Pour vendre son produit, Vachon a mis sur pied une campagne promotionnelle décrite par le menu sur le portail Infopresse :
« La campagne promotionnelle met en vedette la mascotte du produit, le gorille Igor. Plus de 1000 centres de la petite enfance (CPE) du Québec, de l'Ontario et des Maritimes sont visés. Les garderies recevront un CD de la danse d'Igor, des affiches illustrant la danse de la mascotte, des sacs pour chaque enfant comprenant un livret portant sur l'histoire d'Igor et ses amis de la jungle prônant la bonne nutrition et l'activité physique, des autocollants et deux muffins Igor de Vachon, ainsi que des coupons de réduction.
Également, 20 garderies participantes gagneront une sortie de groupe de leur choix d'une valeur de 3000 $ incluant de l'animation avec le gorille porte-parole. » Les sacs promotionnels en question sont également distribués dans certains foyers; j’en ai reçu un à la maison. Vous aussi peut-être? Ceci n’a rien de nouveau; cette méthode est souvent utilisée pour lancer de nouveaux produits.
La campagne a choqué l’Union des consommateurs et la Coalition québécoise sur la problématique du poids. Dans un communiqué de presse, en se fondant sur l’article 248 de la Loi sur la protection du consommateur, ces deux organismes demandent à l’Office de la protection du consommateur d’ordonner le retrait du matériel promotionnel des garderies.
Or, à première vue, les pratiques commerciales de Vachon ne semblent pas enfreindre l’article 248 de la Loi sur la protection du consommateur, lequel a historiquement été appliqué à la publicité dans les médias traditionnels, principalement la télévision. Comme le stipule l’article 90 du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur, l’utilisation d’un message publicitaire à l’intention des enfants est permise sur un contenant, une étiquette ou un emballage. Quant à la mascotte, son usage est clairement autorisé par le paragraphe « l » de l’article 91 du même règlement, lequel stipule que « n'est pas un personnage connu des enfants celui créé dans le but d'annoncer un bien ou un service, lorsqu'il est utilisé à cette fin seulement ». Il y a d’ailleurs belle lurette que les entreprises utilisent des mascottes pour vendre des produits alimentaires aux enfants. Pensons par exemple à Tony le tigre, au trio Cric, Crac et Croc, et à Sam le toucan, des mascottes encore utilisées aujourd’hui, comme en fait foi le site Web de Kellogg Canada.
Par contre, on peut s’interroger sur la conformité du livret portant sur l’histoire d’IGOR. En effet, ce matériel promotionnel me semble entrer dans la catégorie « encart publicitaire » aux termes de l’article 88 du règlement d’application; il y est stipulé qu’un message publicitaire peut être exempté de l’application de l’article 248 de la loi s’il est « contenu dans une revue ou dans un encart qui est destiné à des enfants » (paragraphe « a ») ET si cet encart est « offert EN VENTE ou inséré dans une publication offerte EN VENTE » (paragraphe « b »), ce qui ne semble pas être le cas ici. Par contre, n’étant ni légiste, ni avocat, je ne peux pas me prononcer de façon certaine sur ces questions. Nous verrons bien; l’Office de la protection du consommateur enquête à ce sujet.
De toute façon, penchons-nous plutôt sur le contenu « santé » du message, un incontournable, compte tenu des préoccupations de la population à cet égard depuis plusieurs années; le fait de présenter une sucrerie comme un aliment sain et surtout d’apposer le logo « Visez santé », accordé par la Fondation des maladies du cœur du Canada, sur l’emballage et le matériel promotionnel, relève d’un cynisme éhonté. Il faut d’ailleurs s’interroger sur les critères de certification des produits qu’il faut respecter pour afficher ce logo; nos tout-petits seraient-ils menacés de cardiopathie? Peut-être que cette fondation devrait être un peu plus sélective quant aux produits sur lesquels elle autorise l’apposition de son logo ou bien réviser ses critères de certification. Mais là encore, Vachon n’est pas le seul producteur de produits alimentaires à faire valoir le caractère nutritif d’un produit, par exemple le fait de contenir des grains entiers, tout en évitant d’accorder trop d’importance à des nutriments indésirables, tels le sucre, le sel et les gras. Pourquoi alors condamner la campagne IGOR avec autant de virulence?
Ce sur quoi il faut plutôt s’interroger, c’est l’opportunisme des garderies qui participent à la campagne IGOR. Il y a quelque chose de choquant dans le fait qu’un organisme subventionné par l’État accepte des avantages, pécuniaires ou autres, en échange de son aide à la commercialisation d’un produit. Ceci est particulièrement vrai lorsque le produit est une friandise et que l’organisme est voué au bien-être des enfants. Outre cette responsabilité morale de l’organisme, n’oublions pas sa responsabilité légale, puisque l’article 5 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance fait état d’une obligation d’appliquer un programme éducatif « visant à donner à l'enfant un environnement favorable au développement de saines habitudes de vie, de saines habitudes alimentaires et de comportements qui influencent de manière positive sa santé et son bien-être. »
Je ne suis pas contre le fait qu’un enfant puisse, à l’occasion, manger des friandises; nous l’avons tous fait étant enfants, et la plupart d'entre nous le font encore maintenant en certaines occasions. Du reste, je peux avoir tort; les muffins IGOR sont peut-être un aliment sain? Mais, si tel est le cas, pourquoi alors Coalition québécoise sur la problématique du poids s’oppose-t-elle à leur promotion dans les garderies? Les sorties et l’animation dont bénéficieront les enfants sont-elles des raisons suffisantes pour tolérer la promotion IGOR dans les garderies? La campagne IGOR vous choque-t-elle? Dans l’affirmative, qu’est-ce qui vous choque, les actions promotionnelles de Vachon ou la complicité des garderies? Donnez-moi votre avis! J’ai hâte de lire vos commentaires!
À lire également : « Pas fort, Igor », un article d'Ariane Krol, journaliste au quotidien La Presse.
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