dimanche 19 janvier 2014

Au sujet des croyances

Les débats au sujet du projet de loi 60 (Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État…) voient se déchaîner les passions, car ils sont fondés sur les croyances individuelles, un élément qui participe à la construction de l’image de soi. Puisque la sagesse est liée à la connaissance, je souhaite expliquer ce qu’est une croyance, avec l’espoir que cette compréhension puisse refroidir un peu les esprits échauffés.

La croyance, c’est en quelque sorte la foi, au sens laïc de confiance, dans la réalité de quelque chose, même si cette réalité n’est pas scientifiquement démontrée. Nous entretenons tous des croyances; ainsi, en ce qui concerne la charte dont il est question ci-dessus, on peut distinguer trois croyances :
  • Le théisme, une doctrine philosophique qui soutient la thèse de l’existence d’un Être suprême ou Dieu (religions monothéistes tels le christianisme, le protestantisme, le judaïsme ou l’islam);
  • L’athéisme, une doctrine qui réfute qui l’existence de cette entité;
  • L’agnosticisme, une doctrine qui refuse de se prononcer dans ce débat d’ordre métaphysique, l’estimant hors de portée de l’esprit humain.
Il est impossible de hiérarchiser ces croyances; aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre. Il est également impossible de démontrer hors de tout doute le bien-fondé, ou a contrario l’absurdité, de l’une ou de l’autre de ces croyances. Ainsi, l’athée ne peut pas démontrer que Dieu n’existe pas, comme le croyant ne peut pas non plus démontrer que Dieu ou Yahvé ou Allah existe; dans tous les cas, la personne a choisi de faire un acte de foi, d’adhérer à une croyance dictée par une culture et un système de valeurs. Quant aux agnostiques, ils préfèrent ne pas s’immiscer dans le débat.

D’où les croyances sont-elles issues? À ce propos, permettez-moi de citer un passage de mon premier livre, Consommation et image de soi – Dis-moi ce que tu achètes… (p. 27) :

« Les cultures se définissent notamment par leur rapport au monde et leurs croyances, leurs modes d’interaction (modes de communication privilégiés, langage verbal et non verbal, propension plus ou moins grande à laisser transparaître les émotions, distance sociale, etc.), leur système de valeurs, qui procèdent d’une hiérarchie entre les actions et entre les objets fondée sur la pratique collective; cette hiérarchie est actualisée différemment par chaque individu. »

Les attitudes sont fonction des croyances et des sentiments; ainsi, l’attitude agressive des athées envers les croyants, ou vice-versa, est souvent imputable à des sentiments puissants, peur ou haine par exemple, engendrés par des perceptions fausses ou des interprétations intégristes des fondements de la croyance. La formation des attitudes-croyances-sentiments, et des actions résultantes est un phénomène beaucoup trop complexe pour que je puisse l’expliquer en profondeur ici.

Une croyance n’est pas une menace pour les tenants d’une autre croyance, même si les deux peuvent sembler être en opposition; les partisans de croyances différentes peuvent très bien cohabiter harmonieusement, sous réserve de bonne volonté de toutes les parties en cause et à la condition de ne pas craindre, voire de respecter, les différences.

Les dérives actuelles dans le débat sur la charte sont à mon avis en tout premier lieu imputables à la peur de la différence, à la crainte que des croyances et des pratiques qui nous sont étrangères affectent notre mode de vie. Or, il n’en est rien; dans les démocraties occidentales, chacun est libre d’adopter le mode de vie qu’il a choisi en conformité avec ses croyances. Cette liberté de pensée est notre bien le plus précieux, comme l’est la paix sociale.

SVP, essayons de faire preuve de tolérance afin de préserver ces acquis.

jeudi 25 avril 2013

L’utilisation des réseaux sociaux dans l’industrie hôtelière

En 2011, avec une équipe composée d’étudiants au baccalauréat en gestion du tourisme et de l’hôtellerie à l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM), j’ai piloté une étude de l’utilisation des réseaux sociaux dans l’industrie hôtelière. Je remercie ces étudiants pour leur collaboration : Julie Angibaud, Gabriel Comtois, Catherine Choquette, Virginie Côté, Marie, Carmel Dambreville, Jessica Della Ripa, Émilie Laborde, Virgine Lavergne-Mayer, Maxime Péladeau, Jean-Paul Thions et Kristel Young.

