mardi 27 mars 2007

IGOR et la loi : qui doit-on blâmer?

En vertu de la Loi sur la protection du consommateur, l’Office de la protection du consommateur dépose 36 constats d’infraction contre Saputo; l’entreprise peut se voir imposer des amendes totalisant 60 000 $. Ces accusations font suite à la plainte déposée le mois dernier par l’Union des consommateurs et la Coalition québécoise sur la problématique du poids, réclamant l’arrêt de la campagne promotionnelle de Saputo pour les muffins IGOR dans les garderies. L’entreprise n’a pas encore réagi à ces accusations; si elle décide de les contester, un juge devra en définitive se prononcer sur leur bien-fondé.

Outre l’aspect légal de ces actions commerciales, il y a lieu de s’interroger sur la part de responsabilité des garderies dans cette histoire. De toute évidence, leur collaboration s’est avérée nécessaire pour mener à bien cette campagne promotionnelle. Or, je n’entends personne faire la moindre remontrance aux dirigeants de ces organismes; pourtant, ils ont accepté de collaborer au lancement de ce produit d’une valeur nutritive discutable en retour d’avantages pécuniaires ou autres, alors que l’article 5 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance les oblige à inculquer aux enfants de saines habitudes alimentaires.

Les actions promotionnelles de Saputo pour les muffins IGOR vous choquent-elles?

L’intervention de l’Office de la protection du consommateur était-elle nécessaire pour protéger les enfants?

La réaction de l’Office de la protection du consommateur est-elle exagérément sévère?

L’entreprise Saputo doit-elle porter seule la responsabilité?

La complaisance des garderies est-elle critiquable?

Le gouvernement devrait-il intervenir auprès des garderies en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance?

J’aimerais beaucoup connaître votre opinion sur ces questions!

mardi 20 mars 2007

Les attentes imaginaires

Les attentes imaginaires touchent une autre forme de symbolisme, mais dont les racines sont beaucoup plus profondes. Elles reflètent les aspirations fondamentales du consommateur : valeurs personnelles, image de soi, estime de soi, etc. Les attentes imaginaires sont un des éléments les plus influents sur la consommation.

Les cosmétiques et les parfums sont d’excellents exemples de produits qui répondent aux attentes imaginaires du consommateur. L’image de féminité qui se dégage de la publicité du parfum Trésor de Lancôme est une réponse aux aspirations de certaines femmes; d’autres parfums offriront l’image d’une femme professionnelle très active pour répondre aux aspirations d’un groupe différent de sujets. Les cosmétiques, eux, s’engagent à rendre belles celles qui aspirent à la beauté, et à être une fontaine de jouvence pour celles qui aspirent à une jeunesse éternelle.

Dans le domaine touristique, plusieurs produits visent à répondre aux attentes imaginaires, le tourisme religieux notamment : tous les pays qui comptent de nombreuses églises, basiliques, cathédrales, mosquées, temples, attirent chaque année des centaines de milliers de visiteurs. Les uns viennent y chercher une inspiration spirituelle, d’autres, une forme d’art sacré, d’autres encore, un certain exotisme culturel.

Certaines destinations proposent une expérience unique, par exemple, Saint-Jacques-de-Compostelle; chaque année, des pèlerins parcourent à pied, à vélo ou en voiture les chemins qui y mènent, à travers l’Espagne, la France et même de plus loin. Ce pèlerinage est si populaire qu’une association, la Société française des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle, a pignon sur rue à Paris depuis 1950. Les motifs qui poussent les gens à vivre cette expérience sont complexes : spirituels, religieux, culturels, artistiques, physiques, etc.

Connaissez-vous vos aspirations profondes?

Pensez-vous qu’elles influencent votre consommation?

En rétrospective, à la lumière de ce qui précède, quelles sont les attentes imaginaires qui ont influencé votre dernier achat important?

mardi 13 mars 2007

Les attentes symboliques

Comme le savent très bien les spécialistes en marketing, certains biens et services sont achetés pour leur valeur symbolique plus que pour leur utilité. Les attentes symboliques visent l’association, voulue par le consommateur, du produit à un symbole : mode, statut, style de vie, classe sociale, richesse, pouvoir, modernité technologique, etc. Ce qu’on essaie d’obtenir, c’est une image, par exemple, celle d’un style de vie particulier. Ainsi, la pratique de plusieurs sports « exige » tel équipement et tels vêtements devenus symboles, presque fétiches, de cette pratique; même les débutants voudront être ainsi équipés pour correspondre à l’image standard. De même, beaucoup de touristes recherchent un produit de prestige pour répondre à leurs attentes symboliques : des hôtels luxueux, des destinations exclusives, un style de vie sportif proposé par de grands complexes vacanciers, etc.

