vendredi 23 janvier 2009

Le petit épargnant est-il moins important que l’investisseur?

Dans l’article « Les banques réduiront-elles leurs dividendes? », publié dans le quotidien La Presse le mercredi 21 janvier, le journaliste Michel Girard fait état d’une augmentation importante du dividende payé par les banques à leurs actionnaires, exprimé en pourcentage de la valeur de leurs actions. Dopé par la chute brutale des titres bancaires, le rendement moyen s’établit maintenant à 7,1 % alors qu’il n’était que d’environ 3 % entre 1996 et 2007. À la question posée dans le titre de son article, le journaliste donne une piste de réponse : « À l’exception de la Banque Nationale, aucune de la bande des six n’a réduit son dividende dans le passé en dépit des crises antérieures ».
Voici le rendement du dividende payé par les banques canadiennes en date du lundi 19 janvier à la fermeture, tel que rapporté par le journaliste :
  • Banque de Montréal, 8,8 %
  • Banque Scotia, 6,5 %
  • Banque CIBC, 7,4 %
  • Banque Nationale, 7,6 %
  • Banque Royale, 6,0 %
  • Banque TD, 5,7 %
Considérons maintenant le taux d’intérêt payé par ces mêmes banques au petit épargnant qui leur confie ses économies (taux vérifiés sur les sites Internet respectifs le vendredi 23 janvier 2009 avant 9h, pour un dépôt inférieur à 5 000 $) :
  • Banque de Montréal, 0,75 % (compte d’épargne à taux Avantageux)
  • Banque Scotia, 1,0 % (compte d’épargne Maître CompteMD)
  • Banque CIBC, 0,2 % [0,45 % pour les jeunes] (compte d’épargne Croissance supérieure)
  • Banque Nationale, 1,0 % (compte Épargne-projet)
  • Banque Royale, 2,5 % (compte Épargne @intérêt élevé)
  • Banque TD, 0,05 % (compte d’épargne à intérêt progressif)
Sous réserve d’une erreur ou d’une omission toujours possible de ma part, les taux cités ci-dessus sont les plus élevés que j’ai pu trouver. En outre, sur certains comptes, plusieurs banques et les maisons de courtage qui leur sont associées paient un taux aussi bas que 0,1 %, voire de 0 % si le solde est inférieur à 5 000 $. Considérant les taux d’intérêt élevés imposés sur les soldes à découvert des comptes de chèque et des cartes de crédit, je crois que l'on peut affirmer que certains de ces taux sont scandaleusement faibles.
Je crois également que la réponse à la question que je pose dans le titre de ma chronique est évidente : pour la plupart des banques opérant en territoire canadien, le petit épargnant est négligé au profit de l’investisseur. L’argent que leur prêtent les petits épargnants n’a pas une valeur moindre que celui de l’investisseur particulier ou institutionnel; les banques peuvent à leur tour l’investir ou le prêter et obtenir des rendements beaucoup plus élevés.
Si je me fie aux informations que j’ai trouvées sur Internet, la seule grande Banque canadienne qui traite sa clientèle avec un peu plus d’égards sur le plan des intérêts payés sur les comptes d’épargne est la Banque Royale. Trois autres banques étrangères opérant sur Internet au Canada et offrant les mêmes garanties que les banques canadiennes sur les dépôts de 100 000 $ et moins méritent d’être également mentionnées : la Banque ING, la Banque HSBC et la Banque American Express. Voici les taux d’intérêt payés par ces trois banques sans égard au solde du compte :
  • Banque ING 2,7 %
  • Banque HSBC 2,5 % (plus 1 % en prime jusqu’au 16 mars 2009 sur les nouveaux dépôts)
  • Banque American Express 2,3 %
Vous savez maintenant ce que vous avez à faire avec vos épargnes.
La cupidité qui a mené à la crise ne me semble pas avoir disparu du milieu financier; on recherche y toujours le profit élevé et rapide à court terme. Le secteur des produits financiers est une jungle peuplée de prédateurs; je comprends pourquoi les gens ne font plus confiance aux conseillers financiers et pourquoi plusieurs personnes m’envoient des courriels pour obtenir un avis impartial.
Une dernière remarque : les taux d’intérêt indiqués sont pour les comptes d’épargne seulement. Ceux consentis sur d’autres types de comptes, le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), le compte enregistré d’épargne retraite (REER) et le certificat de placement garanti (CPG) par exemple, sont différents de celui des comptes d’épargne. Je me pencherai sur ces questions dans de prochaines chroniques.

jeudi 15 janvier 2009

2009 : l’année de l’essentiel

Le lundi 12 janvier, j’ai commenté le sondage « Impact de la crise sur les Québécois », réalisé par Léger Marketing pour le Journal de Montréal et le Groupe TVA. Vous pouvez prendre connaissance de mes commentaires dans l'article « Les Québécois vont aller à l'essentiel » du journaliste Fabrice De Pierrebourg, publié dans le Journal de Montréal, et dans une entrevue télévisée à l'émission « Franchement Martineau » sur le réseau TVA-LCN.

mardi 6 janvier 2009

Pourquoi la crise n’est pas catastrophique

Lors de mon passage à l’émission « Christiane Charrette » le mardi 6 janvier 2009, l’un de mes premiers commentaires fut d’affirmer que la situation actuelle n’était pas catastrophique. Permettez-moi d’expliquer un peu cette prise position.

Ne nous le cachons pas, la crise actuelle est sérieuse; nos gouvernements devront prendre des actions en conséquence très rapidement, un point sur lequel je reviendrai un peu plus loin. Nous devrons tous également être réfléchis et responsables dans notre consommation.