Dans les quartiers centraux de Montréal, ceux où l’on retrouve le plus grand nombre de touristes, nous avons sollicité les 256 établissements d’hébergement répertoriés sur ce territoire; de ce nombre, 84 ont accepté de répondre à notre questionnaire. Si cet échantillon est d’une taille relativement modeste en termes absolus, il représente néanmoins plus de 32 % des entreprises en question, ce qui est très significatif.

Cette étude révèle plusieurs faits très intéressants. Tout d’abord, sans surprise, comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessous, Facebook, avec 52,4 % des répondants, est de loin le réseau social le plus utilisé dans cette industrie, suivi de loin par YouTube (28,0 %), puis de Twitter (19,5 %) et LinkedIn (17,3 %) quasiment ex aequo en troisième position; Foursquare (7,5 %), qui attire un type bien particulier d’utilisateur, et quelques autres viennent loin derrière.

 

 Le tableau suivant répertorie les fins auxquelles les établissements d’hébergement utilisent les réseaux sociaux. On voit que même en cette ère du Web interactif, la fonction publicitaire s’impose encore; ainsi, 93,2 % des répondants affirment utiliser les réseaux sociaux pour « faire connaître l’établissement » et 72,7 % en font usage pour annoncer « une promotion de dernière minute ». Par contre, les trois prochains éléments tirent à fond profit de l’interactivité du Web 2.0; ainsi, 68,2 % des répondants favorisent l’affichage de commentaires et un pourcentage égal de ceux-ci, la publication de photos, alors que 45,5 % d'entre eux tentent de créer une communauté virtuelle au sein de leur clientèle. Trois autres utilisations sont en lien avec des fonctions traditionnelles dans le milieu de l’hébergement, soit annoncer les « établissements exceptionnels » dans une chaîne (38,6 % des répondants), le « service à la clientèle » (36,4 %) et une sous-fonction de celui-ci, l’« extension de la conciergerie » (27,3 %).


 Le fait d’être présent sur les réseaux sociaux est-il bénéfique pour les établissements qui adoptent cette pratique? Le dernier tableau résume les trois principaux bénéfices mentionnés par les répondants de notre étude. Premièrement, dans cette ère de concurrence féroce, 50,0 % des répondants affirment que leur présence sur les réseaux sociaux contribue à fidéliser leur clientèle. Deuxièmement, alors que la profitabilité, soit l’excédent des revenus sur les dépenses, est une préoccupation de tous les instants, 26,2 % des répondants affirment que leur présence sur les réseaux sociaux contribue à augmenter leurs revenus. Enfin, alors que certains établissements d’hébergement peinent à remplir leurs chambres, 26,2 % des répondants affirment que leur présence sur les réseaux sociaux contribue à augmenter le taux d’occupation.


On voit donc qu’une présence sur les médias sociaux est avantageuse; pourtant cette pratique n’est pas encore largement répandue dans l’industrie hôtelière. Dans un prochain billet, je parlerai du type d’établissement qui fait le plus usage des réseaux sociaux et des raisons invoquées pour expliquer le fait de ne pas les utiliser.

mercredi 26 décembre 2012

Le Boxing Day 2012 : À quoi nous attendre?





La tradition du Boxing Day remonte à l’Angleterre du milieu du XIXe siècle pendant le règne de la reine Victoria. À l’origine, le lendemain de Noël était un jour férié à cause de la fête de St-Étienne (St Stephen en anglais), premier martyr de la chrétienté; ce jour-là, les marchands distribuaient des cadeaux à leurs employés et serviteurs en remerciement pour leurs loyaux services. L’appellation « Boxing » vient du fait que les cadeaux en question étaient distribués dans des boîtes, un terme qui se traduit par « Box » en anglais.