Les attentes symboliques répondent au souci du consommateur à l’égard de l’opinion que les autres se font de lui. Les grandes marques, de vêtements, d’accessoires, de cosmétiques, de parfums… sont alors achetées comme symboles de prestige. Le symbolisme attaché aux grandes marques (richesse, prestige, classe sociale, etc.) est souvent synonyme de durabilité; la notoriété acquise par les fabricants de ces marques a une énorme valeur financière. Certaines modes vestimentaires excentriques, à l’inverse, sont, par leur nature même, éphémères; mais il arrive que ce soit justement ce trait qui séduit, car il procure une sorte d’exclusivité à ceux qui se l’approprient. Une fois cette mode adoptée par le grand nombre, elle perd son attrait.

Il y a des consommateurs qui achètent systématiquement une seule grande marque, qui représente pour eux une garantie de fiabilité; ils achètent en quelque sorte l’image de sécurité offerte par les produits de cette marque. Cela est particulièrement vrai dans le cas de technologies nouvelles. Le gestionnaire peut ainsi vouloir donner à l’entreprise une image flatteuse. En cas de problème, il protégera sa réputation en soutenant que si le « meilleur » n’a pas pu répondre aux attentes, personne n’aurait pu le faire.

Dans toute une série de cas, donc, les attentes symboliques priment largement la fonctionnalité; mais plusieurs chercheront un compromis entre les deux aspects. À votre avis, la publicité fait-elle trop appel au symbolisme? Dans quelle mesure croyez-vous être influencés par ces attraits symboliques?

mardi 6 mars 2007

Les attentes fonctionnelles

Les attentes fonctionnelles désignent les exigences du consommateur quant aux aspects utilitaires d’un produit; le bien ou le service doivent remplir la fonction à laquelle ils sont destinés. Elles sont l’expression des avantages recherchés : sécurité, durabilité, facilité d’utilisation ou d’entretien, performance, etc. Elles tiennent compte des caractéristiques physiques du produit, de la technologie utilisée, etc.

Les vêtements, en particulier ceux destinés aux enfants, permettent de bien illustrer les attentes fonctionnelles. Afin de satisfaire une exigence de sécurité, ils doivent être fabriqués avec un tissu ignifugé. Pour offrir de la durabilité, le tissu doit également être résistant à l’usure. Une garantie contre l’usure, offerte par certains manufacturiers, est une autre composante liée à la durabilité. La facilité d’entretien, dont se réclame une grande marque de vêtements destinés aux voyageurs en régions sauvages, est un autre exemple de produit qui fait appel aux attentes fonctionnelles.

Dans le domaine du tourisme, les brochures des voyagistes fournissent de nombreux exemples de ce type d’attentes. Les personnes recherchant la facilité autant dans le choix de la destination que dans le déroulement de leur voyage trouveront des forfaits tout inclus. Ceux qui cherchent à en voir le plus possible, selon une exigence de performance, préféreront des voyages organisés avec des déplacements de nuit et des visites de jour dans plusieurs villes ou même plusieurs pays.

Mais le meilleur exemple des attentes fonctionnelles exprimées de façon formelle est sans doute celui des appels d’offres avec un cahier de charges souvent très élaboré; ce document contient de nombreuses caractéristiques devant être respectées par les candidats. Cette procédure vise souvent la performance. Par exemple, en informatique, le respect des spécifications permet de s’assurer d’une capacité de stockage suffisante, d’un temps de réponse inférieur à la norme courante, d’une compatibilité avec d’autres équipements ou des logiciels particuliers, etc.

Dans le but de susciter de nouvelles attentes, de différencier un produit et de gonfler la marge de profit unitaire, beaucoup d’entreprises incorporent maintenant tellement d’éléments nouveaux dans leurs produits que ceux-ci perdent un peu leur fonctionnalité. C’est le cas de plusieurs téléphones cellulaires et de quelques véhicules automobiles. Il est absolument impossible d’utiliser certaines fonctions ou certains accessoires sans consulter un manuel d’utilisation comptant souvent plusieurs centaines de pages, un exercice non seulement rébarbatif, mais souvent infructueux.

