dimanche 25 novembre 2012

La consommation « Black »

Ne vous laissez pas tromper par le titre de mon billet; il y a certes une mode « Black », c'est-à-dire fondée sur la culture des Nord-Américains d'origine africaine, mais je veux plutôt vous entretenir des efforts déployés par les détaillants de tous poils pour créer une espèce de frénésie de consommation pendant les six à huit semaines précédant Noël, entre autres à l’occasion du « Black Friday ».

Mon intervention s'inscrit dans la suite logique de mes interventions à RDI matin week-end vendredi matin, puis au téléjournal Midi et à Champ libre le même jour, et enfin à LCN matin week-end dimanche.

Plusieurs pourront se demander d'où vient l'expression « Black Friday » ou « Vendredi noir »;  ce terme désigne le jour suivant le « Thanksgiving » américain qui tombe chaque année le quatrième jeudi de novembre. Le « Black » fait référence au fait qu'à cette époque de l'année, les détaillants commencent à engranger des profits, les ventes réalisées jusqu'alors ayant servi à payer leurs frais de toutes sortes.

Pour mieux vous faire comprendre ce concept, ramenons-le à la sphère personnelle et prenons en exemple une personne dont le salaire s'élève à 100 000 $ par année et dont les diverses retenues (impôt fédéral et provincial, régime des rentes du Québec, assurance emploi, assurances collectives, etc.) représentent 50 % de ce revenu; on peut dire que, jusqu'au 30 juin, cette personne travaille pour payer ses retenues et qu'elle travaille pour elle-même à compter de cette date.

Cela dit, vous comprendrez que cette période de l'année est cruciale à la bonne santé financière des commerçants; pour l'ensemble du commerce de détail, cette période peut représenter 20 % des ventes annuelles, jusqu'à 30 % pour le commerce en ligne. Il va sans dire que tous les outils du marketing seront mis à profit pour stimuler les ventes pendant cette période, à commencer par les soldes.

Chaque année, les soldes importants (35 % et plus) liés à la période de Noël commencent de plus en plus tôt; on en voit maintenant dès la fin d'octobre, ce qui correspond tout à fait à la réalité des consommateurs. En effet, un récent sondage nous apprend que cette année, 27 % des gens ont commencé leur magasinage de Noël en octobre ou même avant, alors que ce pourcentage n'était que de 22 % en 2011.

Au Canada en tout cas, le « Black Friday » ne marque pas le début des soldes de Noël, mais une étape dans une série de soldes qui ont commencé dès octobre et se poursuivront jusqu'au début janvier. Par exemple, à Montréal, la vente du « Cyber lundi » de Best Buy commence à 22 h ce soir pour se terminer à 3 h mardi matin; vous pouvez cependant être certains que ce solde sera suivi d'autres soldes, sous d'autres appellations, chaque semaine.

Ailleurs au monde, en Angleterre par exemple, on ne fait pas tant de manières; la vente « Cyber Monday » de Best Buy se poursuivra même jusqu'au 2 janvier.

Où que vous soyez dans le monde, voici mon conseil; ne vous dépêchez pas trop d'acheter, car vous aurez toujours des soldes alléchants; en fait, surtout dans le domaine des produits technologiques, d'attendre vous permettra sans aucun doute d'obtenir un appareil plus performant à moindre prix. Un autre conseil : si vous faites partie de ceux qui sont surendettés, la dette moyenne au Canada étant de 163 $ pour chaque tranche de 100 $ de revenu, attendez d'avoir acquitté vos dettes avant de vous engager dans d'autres achats.

Certains pourront dire que mes propos font état du peu de souci que j'ai de notre économie. À ceux-là, je réponds déjà ceci :
  • Les économies du Canada et des États-Unis sont beaucoup trop dépendantes de la consommation intérieure;
  • Le niveau d'endettement actuel de 163 % est très inquiétant, proche en fait de celui des consommateurs américains avant la crise de 2008.

Comme d'habitude, j'accueillerai avec plaisir vos commentaires.

jeudi 8 novembre 2012

Vivre à crédit. Êtes-vous menacés par l’endettement?