Cela dit, l’esprit de notre Boxing Day se situe à des années-lumière de celui d’origine, un geste de générosité et d’appréciation somme toute; les soldes importants qui sont maintenant consentis ce jour-là s’inscrivent dans la logique commerciale de ceux offerts depuis le Black Friday, voire avant, pour stimuler les ventes, cette période de l’année étant celle pendant laquelle les commerçants cumulent le plus gros de leurs profits chaque année.

Les longues files d’attente devant certains magasins sont l’aspect le plus visible de cet événement qui marque le début de la fin de cette orgie de dépenses de fin d’année; c’est un phénomène qui relève d’un comportement tribal, un terme que j’emprunte à mon ami Michel Maffesoli (Le temps des tribus). Ce comportement est analogue à ceux observés devant les boutiques Apple lors du lancement d’un nouveau produit, les usagers de produits Apple formant une tribu très particulière.

La frénésie de consommation qui s’empare de certains est symptomatique de notre monde actuel; après la société de consommation (1950-1990), puis celle d’hyperconsommation (1990-2010), voici celle de consumation. De nombreuses personnes dépensent sans compter pour acquérir des objets symboles, ou simplement pour se faire plaisir, jusqu’à se consumer elles-mêmes, entre autres en s’endettant au-delà des limites du bon sens. Pour les ménages canadiens, en 1980, le ratio moyen de la dette en proportion du revenu disponible était de 66 %; en décembre 2012, ce ratio atteint presque 165 %.

À quoi devons-nous nous attendre cette année au Boxing Day?

Je viens de mentionner l’endettement excessif des ménages. Une étude révèle que certains consommateurs commencent à prendre conscience de ce problème sérieux : les surplus d’argent iront à l’épargne pour 39 % d’entre eux et au remboursement des cartes de crédit et autres dettes pour 38 % (Confiance des consommateurs : une perspective canadienne — T3 de 2012 — Nielsen). Bref, près de 40 % des gens consommeront moins.

Par ailleurs, dans pratiquement tous les commerces, les soldes de Noël ont commencé dès la fin octobre et ont connu une ampleur sans précédent quant à leur importance (jusqu’à 60-70 %); quant au solde du Boxing Day en ligne, ils ont commencé le 24 décembre à 20 h. Bref le consommateur est hyperstimulé depuis deux mois. Pour un grand nombre de personnes, d’autres soldes le jour du Boxing Day pourraient bien ne pas avoir l’effet incitatif recherché, ne serait-ce que parce que le budget alloué aux dépenses de Noël (676 $ selon le Conseil Québécois du Commerce de Détail) est dépassé.

Finalement, j’ai constaté que dans plusieurs commerces, les tablettes étaient passablement dégarnies; tant pour les produits électroniques que pour les vêtements, les produits, les marques, les modèles et les tailles les plus populaires ont disparu, signe certain que les soldes des deux derniers mois ont eu l’effet escompté. Bien sûr, certains marchands, Best Buy et Future Shop par exemple, ont peut-être conservé des stocks de modèles particuliers pour les solder seulement au Boxing Day.

Ce matin, vers 10h, je suis passé au Future Shop de la rue St-Catherine au Centre-Ville de Montréal, lieu phare par excellence du Boxing Day; chaque année les files d’attente y sont très longues. Cette année, vous constaterez sur la photo ci-dessus qu’à peine 40 personnes attendaient devant ce magasin; par ailleurs, un peu plus tard, j’ai vu que personne ne faisait la queue devant le magasin Archambault coin Berri et Ste-Catherine.

Si j’étais un commerçant, je limiterais mes attentes quant aux ventes du Boxing Day cette année. Nous verrons!

Pour terminer, quelques conseils aux consommateurs du Boxing day :
  1. Repérez à l’avance l’article ou les articles que vous désirez acheter;
  2. Soyez familiers avec le prix régulier de ces articles pour être capables d’évaluer l’ampleur des soldes;
  3. Apportez l’argent comptant pour acheter ces articles;
  4. Si vous ne pouvez pas acquérir le ou les objets convoités, ne vous laissez pas tenter par d’autres produits.
Mes conseils visent avant tout à éviter un endettement additionnel subséquent à des achats impulsifs.