Parlez-moi de votre expérience avec un produit qui a ainsi perdu sa fonctionalité.

vendredi 2 mars 2007

Qu’est-ce qui vous fait vraiment acheter?

Contrairement à ce que voudraient faire croire les théoriciens en marketing, on n’achète pas pour satisfaire des besoins innés, mais pour construire et maintenir une image. La hiérarchie des besoins élaborée par Maslow est certes utile pour comprendre la motivation fondamentale du consommateur, ce qui le pousse à vouloir consommer — l’être humain désire toujours quelque chose. Cela dit, mon expérience de praticien, dans le marketing et la vente, m’a permis de constater la faible utilité du concept de besoin, notamment pour la mise au point des produits et la construction d’une argumentation visant à convaincre le client. Ce concept ne permet pas non plus aux consommateurs que nous sommes de prendre conscience du fait que nous consommons trop et que nous consommons mal. On achète parce qu’on croit répondre ainsi à un besoin, sans comprendre ce qui nous a poussés à acheter.

Pour compléter la notion de besoin comme fondement de la consommation, je propose de reprendre celle d’attente, déjà utilisée par Rochefort pour décrire la valeur immatérielle que le consommateur souhaite voir incorporée au produit. Tant pour le producteur que pour le consommateur, cette notion permet de mieux comprendre les manques que le consommateur veut combler et qu’on appelle communément, et à tort, besoins.

Elle a l’avantage en tout cas de bien traduire l’idée d’expression du besoin, idée que les spécialistes en marketing rendent par la notion de demande. Cela dit, alors que la demande traduit une volonté de possession, l’attente désigne une expectative quant à l’obtention de certains bénéfices. L’attente rend donc mieux l’idée d’exigence à satisfaire sans ajouter la dimension d’imminence de la décision attachée à la demande. Autrement dit, si les attentes du consommateur à l’endroit d’un produit sont satisfaites, celui-ci pourra cultiver un désir pour ce produit; ce désir pourra ensuite se concrétiser sous la forme d’une demande.

La théorie des attentes permet de tenir compte à la fois du produit et du consommateur, dont chacune des attentes doit nécessairement correspondre à une composante du produit pour que celui-ci soit « désirable ». Les composantes ne doivent pas être entendues au sens de caractéristiques matérielles du produit, mais au sens plus large d’éléments constitutifs. Ainsi, le nom du produit, son emballage, l’image créée autour de lui par la publicité, peuvent être considérés comme autant de composantes.

D’innombrables éléments influent sur les attentes, notamment les valeurs dominantes d’une société, les événements marquants, l’évolution des préoccupations et des aspirations de chacun, les efforts de commercialisation, etc. De nouvelles attentes et même de nouvelles catégories d’attentes peuvent donc se manifester à tout moment. Il est dès lors relativement aisé de faire naître des attentes chez le consommateur en proposant des produits comportant des composantes inédites; c’est même de cette façon que les concepteurs arrivent à faire valoir leurs produits respectifs. Les puces de mémoire, plus rapides, d’une capacité accrue et moins chères, illustrent cela dans le cas des produits technologiques.

Les attentes du consommateur sont multidimensionnelles; un achat peut faire intervenir une seule, plusieurs ou toutes les catégories d’attentes. Afin de tenir compte des exigences qui interviennent lors d’une situation d’achat, je propose une liste non exhaustive de dix types d’attentes — liste évidemment soumise aux variations sociales et historiques — qui est à même de faire comprendre de manière plus détaillée ce que la notion d’attente recouvre. Je vous en propose une représentation graphique que je désigne sous le vocable « Anneau des attentes » (format PDF).

Pour mieux comprendre la notion d’attente, prenons en exemple l’achat d’une voiture. Une personne pourra acheter un modèle particulier à cause de sa faible consommation d’essence (attente fonctionnelle), parce que la marque est bien cotée (attente symbolique), parce que le véhicule est associé à une image jeune que recherche cette personne (attente imaginaire), à cause de l’agrément qu’on a à la conduire (attente sensorielle), à cause de son prix raisonnable (attente financière), parce que le vendeur lui a réservé un accueil chaleureux (attente relationnelle), parce que la construction fait appel à des matériaux recyclés (attente sociétale), parce que la personne aime une couleur unique à ce modèle (attente esthétique), parce que le site Web du constructeur fournit des informations détaillées et conviviales (attentes informationnelles) et parce que la voiture peut être livrée en quelques jours (attente temporelle). Je détaillerai chaque type d’attente dans de prochaines chroniques.