mardi 1 mai 2007

Kyoto et les attentes sociétales

La tempête médiatique entourant le protocole de Kyoto, qui fait suite à l’annonce d’un plan visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre par le ministre Baird, est une belle occasion pour moi de présenter la notion d’attentes sociétales.

Un nombre croissant de personnes semblent entourer leur consommation de préoccupations fondées sur des valeurs fondamentales d’équité sociale et de préservation de l’environnement. Par exemple, les statistiques d’Ipsos indiquent qu’entre 2000 et 2002, la proportion de Français ayant « entendu parler du commerce équitable » a presque quadruplé, pour atteindre 32 % (Plate-Forme pour le Commerce Équitable). En France, le commerce équitable connaît déjà une grande popularité, au point de retrouver de larges sections offrant ces produits dans les supermarchés Leclerc, Carrefour et Champion. On a vu ainsi apparaître le label « Fairtrade » de certification des produits équitables.

Véritables exigences du consommateur, les attentes sociétales touchent tous les secteurs et sont incontournables pour les entreprises : véhicule à faible consommation d’essence, à la fois pour réduire la pollution environnementale et pour préserver la ressource limitée qu’est le pétrole; réutilisation de matériaux recyclables, papier, verre, etc. Les attentes sociétales concernent également la récupération de matériaux dangereux, ceux par exemple de l’industrie informatique, dont les produits contiennent des métaux toxiques.

Le secteur des services est également touché; plusieurs intervenants touristiques ont des préoccupations de nature écologique (tourisme écologique) et sociale (développement touristique durable). On peut également mentionner la conservation du patrimoine, un enjeu majeur pour plusieurs urbanistes, architectes et autres personnes qui travaillent à tisser la toile urbaine.

Le dérapage fortement médiatisé entourant le protocole de Kyoto et la récupération politique qu’en font certains démontrent que les attentes, sociétales et autres, peuvent souvent être émotives plutôt que strictement rationnelles. Le plan déposé par le ministre Baird est rationnel; il propose une solution équilibrée entre les contraintes économiques et environnementales. Je suis certain que le gouvernement du Premier ministre Harper fera davantage lorsqu’il le POURRA. Les critiques elles sont plutôt d’ordre émotif et symbolique; Kyoto est devenu un symbole et un cheval de bataille pour les environnementalistes irréductibles. Ceci illustre particulièrement bien le fait que les enjeux sociétaux peuvent être liés à, voire eux-mêmes devenir, des attentes symboliques ou imaginaires.

Qu’en pensez-vous?

Le discours alarmiste de certains est-il plus émotif que rationnel?

Le protocole de Kyoto doit-il être un énoncé de principes qui doivent désormais guider les activités humaines ou bien un ensemble de normes environnementales contraignantes?

Êtes-vous personnellement satisfait du plan proposé la semaine dernière par le ministre Baird?

Quelles autres mesures concrètes et réalisables aimeriez-vous proposer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre?

2 commentaires:

Luc Séguin a dit...

Il me semble que les « attentes sociétales », ne correspondent pas nécessairement à des valeurs progressistes mais peuvent tout aussi bien exprimer un pragmatisme, voire même un égoïsme. Par exemple, le prix d'un produit. Plusieurs le voudront le plus bas possible, quelqu'en soit les conséquences environnementales et sociales (délocalisation, chômage, appauvrissement...). L'achat éthique fait son chemin, mais pour l'instant demeure marginal.

