lundi 10 septembre 2007

Consommation et luxe

Je reprends la publication de mon blog aujourd’hui avec ces trois paragraphes tirés d'une première version de Consommation et luxe, mon prochain livre, dont la sortie est prévue cet automne.

« Ils sont fous ces Romains! » Plusieurs se rappellent encore ce propos que tenait fréquemment Obélix dans les célèbres aventures d’Astérix le Gaulois (Uderzo et Goscinny, Collection de plusieurs ouvrages, Paris : Dargaud éditeur). Confronté à la culture, étrange pour lui, du peuple Romain, il exprimait ainsi son désarroi. Je pense que nous allons bientôt entendre des paroles similaires de la bouche de personnes à qui la culture de la société de consommation apparaîtra tout aussi étrange. « Beau bébé » pouvait-on lire à la une du quotidien montréalais La Presse le jeudi 8 décembre 2005 (122e année no 51). Ce titre accrocheur renvoyait à une série d’articles portant sur les produits de luxe pour bébé dans le cahier Actuel du jour. « Des produits de luxe pour bébé? », me direz-vous. Eh bien, oui! Nos poupons se sont découvert un besoin pour le luxe! Fini le temps où les tout-petits se contentaient tous de la même marque de savon, de shampoing ou de poudre, Johnson’s au Québec ou Mustela en France; bien que ces deux marques soient encore très populaires, dans certains milieux la beauté de bébé passe maintenant par Anthony, Kiehl’s, Klorane et j’en passe.

Comment en est-on arrivé là? Dans les pays industrialisés, la consommation est devenue une activité de premier plan pour la plupart des gens. Par ailleurs, si le branding, cette philosophie d’affaires qui met l’accent sur la production de marques, a permis à celles-ci de connaître une croissance fulgurante, il les a par ailleurs démocratisées, parfois même galvaudées. Par conséquent, le port de la marque ne permet plus de suffisamment se distinguer, d’exprimer une image inédite. Que diable, comment paraître différent si tout le monde porte du Nike ou du Tommy Hilfiger? Que reste-t-il aux personnes désireuses de se différencier lorsque les marques ne suffisent plus? Le luxe! Seul le luxe permet désormais à certains de se distinguer, de se hausser, croient-ils, au-dessus des masses.

Cela dit, n’allez pas croire que je condamne sans appel tous les objets et services de luxe. Le luxe est nécessaire… même pour les personnes démunies, peut-être même surtout pour ces dernières qui ont bien besoin de petits plaisirs dans la vie. D’ailleurs, même Gilles Lipovetsky, critique réputé de la consommation s’il en est un, écrit : « Depuis longtemps, les meilleurs esprits ont souligné le caractère universel, anthropologique du luxe », appuyant ses propos par cette citation de Shakespeare « Le dernier des mendiants a toujours une bricole de superflu! Réduisez la nature aux besoins de nature et l’homme est une bête », et conclut « Le luxe c’est le rêve, ce qui embellit le décor de la vie, la perfection faite chose par le génie humain. » (G. Lipovetsky, Le luxe éternel, De l’âge du sacré au temps des marques, Paris, éditions Gallimard, 2003, p. 19) Si, pour une personne riche, le luxe c’est l’achat d’un condo aux Bahamas, pour une personne moins fortunée ça peut être une gâterie comme un dîner occasionnel dans un restaurant prestigieux. À chacun son luxe!

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