mardi 21 juin 2011

La survie économique de Montréal

En 2009, dans « L’image de marque des grandes villes : Montréal dans le monde », un chapitre dans l’ouvrage collectif « Montréal, aujourd’hui et demain », je déplorais déjà le morcellement de cette ancienne métropole du Canada :

« Malheureusement, en 2004, à la suite d’une promesse électorale opportuniste, des référendums ont mené à la transformation de Montréal en un espace balkanisé de petits fiefs. Sans compter les municipalités défusionnées, donc autonomes, dont certaines s’apparentent davantage à des villages, les arrondissements de Montréal sont désormais eux aussi gérés comme autant de villes autonomes par autant de petits seigneurs préservant jalousement leurs pouvoirs, les maires d’arrondissement. »

En outre, je préconisais la création d’un espace métropolitain élargi analogue à celui du Greater Toronto Area (GTA), géré par un seul maire :

« Mieux encore, il faut espérer que l’actuel gouvernement du Québec reconnaisse l’erreur commise par les défusions de 2004 et ait le courage politique de reconstituer l’intégralité de la ville de Montréal sur l’île du même nom. Idéalement, il faudrait même appeler de nos vœux la création, au-delà de la Communauté métropolitaine de Montréal, d’un Montréal élargi englobant non seulement toute l’île de Montréal, mais également la ville de Laval et celle de Longueuil, cette dernière telle que définie par la loi sur les fusions municipales de 2002. Cette entité municipale devrait évidemment être gérée par une seule personne visionnaire, car une ville qui se veut internationale doit parler d’une seule voix; ses politiques doivent être inspirées par des considérations régionales, voire nationales. »

En conclusion, j’affirmais ce qui suit :

« Il n’existe toujours pas à Montréal de vision élargie et audacieuse de la ville visant à en faire une des «grandes» villes internationales. »

Depuis, la situation de Montréal n’a fait que se détériorer au point où il faut maintenant craindre pour sa survie économique. Sous la gouverne de politiciens mal inspirés, dont la vision de Montréal s’apparente davantage à celle d’un village qu’à celle d’une métropole, on développe outrageusement le transport à bicyclette au détriment d’une circulation automobile essentielle à la santé économique de la ville.

On oublie que plus de la moitié de la population de la grande région métropolitaine habite à l’extérieur de Montréal et n’a d’autre choix que d’utiliser un véhicule automobile pour se déplacer à Montréal, le transport en commun étant conçu pour les déplacements au travail en semaine. Le prix trop dispendieux d’un déplacement occasionnel, le temps trop long requis pour se rendre de la banlieue au centre-ville, les horaires peu commodes en dehors des heures de pointe du lundi au vendredi, le manque d’intégration entre les modes de transport, tout milite contre l’utilisation du transport en commun.

Pensez qu’à Paris, pour environ deux euros, une somme qui équivaut pour un parisien à ce que sont deux dollars pour un montréalais, vous pouvez prendre le RER à Antony et être au cœur de Paris en 20 minutes; vous avez aussi la possibilité de vous rendre facilement jusqu’aux aéroports d’Orly ou de Roissy, de transférer à l’une ou l’autre des nombreuses lignes de métro qui quadrillent la ville, au TGV ou à l’Eurostar. À New York, pour une somme équivalente et dans le même temps, vous pouvez vous rendre de Long Island à Times Square, un trajet semblable au précédent, en utilisant un métro tantôt aérien, tantôt souterrain.

À Montréal, au lieu de ça, nous avons des autobus inconfortables ou des trains de banlieue lents, dispendieux et aux horaires peu commodes. Comment voulez-vous que les résidents du 450 soient tentés par l’expérience peu amène du transport en commun, sauf à habiter à distance de marche de l’une des peu nombreuses stations de métro (une à Longueuil et trois à Laval)?

Sur ce plan, la ville de Montréal a manqué une belle occasion de développer un réseau de métro plus efficace lors du renouvellement de son matériel roulant. Si ses dirigeants avaient opté pour un métro sur roues de fer au lieu de pneumatiques, une solution deux fois moins coûteuse que les ingénieurs qui ont construit le réseau affirment être parfaitement compatible avec les installations existantes, Montréal aurait pu étendre ce réseau beaucoup plus loin et à moindre coût puisqu’il n’aurait plus été nécessaire de creuser sans cesse. Paris avait naguère opté pour le métro sur pneumatique, mais a vite compris que cette solution n’était pas viable à long terme.

Actuellement, lorsqu’on pense transport en commun à Montréal, on pense uniquement aux résidents des arrondissements centraux plutôt qu’à l’ensemble de la population du Grand Montréal, incluant ceux qui habitent les banlieues. En outre, l’administration de certains arrondissements et celle de la ville centrale ont tout fait en leur pouvoir pour mettre la bicyclette au premier rang et décourager l’utilisation d’un véhicule automobile.