Deux de mes six entrevues du Boxing Day dans les médias :

dimanche 25 novembre 2012

La consommation « Black »

Ne vous laissez pas tromper par le titre de mon billet; il y a certes une mode « Black », c'est-à-dire fondée sur la culture des Nord-Américains d'origine africaine, mais je veux plutôt vous entretenir des efforts déployés par les détaillants de tous poils pour créer une espèce de frénésie de consommation pendant les six à huit semaines précédant Noël, entre autres à l’occasion du « Black Friday ».

Mon intervention s'inscrit dans la suite logique de mes interventions à RDI matin week-end vendredi matin, puis au téléjournal Midi et à Champ libre le même jour, et enfin à LCN matin week-end dimanche.

Plusieurs pourront se demander d'où vient l'expression « Black Friday » ou « Vendredi noir »;  ce terme désigne le jour suivant le « Thanksgiving » américain qui tombe chaque année le quatrième jeudi de novembre. Le « Black » fait référence au fait qu'à cette époque de l'année, les détaillants commencent à engranger des profits, les ventes réalisées jusqu'alors ayant servi à payer leurs frais de toutes sortes.

Pour mieux vous faire comprendre ce concept, ramenons-le à la sphère personnelle et prenons en exemple une personne dont le salaire s'élève à 100 000 $ par année et dont les diverses retenues (impôt fédéral et provincial, régime des rentes du Québec, assurance emploi, assurances collectives, etc.) représentent 50 % de ce revenu; on peut dire que, jusqu'au 30 juin, cette personne travaille pour payer ses retenues et qu'elle travaille pour elle-même à compter de cette date.

Cela dit, vous comprendrez que cette période de l'année est cruciale à la bonne santé financière des commerçants; pour l'ensemble du commerce de détail, cette période peut représenter 20 % des ventes annuelles, jusqu'à 30 % pour le commerce en ligne. Il va sans dire que tous les outils du marketing seront mis à profit pour stimuler les ventes pendant cette période, à commencer par les soldes.

Chaque année, les soldes importants (35 % et plus) liés à la période de Noël commencent de plus en plus tôt; on en voit maintenant dès la fin d'octobre, ce qui correspond tout à fait à la réalité des consommateurs. En effet, un récent sondage nous apprend que cette année, 27 % des gens ont commencé leur magasinage de Noël en octobre ou même avant, alors que ce pourcentage n'était que de 22 % en 2011.

Au Canada en tout cas, le « Black Friday » ne marque pas le début des soldes de Noël, mais une étape dans une série de soldes qui ont commencé dès octobre et se poursuivront jusqu'au début janvier. Par exemple, à Montréal, la vente du « Cyber lundi » de Best Buy commence à 22 h ce soir pour se terminer à 3 h mardi matin; vous pouvez cependant être certains que ce solde sera suivi d'autres soldes, sous d'autres appellations, chaque semaine.

Ailleurs au monde, en Angleterre par exemple, on ne fait pas tant de manières; la vente « Cyber Monday » de Best Buy se poursuivra même jusqu'au 2 janvier.

Où que vous soyez dans le monde, voici mon conseil; ne vous dépêchez pas trop d'acheter, car vous aurez toujours des soldes alléchants; en fait, surtout dans le domaine des produits technologiques, d'attendre vous permettra sans aucun doute d'obtenir un appareil plus performant à moindre prix. Un autre conseil : si vous faites partie de ceux qui sont surendettés, la dette moyenne au Canada étant de 163 $ pour chaque tranche de 100 $ de revenu, attendez d'avoir acquitté vos dettes avant de vous engager dans d'autres achats.

