Dans ma chronique du 2 décembre, La crise économique et le consommateur, je dis que le consommateur québécois manifeste, pour l’instant, une sorte de déni à l’égard de la crise économique. Ce phénomène s’explique facilement si on considère que l’économie du Québec est beaucoup moins liée au secteur automobile que ne l’est notre voisine, l’Ontario.
Les mises à pied massives liées au ralentissement de l’industrie automobile n’ont pas eu lieu au Québec. Cela dit, le Québec n’est pas immunisé contre la récession économique qui frappe à l’échelle mondiale et des mises à pied importantes auront probablement lieu parce que les achats de nos partenaires internationaux vont immanquablement diminuer.
Certains se réjouissent de voir le consommateur québécois continuer à dépenser contre vents et marées; je ne suis pas de ceux-là. Bien sûr, à très court terme, les ventes au détail pourront stimuler l’activité économique et garnir les coffres des détaillants, mais c’est faire preuve d’un manque de vision de s’en réjouir, car le choc qui s’ensuivra n’en sera que plus important.
D’une part, si le consommateur québécois ne réduit pas tout de suite sa consommation, comme celui des autres provinces canadiennes et des états du pays voisin, c’est qu’il continue à ne pas épargner, voire à s’endetter encore davantage; dans les deux cas, les conséquences sont désastreuses et on assistera tôt ou tard à un ralentissement de la consommation. Plus ce ralentissement se fera tardivement, plus il sera brutal.
D’autre part, les économies des pays industrialisés sont beaucoup trop dépendantes de la consommation : « Déjà depuis plusieurs années, le moteur même de la croissance économique américaine n’était déjà plus la production, mais bien la consommation. En d’autres termes, déjà en 2001 et encore plus depuis, la croissance économique des Américains (et dans une moindre mesure des Canadiens) carburait à la consommation. De 59 % du produit intérieur brut qu’elle représentait au début des années 80, la consommation des ménages américains est passée à 71% en 2007 (62% au Canada) » (J. Nantel, « Dans l’œil du cyclone », La Presse, 3 octobre 2008, p. A21).
Il est aisé de comprendre pourquoi une économie fondée davantage sur la production est préférable. L’impact de la vente de simulateurs à une entreprise étrangère par CAE, d’un train à grande vitesse à un gouvernement étranger par Bombardier Transport, d’avions à une compagnie aérienne étrangère par Bombardier Aéronautique, de composantes d’aluminium à un fabricant étranger par Rio Tinto Alcan ou d’un contrat de construction à un gouvernement étranger par SNC-Lavalin a un effet beaucoup plus positif sur l’économie canadienne et québécoise que les ventes au détail à des consommateurs d’ici; ces activités économiques créent de la richesse chez nous en plus de faire entrer des devises.
Le contexte actuel est donc particulièrement favorable pour le Québec, car la plupart des pays industrialisés initient d’ambitieux programmes de développement des infrastructures; comme je viens de le démontrer, plusieurs de nos entreprises sont admirablement bien positionnées pour satisfaire cette demande au Québec, ailleurs au Canada ou à l’étranger.
Certains me diront qu’en préconisant un ralentissement de la consommation je veux mettre le Québec en récession. Bien au contraire, je veux éviter au Québec un choc encore pire en réduisant dès maintenant notre consommation pour éviter de l’arrêter brutalement en 2009. Nous devons consommer de façon plus réfléchie, faire en sorte que notre économie repose moins sur la consommation et davantage sur la production!
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