 Pour faire suite à l’entrevue de ce matin avec Isabelle Maréchal, voici un extrait du livre
« Consommation et luxe — La voie de l’excès et de l’illusion » (p. 34 à 36) :

Pour acquérir tous ces symboles [proposés par la société d’hyperconsommation], il faut de l’argent… que nous n’avons pas toujours. Qu’à cela ne tienne, le crédit est là pour me permettre de satisfaire tout de suite mon envie et de payer plus tard. Même si « l’utilisation des cartes de crédit naît aux États-Unis dans les années 1920, lorsque des entreprises, comme les pétrolières et les hôtels, commencent à les émettre à leurs clients » (Encyclopedia Britannica), les cartes de crédit que l’on connaît aujourd’hui ne font leur apparition que dans les années 1950; leur usage prendra vraiment un essor considérable dans les années 1980.

Ainsi, la carte Diners Club, très sélecte à une certaine époque, a fait son apparition en 1950. Voici une anecdote amusante au sujet de sa naissance : « Nous sommes en 1949. L’homme d’affaires Frank McNamara prévoit un dîner au Major Cabin Grill, un restaurant de la ville de New York. Le dîner achevé, Frank réalise qu’il a laissé son portefeuille dans son autre complet. Son épouse vient à sa rescousse et paye. Il prend la décision de ne plus jamais faire face à cet embarras. Février 1950. McNamara et son partenaire Ralph Schneider retournent au Major Cabin Grill. Lorsque l’addition arrive, McNamara présente un petit papier cartonné, une Carte Diners Club, et signe pour l’achat. Dans l’industrie de la carte de crédit, cet événement est connu sous le nom de First Supper (premier dîner). »

La carte American Express et la BankAmericard, maintenant mieux connue sous le nom de Visa, font toutes deux leur apparition en 1958. À l’époque, Diners Club et American Express étaient des cartes de facturation plutôt que de véritables cartes de crédit, car le client devait en acquitter le solde dès la réception du relevé mensuel. Elles ont conservé ce mode de fonctionnement jusque dans les années 1980. BankAmericard est donc la première véritable carte de crédit grand public ; MasterCard a suivi en 1966.

Jusqu’alors, la petite carte plastifiée était utilisée pour la commodité qu’elle offrait de payer tous les achats en une seule fois à la fin du mois, reportant ainsi le paiement d’un article acheté au début du cycle d’un maximum de cinquante-six jours sans intérêt ni pénalité. À compter de ce moment, un grand nombre de personnes ont commencé à reporter le paiement du solde, acquittant seulement le paiement minimum exigible par l’institution financière, correspondant à un faible pourcentage du solde impayé, par exemple 3 %, avec un minimum, par exemple dix dollars. Certaines personnes ont rapidement pris l’habitude d’utiliser leur carte jusqu’au maximum de la limite permise… puis d’en demander une nouvelle auprès d’un autre émetteur.

Ce petit manège leur a permis de satisfaire rapidement toutes leurs envies, sans égard à leur revenu disponible véritable, mais les a conduites tout aussi rapidement à un endettement bien au-delà de leur capacité de rembourser : « Le niveau d’endettement, mesuré par le ratio de la dette totale au revenu disponible, était presque le même pour les Canadiens et les Américains au début des années 1980. Par la suite, il a évolué différemment, les Américains affichant un niveau d’endettement plus élevé entre 1983 et 1991, et les Canadiens entre 1992 et 2000. À partir de 2001, la dette a constamment augmenté dans les deux pays, et en 2002, elle dépassait le revenu disponible. En 2005, pour chaque dollar de revenu disponible, les Canadiens devaient 1,16 $ et les Américains, 1,24 $. Une part de la hausse de l’endettement entre 2001 et 2005 peut être attribuée aux taux d’intérêt relativement faibles, à la plus grande accessibilité du crédit grâce aux prêts sur l’avoir propre immobilier, et aux limites et incitatifs accrus des cartes de crédit délivrées par des institutions financières en concurrence. » (Statistique Canada). Aux fins de comparaison, en 1980, le ratio dette/revenu était de moins de 0,70 dans les deux pays.

J’ajoute qu’à l’automne 2012, ce ratio a maintenant atteint le sommet vertigineux de 1,63.