Certains pourront dire que mes propos font état du peu de souci que j'ai de notre économie. À ceux-là, je réponds déjà ceci :
  • Les économies du Canada et des États-Unis sont beaucoup trop dépendantes de la consommation intérieure;
  • Le niveau d'endettement actuel de 163 % est très inquiétant, proche en fait de celui des consommateurs américains avant la crise de 2008.

Comme d'habitude, j'accueillerai avec plaisir vos commentaires.

jeudi 8 novembre 2012

Vivre à crédit. Êtes-vous menacés par l’endettement?

 Pour faire suite à l’entrevue de ce matin avec Isabelle Maréchal, voici un extrait du livre
« Consommation et luxe — La voie de l’excès et de l’illusion » (p. 34 à 36) :

Pour acquérir tous ces symboles [proposés par la société d’hyperconsommation], il faut de l’argent… que nous n’avons pas toujours. Qu’à cela ne tienne, le crédit est là pour me permettre de satisfaire tout de suite mon envie et de payer plus tard. Même si « l’utilisation des cartes de crédit naît aux États-Unis dans les années 1920, lorsque des entreprises, comme les pétrolières et les hôtels, commencent à les émettre à leurs clients » (Encyclopedia Britannica), les cartes de crédit que l’on connaît aujourd’hui ne font leur apparition que dans les années 1950; leur usage prendra vraiment un essor considérable dans les années 1980.

Ainsi, la carte Diners Club, très sélecte à une certaine époque, a fait son apparition en 1950. Voici une anecdote amusante au sujet de sa naissance : « Nous sommes en 1949. L’homme d’affaires Frank McNamara prévoit un dîner au Major Cabin Grill, un restaurant de la ville de New York. Le dîner achevé, Frank réalise qu’il a laissé son portefeuille dans son autre complet. Son épouse vient à sa rescousse et paye. Il prend la décision de ne plus jamais faire face à cet embarras. Février 1950. McNamara et son partenaire Ralph Schneider retournent au Major Cabin Grill. Lorsque l’addition arrive, McNamara présente un petit papier cartonné, une Carte Diners Club, et signe pour l’achat. Dans l’industrie de la carte de crédit, cet événement est connu sous le nom de First Supper (premier dîner). »

La carte American Express et la BankAmericard, maintenant mieux connue sous le nom de Visa, font toutes deux leur apparition en 1958. À l’époque, Diners Club et American Express étaient des cartes de facturation plutôt que de véritables cartes de crédit, car le client devait en acquitter le solde dès la réception du relevé mensuel. Elles ont conservé ce mode de fonctionnement jusque dans les années 1980. BankAmericard est donc la première véritable carte de crédit grand public ; MasterCard a suivi en 1966.

Jusqu’alors, la petite carte plastifiée était utilisée pour la commodité qu’elle offrait de payer tous les achats en une seule fois à la fin du mois, reportant ainsi le paiement d’un article acheté au début du cycle d’un maximum de cinquante-six jours sans intérêt ni pénalité. À compter de ce moment, un grand nombre de personnes ont commencé à reporter le paiement du solde, acquittant seulement le paiement minimum exigible par l’institution financière, correspondant à un faible pourcentage du solde impayé, par exemple 3 %, avec un minimum, par exemple dix dollars. Certaines personnes ont rapidement pris l’habitude d’utiliser leur carte jusqu’au maximum de la limite permise… puis d’en demander une nouvelle auprès d’un autre émetteur.

Ce petit manège leur a permis de satisfaire rapidement toutes leurs envies, sans égard à leur revenu disponible véritable, mais les a conduites tout aussi rapidement à un endettement bien au-delà de leur capacité de rembourser : « Le niveau d’endettement, mesuré par le ratio de la dette totale au revenu disponible, était presque le même pour les Canadiens et les Américains au début des années 1980. Par la suite, il a évolué différemment, les Américains affichant un niveau d’endettement plus élevé entre 1983 et 1991, et les Canadiens entre 1992 et 2000. À partir de 2001, la dette a constamment augmenté dans les deux pays, et en 2002, elle dépassait le revenu disponible. En 2005, pour chaque dollar de revenu disponible, les Canadiens devaient 1,16 $ et les Américains, 1,24 $. Une part de la hausse de l’endettement entre 2001 et 2005 peut être attribuée aux taux d’intérêt relativement faibles, à la plus grande accessibilité du crédit grâce aux prêts sur l’avoir propre immobilier, et aux limites et incitatifs accrus des cartes de crédit délivrées par des institutions financières en concurrence. » (Statistique Canada). Aux fins de comparaison, en 1980, le ratio dette/revenu était de moins de 0,70 dans les deux pays.