Sur ce plan, l’instauration du système Bixi est un désastre financier, comme le confirme l’article de Gabriel Béland à la une de La Presse d’aujourd’hui et l’implantation anarchique de pistes cyclables; quoiqu’en dise le maire de Montréal, Monsieur Tremblay, le vélo n’est pas un mode de transport collectif qui doit être mis sur le même plan que métro ou l’autobus. Des statistiques le démontrent, l’utilisation de la bicyclette comme mode de transport est le fait d’une infime minorité de personnes et qui plus est, seulement six mois par années pour la plupart de ces derniers.

Pour restreindre l’utilisation d’un véhicule automobile, on a contre tout bon sens modifié le sens de la circulation sur plusieurs rues, rétréci d’autres artères en y dessinant des hachures ou des bandes, ne tenant aucun compte des travaux de réfection en cours et surtout sans un plan central logique et planifié de circulation; il est complètement absurde qu’un maire d’arrondissement, tel Monsieur Ferrandez, puisse à sa discrétion adopter des mesures qui entravent contre tout bon sens la circulation non seulement sur le Plateau Mont-Royal, l’arrondissement qu’il dirige, mais plusieurs autres arrondissements de Montréal.

Hier, j’ai eu le plaisir de dialoguer avec la résidente d’un HLM situé sur le Plateau Mont-Royal; elle se reconnaîtra peut-être si elle lit ces lignes. Visiblement âgée de plus de 60 ans, mais étonnamment en forme malgré ses problèmes de santé, c’est une femme active qui se déplace beaucoup dans Montréal et à l’extérieur de la ville et même du Canada. Elle m’a confirmé ce que je soupçonnais déjà, à savoir que les citoyens « ordinaires », Monsieur et Madame Tout Le Monde, du Plateau Mont-Royal en ont ras le bol des bicyclettes et des modifications à la circulation dans leurs rues; j’exclus évidemment de ce nombre les bien-pensants de la gauche caviar. Même les véhicules du transport adapté ont désormais de a difficulté à accéder à la rue Gilford sur laquelle est situé le HLM que mon interlocutrice habite.

Le déclin économique de Montréal a commencé depuis de nombreuses années déjà et s’accélère dangereusement, comme le confirme l’article de Martin Croteau à la une de La Presse d’aujourd’hui; les restaurateurs et les commerçants perdent une part importante de leur clientèle en pleine saison estivale. Je puis vous certifier que le consommateur qui prend de nouvelles habitudes d’achat ne reviendra pas même si les irritants qui l’ont fait fuir disparaissent; Montréal est en passe de devenir une zone économique sinistrée.

N’oublions pas non plus les touristes; si quelques visiteurs de villes, provinces ou états limitrophes ont utilisé leur voiture pour venir nous visiter cette année, nous ne sommes pas près de les revoir l’année prochaine. Les festivals qui sont en quelque sorte la marque de commerce de Montréal en souffriront nécessairement et pourront même disparaître.

Il est plus que temps que le gouvernement du Québec intervienne pour remettre de l’ordre dans tout ça, car la survie économique de Montréal en dépend et par le fait même, la santé de l’économie du Québec, car Montréal est le moteur économique de la province. On doit rapidement créer un Montréal élargi dirigé par un seul maire et abolir les mairies d’arrondissement, même si des groupes de pression prétendant représenter une majorité s’y opposent; que l’on n’aille surtout pas faire un référendum sur la question! Il faudra que ce futur maire du Grand Montréal gère en fonction de l’ensemble de la population sous sa juridiction et propose un plan de transport intégré où figurera au premier plan un réseau de transport rapide et peu coûteux analogue au RER parisien, où on redonnera au transport routier la place importante qu’elle doit occuper dans une métropole, où les travaux de réfection seront planifiés et coordonnés à l'échelle régionale, et où la bicyclette sera reléguée à l’arrière-plan, comme il se doit puisqu’il ne répond au besoin que d’une infime minorité d’usagers habitant les quartiers centraux de Montréal.

Mise à jour le 22 juin 2011

Le lendemain de la publication de mon billet, André Pratte a publié un excellent éditorial intitulé « Une situation intolérable ». Il abonde dans le même sens que moi : « En perturbant le transport des travailleurs, des touristes et des marchandises, la congestion permanente nuit à l'économie de Montréal et mine sa réputation. » Je vous invite à le lire.

Mise à jour le 26 juin 2011

Décidément, mon sujet fait les manchettes. Le 25 juin, soit quatre jours après la publication de mon billet, Claude Picher a publié un excellent article intitulé « Des bouchons et des pertes ». En voici un extrait : « La paralysie de la circulation à Montréal, aggravée par les stupides mesures vexatoires des ayatollahs anti-automobile, se traduit par des pertes de productivité énormes, de quoi amplement annuler l'activité économique reliée aux chantiers. » Il évalue à 80 millions par semaine les pertes attribuables à cette situation et conclue ainsi : « Mais ce qu'il faut surtout retenir de tout cela, c'est que cette inqualifiable gabegie coûte une fortune à l'économie québécoise, sans compter tous les emmerdements qui viennent avec... » À lire absolument.