Quant à votre affirmation voulant que le « plan déposé par le ministre Baird [soit] rationnel [et] propose une solution équilibrée entre les contraintes économiques et environnementales », elle relève plus du désir irrationnel de modifier les attentes sociétales que de la prise en compte objective des faits scientifiques. Que vous le vouliez ou non, le GIEC a clairement averti la communauté internationale qu'il y a un seuil (autour de 450 ppm) au-delà duquel les concentrations de CO2 ne doivent pas aller. Alors que l'Europe s'est engagée à des réduction de 20 à 30% sous le niveau de 1990, le plan Baird vise une réduction de 20% non pas par rapport à 1990, mais par rapport à 2006 ! Les médias ont fait peu de cas de ce changement d'année de référence. Pourtant il s'agit de rien moins que l'abandon des objectifs de l'entente de Kyoto, entente négociée, conclue et ratifiée par le Canada. Critiquer Baird sur la base de cet engagement juridique, ce n'est pas se montrer « émotif », c'est se montrer solidaire des Anglais, des Allemands qui ont déjà consenti des réductions importantes de leur émissions, solidaire des générations à venir et, enfin, solidaire des pays pauvres qui seront les plus durement affectés par le réchauffement climatique. Le président du Secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Yvo De Boer, a jugé très sévèrement le plan Baird. Outre le changement discret de l'année de référence, rappelons que ce plan ne fixe pas d'objectifs contraignants de réductions des émissions en termes absolus, il impose plutôt une réduction de l'« intensité » des émissions. Or, il est déjà acquis que le secteur pétrolier verra ses émissions absolues augmenter de façon importante du fait de l'augmentation de la production albertaine de 1,5 à 5 mb/j. Pour compenser cette augmentation, il faudra que les autres parties consentent des efforts accrus de réduction, sur qui apparaît peu vraisemblable dans un contexte de croissance du PIB. L'intensité de ses émissions s'est amélioré de 47 % entre 1990 et 2004, sans qu'il en résulte une baisse des émissions de GES ; le plan Baird prévoit une amélioration de 26 % seulement entre 2007 et 2020.
Les attentes sociétales peuvent être manipulées, transformées par un pouvoir politique, c'est bien connu. Le gouvernement a d'ailleurs annoncé une campagne publicitaire de près d'un million de dollars pour « vendre » son plan. La partie pour les conservateurs est peut-être bien déjà gagné. Comment ne pas remarquer en effet « que, il y a à peine deux ans, à peu près personne ne trouvait que le plan Dion était dangereux pour l'économie. On le jugeait trop timide, trop clément pour les pétrolières et le secteur automobile et trop dépendant des fonds publics. Les conservateurs auraient très bien pu le mettre en oeuvre dès leur prise du pouvoir et même accélérer le rythme » (dixit Le Devoir). Mais, au contraire, ils y ont fait obstruction par tous les moyens.

Le plan Dion respectait Kyoto, avait été bien accueilli par les milieux financiers et n'aurait coûté qu'un milliard de plus que le plan Baird.

roméo a dit...

Le protocole de Kyoto a été signé à la hâte par un gouvernement Chrétien qui savait que les objectifs étaient inatteignables car irréalistes. On voulait "consacientiser" la population rien de plus. D'ailleurs Eddy Goldenberg, ancien conseiller spécial de Jean Chrétien, l'a confirmé dans une entrevue au Le Devoir publié le 23 février 2007 sous la plume d'Alex Castonguay. Il affirme même que la possibilité de rater la première échéance du protocole de Kyoto était évaluée comme une forte possibilité au sein du gouvernement libéral de l'époque.

Mais ce qui a fait que de 1990 à 2006 les efforts soutenues des citoyens aient augmenté et non diminué les GES est un contexte tout autre qui n'a pas été pris en compte dans l'évaluation de 1990 lors de cette signature.

Ainsi, la mise en exploitation des sables bitumineux de l'Alberta n'étaient pas comptabilisés dans les chiifres de 1990. Il en est de même de la mise en exploitation en 2003, du projet Hibernia au large des côtes terreneuviennes. À eux seuls, ces deux projets sont responsables du tiers des émissions actuelles. Ca dilue les efforts consentis par plusieurs secteurs de l'économie et rend irréaliste les attentes signifiées dans Kyoto. Voilà pourquoi le gouvernement Harper a voulu actualiser les données.

Quant au réchauffement climatique tant annoncé, les pluies de grèle que l'on a subi réscemment me laissent perplexe et me permettent d'abonder dans le même sens que la scientifique Brigitte Van Vliet-Lanoë, professeur en sciences de la Terre à l'université des Sciences et Technologies de Lille qui écrit dans son livre au intitulé «La planète des Glaces - Histoire et environnements de notre ère glaciaire» dont voici un extrait du chapitre «Épilogue : Vers une englaciation et une aridification croissantes à long terme».

«Les hautes latitudes enregistrent, comme le désert, la moindre modification du milieu. Selon les observations présentées plus haut, il semble que les perturbations industrielles et agricoles induisent, dans les régions côtières de l'Arctique atlantique, une rétroaction accentuant régionalement le refroidissement progressif du système naturel, enregistré depuis 4500 BP dans l'hémisphère Nord, alors que le reste de l'Arctique se réchaufferait modérément puis un peu plus rapidement depuis 20 ans. L’Antarctique, péninsule occidentale exceptée, reste de glace dans son isolement, et se refroidit. C’est lui qui, depuis 38 Ma, est le véritable chef d’orchestre de notre climat. Il est inquiétant de constater à la lumière des résultats des carottes antarctiques que, pour la grande majorité des événements quaternaires, l’Antarctique reste l’ordonnateur du climat, comme le souligne J. Jouzel.