J’ajoute qu’à l’automne 2012, ce ratio a maintenant atteint le sommet vertigineux de 1,63.

mardi 9 octobre 2012

Y’a d’l’eau dans l’gaz

J’ai choisi le titre de ce billet entre autres parce que le vocable « gaz » désigne l’essence (carburant pétrolier) dans le langage populaire québécois. Qui plus est, l’expression « y’a d’l’eau dans l’gaz » nous vient de France; elle signifie que « l’atmosphère est à la dispute » ou encore que des « querelles se préparent ». Or, cette expression est fort à propos pour le sujet que je me propose d’aborder d’aujourd’hui : le prix de l’essence au Québec et plus particulièrement dans la région de Montréal.

Vous me direz que ce n’est pas un sujet neuf et vous aurez raison; il y a des lustres que des associations de consommateurs, des journalistes, des chroniqueurs et des usagers du produit en question s’indignent du prix des carburants. Il est également vrai que ce jeu stupide de hausses sauvages et répétées perdure depuis tellement longtemps que la plupart des personnes et des groupes cités ci-dessus se résignent et n’en parlent plus… sauf lorsqu’un événement particulièrement choquant se produit. C’est à un tel événement que j’ai été confronté le dimanche 7 octobre.

Ce jour-là, lors d’une balade en Ontario, j’ai été frappé par le prix particulièrement bas de l’essence dans la petite ville de Lancaster, située en bordure de l’autoroute 401 qui mène à Toronto, à une cinquantaine de kilomètres, 30 minutes en voiture, de l’extrémité ouest de l’île de Montréal : seulement 1,223$ ou 122,3₵ comme le veut la pratique dans cette industrie; le même jour, je venais de voir l’essence annoncée à 145,4₵ par la plupart des détaillants de l’Ouest de Montréal, une différence plus de 23₵ le litre.

Or, je sais d’expérience que l’écart habituel dans le prix de l’essence entre ces deux régions est d’environ dix ou douze cents le litre, un écart qui s’explique par la différence entre les taxes québécoises et ontariennes; comment se fait-il qu’il ait été de plus de vingt-trois cents, soit le double, à la date indiquée?

Cet écart de dix ou douze cents le litre DE PLUS qu’habituellement ne peut PAS être expliqué par la différence entre les taxes québécoises et ontariennes, puisque celles-ci n’ont à ma connaissance pas été modifiées récemment; si on demande aux représentants de l’industrie, on nous passera la cassette habituelle qui n’explique rien du tout. À ma connaissance, jusqu’à présent, personne n’a expliqué de façon convaincante le fonctionnement pour le moins opaque de cette industrie.

Par ailleurs, on sait très bien qu’au début 2012, sept personnes de plus ont été condamnées à payer des amendes à cause de leurs activités visant à fixer le prix de l’essence dans certaines régions du Québec; encore très récemment, on a en outre appris que « des accusations criminelles ont été déposées vendredi contre Irving Oil et son gestionnaire au Québec, Serge Parent, dans l'affaire du cartel de fixation du prix de l'essence à Victoriaville, Thetford Mines et Sherbrooke ».

Quelles autres malversations pourrait-on découvrir dans cette industrie si on creusait un peu plus? Il me semble que, vu les faits qui précèdent,  une commission d’enquête publique est justifiée pour faire toute la lumière sur le fonctionnement de tous les intervenants de cette industrie, du producteur au détaillant. 

Si vous avez d’autres faits troublants à rapporter, j’aimerais beaucoup que vous m’en fassiez part.