vols réguliers à prix réduit, en Europe, « easyJet » et « Ryanair » proposent des tarifs incroyablement bas pour des vols au Royaume-Uni et en Europe continentale. Ce circuit de distribution relativement nouveau répond tout à fait aux attentes des consommateurs dont la préoccupation principale est de payer le prix minimum.

Quelles ont été vos attentes financières pour votre dernier achat important?

mardi 3 avril 2007

Les attentes sensorielles

Les attentes sensorielles ont d’abord trait au plaisir, ou plutôt aux plaisirs, de la consommation elle-même, à la satisfaction de se procurer ce dont on a envie. Elles expriment aussi le plaisir que les produits achetés procurent à nos sens. Finalement, le plaisir peut être lié à des souvenirs agréables associés à un produit ou à une marque.

La publicité en général suggère à elle seule la satisfaction obtenue par la simple consommation; l’usage de plus en plus fréquent d’images, de textes ou de scénarios empreints de sensualité, voire de sexualité, pour vendre n’importe quoi renforce cet aspect. En ce qui concerne la jouissance sensuelle attendue des produits, on peut penser au plaisir gustatif associé à tel mets, au plaisir tactile procuré par des tissus soyeux, à la sensation agréable de propreté éprouvée grâce à tel savon, au plaisir olfactif que fait naître un parfum, etc. Quant au plaisir qui met en jeu des souvenirs, il suffit de penser aux vacanciers ou aux touristes : de retour au pays, ils essaient de prolonger les moments agréables de leur voyage en consommant des produits qui proviennent du pays visité ou dont le symbolisme leur rappelle ce voyage.

L’hédonisme est souvent utilisé pour vendre des produits touristiques; il existe d’ailleurs une chaîne de super clubs vacanciers qui a adopté le nom Hedonism II. En 2005, sur le site web de cette entreprise, on souligne la dévotion au plaisir, particulièrement le plaisir des sens, on évoque la fête ininterrompue, l’« abandon actif » de l’esprit, du corps et de l’âme. En 2007, on a créé une gamme de produits baptisée « Hedonistic Delights » pour stimuler l’attrait du « plaisir défendu » (amenities & services to suit all your guilty pleasures).

La recherche de plaisirs sensoriels influence-t-elle vos décisions d’achat?

La recherche du plaisir vous pousse-t-elle à consommer davantage?

mardi 27 mars 2007

IGOR et la loi : qui doit-on blâmer?

En vertu de la Loi sur la protection du consommateur, l’Office de la protection du consommateur dépose 36 constats d’infraction contre Saputo; l’entreprise peut se voir imposer des amendes totalisant 60 000 $. Ces accusations font suite à la plainte déposée le mois dernier par l’Union des consommateurs et la Coalition québécoise sur la problématique du poids, réclamant l’arrêt de la campagne promotionnelle de Saputo pour les muffins IGOR dans les garderies. L’entreprise n’a pas encore réagi à ces accusations; si elle décide de les contester, un juge devra en définitive se prononcer sur leur bien-fondé.

Outre l’aspect légal de ces actions commerciales, il y a lieu de s’interroger sur la part de responsabilité des garderies dans cette histoire. De toute évidence, leur collaboration s’est avérée nécessaire pour mener à bien cette campagne promotionnelle. Or, je n’entends personne faire la moindre remontrance aux dirigeants de ces organismes; pourtant, ils ont accepté de collaborer au lancement de ce produit d’une valeur nutritive discutable en retour d’avantages pécuniaires ou autres, alors que l’article 5 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance les oblige à inculquer aux enfants de saines habitudes alimentaires.

Les actions promotionnelles de Saputo pour les muffins IGOR vous choquent-elles?

L’intervention de l’Office de la protection du consommateur était-elle nécessaire pour protéger les enfants?

La réaction de l’Office de la protection du consommateur est-elle exagérément sévère?

L’entreprise Saputo doit-elle porter seule la responsabilité?

La complaisance des garderies est-elle critiquable?

Le gouvernement devrait-il intervenir auprès des garderies en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance?

J’aimerais beaucoup connaître votre opinion sur ces questions!

mardi 20 mars 2007

Les attentes imaginaires

Les attentes imaginaires touchent une autre forme de symbolisme, mais dont les racines sont beaucoup plus profondes. Elles reflètent les aspirations fondamentales du consommateur : valeurs personnelles, image de soi, estime de soi, etc. Les attentes imaginaires sont un des éléments les plus influents sur la consommation.

Les cosmétiques et les parfums sont d’excellents exemples de produits qui répondent aux attentes imaginaires du consommateur. L’image de féminité qui se dégage de la publicité du parfum Trésor de Lancôme est une réponse aux aspirations de certaines femmes; d’autres parfums offriront l’image d’une femme professionnelle très active pour répondre aux aspirations d’un groupe différent de sujets. Les cosmétiques, eux, s’engagent à rendre belles celles qui aspirent à la beauté, et à être une fontaine de jouvence pour celles qui aspirent à une jeunesse éternelle.

Dans le domaine touristique, plusieurs produits visent à répondre aux attentes imaginaires, le tourisme religieux notamment : tous les pays qui comptent de nombreuses églises, basiliques, cathédrales, mosquées, temples, attirent chaque année des centaines de milliers de visiteurs. Les uns viennent y chercher une inspiration spirituelle, d’autres, une forme d’art sacré, d’autres encore, un certain exotisme culturel.