Pour le moment, les zones subtropicales et méditerranéennes s’aridifient. Le bilan global de l'action indirecte et directe de l'homme, à l'échelle terrestre, est une érosion mécanique continentale importante, entraînant un retour précoce de la rhexistasie, à un régime érosif de début glaciaire, après la période de stabilité biogénique de l'interglaciaire actuel. L’anomalie présente, probablement transitoire, se produit avec une élévation modeste du niveau marin. Dans cette situation, il est difficile de nommer avec certitude le coupable étant donné la chaîne des effets rétroactifs. Ce qui est certain, c'est que vers 1947, quand l’épisode de refroidissement temporaire des années 1970 s’est amorcé, la pollution atmosphérique était moindre, mais surtout plus riche en aérosols qu'à l'heure actuelle ; la zone péri-Atlantique Nord, où le phénomène s’est maintenu le plus longtemps, est en fait une des plus polluées du monde, notamment depuis les années 1970. Mais le soleil a également sa part de responsabilité !

L’hétérogénéité du réchauffement actuel ne plaide pas en faveur de la dominance de l’effet de serre : l’Antarctique, notre chef d’orchestre, se refroidit malgré un apport énergétique temporairement accru jusqu’en 2000. Dès que l’irradiance solaire reviendra à un niveau normal, il en sera de même pour l’Arctique, dès que le Gulf Stream se ralentira et se refroidira. Le coup de semonce constitué par le refroidissement complexe du Petit Âge glaciaire (1450-1880) a déjà fait basculer les régions arctiques péri-atlantiques en dehors du monde interglaciaire holocène, comme le montrent les enregistrements pédo-sédimentaires identiques à ceux du début de la dernière glaciation. Une situation d'un type voisin a prévalu à la fin du dernier interglaciaire en Europe (vers 110 000 BP), mais cette fois exclusivement pour des raisons climatiques, alors que le Gulf Stream n'avait pas encore disparu. Les résultats des carottes glaciaires du Groenland attestent de la brutalité du refroidissement il y a 110 000 ans.

Dans le contexte actuel, l’activité solaire vient de signer un réchauffement du même ordre que celui qui s’est produit au Moyen Âge, soit environ 1 °C de plus qu’en 1880. Nous sommes loin de l’Optimum holocène, voire de l’Interglaciaire Éémien (130 ka) ! La «transgression marine» associée sera probablement de même grandeur que celle du Dunkerquien II. Ce qui est beaucoup plus vraisemblable, c’est que l’accroissement actuel du gradient thermique interzonal sur l’Atlantique accroît la fréquence et la violence des tempêtes aux «quarantièmes rugissants» de l’hémisphère Sud. Mais ceci est également valable pour les « cinquantièmes rugissants » de l’hémisphère Nord, via la migration des anticyclones polaires, plus puissants et mobiles lorsque le déficit énergétique se creuse sur l’Arctique. Ce décalage latitudinale est lié à celui de la zone de convergence intertropicale en raison du caractère peu englacé de l’Arctique comparé à l’Antarctique. Le réchauffement récent sera plus ou moins rapidement tamponné par la disparition de la banquise et un ralentissement notoire de la circulation thermohaline, refroidissant par là l’Europe et surtout le nord-est de l’Atlantique. De plus, l’augmentation actuelle de l’effet de serre doit probablement accélérer cette procédure.

Dans le cas du doublement du CO2, il faudra s'attendre à un contraste thermique encore plus marqué, au moins pendant quelques dizaines d'années, avec toutes ses conséquences. Comme les tempêtes sont accompagnées par des précipitations plus abondantes (comme en témoigne l’augmentation catastrophique des inondations ces dernières années), les facteurs aérosols et albédo (les 10 % d’effets non contrôlés par l’effet de serre et l’activité solaire) vont probablement augmenter. Si le réchauffement climatique continue à être dopé par l’effet de serre, le vêlage des calottes groenlandaise et antarctique sera plus précoce, amenant un Dryas moderne d’ici une cinquantaine d’années. Si la calotte groenlandaise largue ses icebergs, nous n’aurons plus besoin de mettre des glaçons dans notre whisky !

