vendredi 12 novembre 2010

La responsabilité des médias

Les médias jouent un rôle essentiel au sein des démocraties; c’est d’ailleurs pourquoi la liberté d’expression et celle de la presse sont expressément enchâssées dans l’article deux de la Charte canadienne des droits et libertés et dans le premier amendement de la Constitution américaine.

Pour garantir la pérennité de nos droits et libertés, les informations doivent donc librement circuler et loin de moi l’idée de vouloir restreindre cette liberté d’expression des individus et des journalistes.

Cela dit, les contraintes de la concurrence incitent les médias à publier des nouvelles inédites, voire sensationnalistes, communément appelées « scoops », dans le but d’augmenter leur lectorat ou leur cote d’écoute. Là encore, c’est de bonne guerre, sous réserve que la publication de la nouvelle ne provoque pas d’effets pervers.

En effet, je crois sincèrement que les médias devraient s’abstenir de publier une nouvelle, ou du moins d’en retarder la publication, si le fait de rendre cette information publique risque d’être nuisible sans qu’aucun bienfait en résulte pour la protection de nos droits de libertés.

Voici un exemple du principe que je viens de défendre.

Le vendredi 12 novembre 2010, la première page du quotidien La Presse titrait en grosses lettres « 15000 mammographies réévaluées ». Dans un article en page A12, on précise que « les patientes concernées recevront une lettre personnalisée d’ici au 20 décembre. »

Certes, de dénoncer ce manquement grave d’un élément de notre système de santé est essentiel pour aider à prévenir de tels dérapages à l’avenir. Cependant, n’aurait-il pas été préférable de publier cette nouvelle APRÈS le 20 décembre pour éviter d’engendrer de l’inquiétude, voire de l’anxiété, chez des milliers de femmes? De toute façon, les femmes concernées devront attendre de recevoir une lettre d’ici le 20 décembre avant de prendre les mesures préventives ou curatives proposées par leurs médecins traitants. Quant aux femmes saines, elles devront attendre au 21 décembre pour être rassurées, constatant alors qu’elles n’ont pas reçu de lettre.

N’oublions pas non plus la surcharge qui sera imposée aux médecins et aux infirmières pour répondre aux questions de milliers de femmes inquiètes, dont sans doute une majorité inutilement.

N’aurait-il pas été préférable de publier cette nouvelle APRÈS le 20 décembre? Oui, mais un autre média aurait pu sortir le « scoop » le premier et gagner des parts de marché.

Cette nouvelle a été publiée simultanément dans d’autres journaux, Le Devoir par exemple, dont je n’ai pas encore vu la première page, et elle a peut-être été publiée dans un autre média avant de l’être dans les quotidiens mentionnés. Elle a également été reprise par les chaînes radio et sera sans aucun doute diffusée par toutes les chaînes de télévision. Mon intervention ne se veut pas une critique des deux quotidiens mentionnés, lesquels sont selon moi des journaux sérieux, ni des journalistes qui ont publié la nouvelle. J’ai simplement utilisé cet exemple pour illustrer une pratique que j’estime déplorable.