Cependant s’il faut éviter de minimiser la crise, il ne faut pas non plus l’exagérer. La récession et la dépression ont tout autant des causes psychologiques qu’économiques; il serait irresponsable d’inquiéter encore davantage les Canadiens, quand déjà deux personnes sur trois sont pessimistes quant à leur avenir.

Or, en particulier au Canada, la crise n’est pas catastrophique, ni sur le plan financier, ni sur le plan économique.

Sur le plan financier, si la plupart des grandes entreprises ont vu fondre le cours de leur action en bourse, ceci n’affecte en rien la capacité de production de ces dernières, à la condition de pouvoir financer leurs projets de développement. À preuve, Bombardier Transport annonçait hier un contrat de 2,4 milliards avec la Deutsche Bahn, la société allemande des chemins de fer. C’est exactement là le genre d’activité commerciale favorable à l’économie canadienne, dont je parlais récemment dans la chronique « Le produit intérieur brut et la consommation ». Par ailleurs, même si plusieurs d’entre elles ont subi des pertes à cause du papier commercial fondé sur des hypothèques à risque, aucune des grandes banques canadiennes n’est en danger; elles sont toutes en excellente santé financière.

Sur le plan économique, la consommation ralentit, mais c’est à mon avis une bonne chose, car les économies des pays industrialisés ne peuvent plus dépendre de la consommation intérieure dans une aussi grande proportion (62 % au Canada et 71 % aux États-Unis en 2007). C’est également une bonne chose, parce que le niveau d’endettement est beaucoup trop élevé et celui de l’épargne quasi nul. Je ne préconise pas un arrêt brutal de la consommation; ce serait de toute façon utopique. Cependant, je crois que les gens devraient acheter d’une façon plus réfléchie, en fonction de leur capacité financière. Tant du côté du consommateur que de celui du producteur, on doit briser le cercle vicieux de l’escalade du luxe, sujet de mon dernier ouvrage « Consommation et luxe ».

Voici quelques stratégies que devraient adopter nos gouvernements pour résorber la crise :

  • Maintenir l’accessibilité au crédit, en particulier pour assurer le développement des entreprises.
  • Dans une moindre mesure maintenir également l’accessibilité au crédit, surtout pour la consommation de produits durables, pour les personnes dont le taux d’endettement n’est pas déjà trop élevé.
  • Générer de l’activité économique et créer de l’emploi à travers d’importants travaux d’infrastructure.
  • Encourager l’épargne par des programmes comme le CELI.
  • Favoriser le maintien d’un niveau de consommation correspondant à 50 à 55 % du produit intérieur brut, plutôt que le 62 % qu’elle représente actuellement au Canada.

samedi 3 janvier 2009

Ouverture des commerces le 2 janvier : une absurdité

Je ne comprends pas que le gouvernement ait acquiescé à la demande de certains intervenants du commerce de détail visant l’ouverture des magasins le 2 janvier; même si les objectifs sont légitimes de part et d’autre, relancer l’économie pour le gouvernement et augmenter les revenus dans le second cas, l’action retenue est inefficace au mieux. Commençons par les détaillants.

Même s’il est vrai que ces derniers ont engrangé hier des revenus supplémentaires, ils n’ont rien gagné; bien au contraire, ils ont perdu. Je m’explique.

Sauf à s’endetter davantage, un point sur lequel je reviendrai un peu plus loin, le consommateur dispose d’un montant fixe pour ses dépenses discrétionnaires; ce qu’il a dépensé hier il l’aurait dépensé de toute façon le 3 ou le 4 ou le 20 janvier… ou dans les mois qui viennent. Le corollaire est tout aussi vrai : ce que le consommateur a acheté hier, il ne l’achètera pas dans les jours, les semaines ou les mois qui viennent.

En définitive, pour le même revenu, les commerçants auront donc dû engendrer des coûts d’exploitation additionnels; leur marge de profit en est donc diminuée d’autant.

Revenons maintenant sur la question de l’endettement, car c’est là que le bât blesse. Je trouve paradoxal, voire absurde, même irresponsable, que, dans plusieurs pays industrialisés, les gouvernements veuillent favoriser la consommation pour résorber la crise; une consommation excessive est un des principaux éléments déclencheurs de la crise économique actuelle.

Celle-ci, rappelons-le, a débuté à l’été 2007 avec la débâcle des hypothèques à haut risque (subprime), bref par un endettement excessif du consommateur. Or, l’hyperconsommation tout autant que l’achat d’une maison a contribué à cet endettement excessif; certains augmentaient même le montant de leur hypothèque pour ensuite dépenser cet argent en biens et services de consommation.

D’inciter les gens à consommer pour sortir de la crise économique est aussi logique que de demander à des pyromanes d’allumer des incendies pour occuper les pompiers; la solution porte en elle le germe de son échec éventuel, car elle conduit inéluctablement à l’endettement alors que le taux d’endettement est déjà à un sommet vertigineux.

Comme je l’écrivais le 9 décembre dans la chronique Le produit intérieur brut et la consommation, « les économies des pays industrialisés sont beaucoup trop dépendantes de la consommation »; la solution à la crise actuelle doit reposer beaucoup plus sur la production que sur la consommation. En ce sens, les programmes d’infrastructures que semblent vouloir mettre en place la plupart des gouvernements nord-américains me semblent être une avenue bien plus prometteuse; une fois l’emploi stabilisé, le taux d’épargne augmenté et celui de l’endettement diminué, la consommation pourra reprendre… d’une façon plus réfléchie, plus responsable.