Comme les précipitations augmentent également en zone arctique atlantique en conformité avec plusieurs modélisations, il est vraisemblable que cette suite d’événements fera basculer brutalement le contexte de fin d’interglaciaire dans lequel nous sommes actuellement dans un contexte stadiaire, avec formation d’une calotte dans le bassin de Foxe à l’ouest de la Terre de Baffin et sur la Scandinavie déjà refroidie. Ce scénario a été évoqué dès 1993 par G. Miller : une issue glaciaire à un scénario chaud. De plus, puisque le pic d’activité solaire vient d’être dépassé, le refroidissement de l’Arctique atlantique, masqué temporairement par ce dernier, pourra à nouveau accentuer le Néoglaciaire de l'Atlantique Nord, comme le suggère la croissance observée des petits glaciers d'Ellesmere, du Groenland et de Scandinavie pendant la période 1950-1995. La Grande Sécheresse saharienne, qui s’accroît depuis 1967, avec quelques années pluvieuses au début du XXIe siècle, devrait atteindre un niveau de période glaciaire. Cela va encore compliquer les échanges économiques.

Attention, un Petit Âge Glaciaire peut en cacher un autre : après un pic de réchauffement millénaire, va-t-on vers un nouvel épisode du Petit Âge Glaciaire ou vers une vraie glaciation ? La calotte antarctique semble aujourd’hui avoir quelques velléités de croissance. Les nations développées de l’hémisphère Nord sont de grosses consommatrices d’énergie et d’eau : qu’adviendra-t-il de leur consommation si le climat se refroidit et s’aridifie, la probabilité étant loin d’être nulle – comme nous venons de le voir – de part et d’autre de l’Atlantique ? Qu’adviendra-t-il des pays en cours de développement économique très énergivore et polluant, comme la Chine et l’Inde ? Il serait injuste de leur interdire d’évoluer.

Notre planète a des capacités d’autorégulation remarquables, notamment par les échanges convectifs au sein de l’atmosphère, de l’hydrosphère en dialogue permanent avec la biosphère. L’homme, ce grand perturbateur, est un peu présomptueux de croire qu’il va tout modifier, même si son impact sur la biosphère est aussi destructeur pour la biodiversité qu’une chute d’astéroïde. Même si notre interglaciaire joue la prolongation pour un siècle ou un millénaire, comme le suggère certaines modélisations couplées au forçage orbital (MOBIDIC), c'est en fait, à notre humble échelle, l'érosion des sols, devenue chronique, et la réduction de la recharge des aquifères qui restent et resteront, quoi qu'il advienne du climat, le facteur préoccupant pour le devenir de l'humanité. Quant à la réduction des terres cultivables et à la pollution, conséquences des modifications anthropiques du milieu et du climat, elles peuvent, à brève échéance, poser plus de problèmes économiques et politiques que le réchauffement potentiel censé faire fondre les calottes polaires et créer un déluge d’origine anthropique. La guerre de l’eau est un phénomène sociétaire cyclique au cours de l’Holocène. La dernière est commencée depuis plus de cinquante ans et, si le prochain glaciaire s’annonce, elle risque de durer longtemps. L'eau reste malgré tout le premier des gaz à effet de serre !

Le Global Warming nous a fait prendre conscience de la fragilité des équilibres à la surface de notre planète et, grâce à lui, de nombreuses études ont apporté leur lot d’informations à la fois sur notre passé et sur la géoprospective. Il nous a fait prendre conscience du caractère limité des ressources énergétiques fossiles. Et si ce Global Warming était surtout politique, une peur latente des nations économiquement riches de manquer d’énergie en cas de refroidissement climatique ? Qu’il fasse chaud ou qu’il fasse froid, il est important d’optimiser notre consommation énergétique et de limiter la pollution pour que les générations futures puissent continuer à se développer équitablement. Quant à voir pousser le maïs en Laponie, il existe d'autres facteurs limitant que la température.»

Voilà tout ce qui explique ce branle-bas dans le secteur énergétique et sur les décisions gouvernementales de diversifier les sources d'approvisionnement en énergie. Comme Mme Vliet-Lanoë je fait le constat que les dirtigeants gouvernementaux font la course à l'énergie sous toutes ses formes.

Fernand Trudel