Certaines destinations proposent une expérience unique, par exemple, Saint-Jacques-de-Compostelle; chaque année, des pèlerins parcourent à pied, à vélo ou en voiture les chemins qui y mènent, à travers l’Espagne, la France et même de plus loin. Ce pèlerinage est si populaire qu’une association, la Société française des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle, a pignon sur rue à Paris depuis 1950. Les motifs qui poussent les gens à vivre cette expérience sont complexes : spirituels, religieux, culturels, artistiques, physiques, etc.

Connaissez-vous vos aspirations profondes?

Pensez-vous qu’elles influencent votre consommation?

En rétrospective, à la lumière de ce qui précède, quelles sont les attentes imaginaires qui ont influencé votre dernier achat important?

mardi 13 mars 2007

Les attentes symboliques

Comme le savent très bien les spécialistes en marketing, certains biens et services sont achetés pour leur valeur symbolique plus que pour leur utilité. Les attentes symboliques visent l’association, voulue par le consommateur, du produit à un symbole : mode, statut, style de vie, classe sociale, richesse, pouvoir, modernité technologique, etc. Ce qu’on essaie d’obtenir, c’est une image, par exemple, celle d’un style de vie particulier. Ainsi, la pratique de plusieurs sports « exige » tel équipement et tels vêtements devenus symboles, presque fétiches, de cette pratique; même les débutants voudront être ainsi équipés pour correspondre à l’image standard. De même, beaucoup de touristes recherchent un produit de prestige pour répondre à leurs attentes symboliques : des hôtels luxueux, des destinations exclusives, un style de vie sportif proposé par de grands complexes vacanciers, etc.

Les attentes symboliques répondent au souci du consommateur à l’égard de l’opinion que les autres se font de lui. Les grandes marques, de vêtements, d’accessoires, de cosmétiques, de parfums… sont alors achetées comme symboles de prestige. Le symbolisme attaché aux grandes marques (richesse, prestige, classe sociale, etc.) est souvent synonyme de durabilité; la notoriété acquise par les fabricants de ces marques a une énorme valeur financière. Certaines modes vestimentaires excentriques, à l’inverse, sont, par leur nature même, éphémères; mais il arrive que ce soit justement ce trait qui séduit, car il procure une sorte d’exclusivité à ceux qui se l’approprient. Une fois cette mode adoptée par le grand nombre, elle perd son attrait.

Il y a des consommateurs qui achètent systématiquement une seule grande marque, qui représente pour eux une garantie de fiabilité; ils achètent en quelque sorte l’image de sécurité offerte par les produits de cette marque. Cela est particulièrement vrai dans le cas de technologies nouvelles. Le gestionnaire peut ainsi vouloir donner à l’entreprise une image flatteuse. En cas de problème, il protégera sa réputation en soutenant que si le « meilleur » n’a pas pu répondre aux attentes, personne n’aurait pu le faire.

Dans toute une série de cas, donc, les attentes symboliques priment largement la fonctionnalité; mais plusieurs chercheront un compromis entre les deux aspects. À votre avis, la publicité fait-elle trop appel au symbolisme? Dans quelle mesure croyez-vous être influencés par ces attraits symboliques?

mardi 6 mars 2007

Les attentes fonctionnelles

Les attentes fonctionnelles désignent les exigences du consommateur quant aux aspects utilitaires d’un produit; le bien ou le service doivent remplir la fonction à laquelle ils sont destinés. Elles sont l’expression des avantages recherchés : sécurité, durabilité, facilité d’utilisation ou d’entretien, performance, etc. Elles tiennent compte des caractéristiques physiques du produit, de la technologie utilisée, etc.

Les vêtements, en particulier ceux destinés aux enfants, permettent de bien illustrer les attentes fonctionnelles. Afin de satisfaire une exigence de sécurité, ils doivent être fabriqués avec un tissu ignifugé. Pour offrir de la durabilité, le tissu doit également être résistant à l’usure. Une garantie contre l’usure, offerte par certains manufacturiers, est une autre composante liée à la durabilité. La facilité d’entretien, dont se réclame une grande marque de vêtements destinés aux voyageurs en régions sauvages, est un autre exemple de produit qui fait appel aux attentes fonctionnelles.

Dans le domaine du tourisme, les brochures des voyagistes fournissent de nombreux exemples de ce type d’attentes. Les personnes recherchant la facilité autant dans le choix de la destination que dans le déroulement de leur voyage trouveront des forfaits tout inclus. Ceux qui cherchent à en voir le plus possible, selon une exigence de performance, préféreront des voyages organisés avec des déplacements de nuit et des visites de jour dans plusieurs villes ou même plusieurs pays.

Mais le meilleur exemple des attentes fonctionnelles exprimées de façon formelle est sans doute celui des appels d’offres avec un cahier de charges souvent très élaboré; ce document contient de nombreuses caractéristiques devant être respectées par les candidats. Cette procédure vise souvent la performance. Par exemple, en informatique, le respect des spécifications permet de s’assurer d’une capacité de stockage suffisante, d’un temps de réponse inférieur à la norme courante, d’une compatibilité avec d’autres équipements ou des logiciels particuliers, etc.

Dans le but de susciter de nouvelles attentes, de différencier un produit et de gonfler la marge de profit unitaire, beaucoup d’entreprises incorporent maintenant tellement d’éléments nouveaux dans leurs produits que ceux-ci perdent un peu leur fonctionnalité. C’est le cas de plusieurs téléphones cellulaires et de quelques véhicules automobiles. Il est absolument impossible d’utiliser certaines fonctions ou certains accessoires sans consulter un manuel d’utilisation comptant souvent plusieurs centaines de pages, un exercice non seulement rébarbatif, mais souvent infructueux.

Parlez-moi de votre expérience avec un produit qui a ainsi perdu sa fonctionalité.