mardi 29 mai 2007

Écologie et marketing : attention aux arnaques

Le week-end dernier, voulant me débarrasser des plantes indésirables qui envahissent notre terrasse, je suis allé dans un centre de jardinage pour acheter un herbicide; je veux bien que le pissenlit fasse partie de l'équilibre écologique de notre pelouse, mais refuse de le voir envahir le patio. Par contre, soucieux d'utiliser un désherbant sans aucune toxicité pour les humains et les animaux lors de l'application, et ne laissant aucun résidu toxique dans l'environnement, je voulais un produit dit écologique. Celui que le marchand m'a conseillé satisfaisait ces critères; son étiquette mentionnait l'élément actif, l'acide acétique, dans une proportion de 62,5 g par litre. Je me suis dit que ça devait être une solution d'acide acétique un peu plus concentrée que du vinaigre. J'ai donc acheté un contenant d'un litre en vaporisateur au prix de 7,97 $ Can.

J'ai appliqué le produit; celui-ci dégageait effectivement une forte odeur de vinaigre. Je dois admettre son efficacité; après une heure ou deux, les plantes commençaient déjà à se dessécher. Par contre, ma curiosité m'a poussé à effectuer une recherche sur internet; j'ai appris que le vinaigre commercial était habituellement une solution de 5% d'acide acétique, soit 1,01 g par millilitre, donc 101 g par litre. Le vinaigre vendu en épicerie est donc une solution 1,6 FOIS PLUS CONCENTRÉE que le produit que j'ai acheté. Poussant plus loin mon enquête, j'ai consulté le site Web du fabricant; le feuillet descriptif détaillé du produit mentionne effectivement comme ingrédients actifs l'acide acétique principalement (5-10 Wt.%), et dans une proportion plus faible, l'acide citrique (3-7 Wt.%).

J'avoue avoir été surpris, voire choqué. S'agirait-il de vinaigre, un peu moins concentré toutefois, auquel on aurait ajouté un peu d'acide citrique? Hormis que la présence d'une faible proportion de jus de citron, soit la clé de l'efficacité de ce produit? N'étant ni chimiste, ni horticulteur, je ne peux me prononcer avec certitude sur cette question. Par contre, si tel n'est PAS le cas, je me suis peut-être fait arnaquer! J'ai acheté du vinaigre à 7,97 $ Can. le litre, quand j'aurais pu en acheter 4 litres pour 2,59 $ Can. au supermarché (Loblaws, marque « sans nom »)! Je déteste admettre ceci, mais je crains que ça puisse être le cas. Le service de recherche agricole du ministère de l'Agriculture des États-Unis a testé le vinaigre, y compris la variété domestique, comme désherbant; vous pouvez lire les résultats par vous-même.

Les produits écologiques ont la cote. Motivées par l'appât facile et rapide du gain, plusieurs entreprises vont sans doute tenter d'exploiter le consommateur avec divers produits « sans danger pour l'environnement » dont l'efficacité est douteuse, ou bien qui pourraient être remplacés par des solutions peu coûteuses.

Encore une fois, l'expression latine « Caveat emptor », que l'acheteur soit vigilant, prend tout son sens.

J'aimerais beaucoup que les personnes qui ont des renseignements précis à fournir à propos du produit que je mentionne, ou des produits écologiques en général, affichent ces informations sur le blog.

mardi 15 mai 2007

Consommation et narcissisme

Absorbé par la correction des travaux et examens de mes étudiants, je présente aujourd'hui une chronique plus courte qu'à l'accoutumée. Si elle est plus brève, elle n'en sera pas moins intéressante, car je sais que le sujet est très controversé et que mes propos ne laisseront personne indifférent. Certains applaudiront mon intervention, mais, plusieurs, peut-être une majorité, seront en désaccord avec moi. Je me permets néanmoins cette critique. Comme je l'écrivais récemment à un lecteur de ce blog : « Si je ne voulais pas être critiqué, je n'aurais qu'à ne pas afficher publiquement mes opinions ».

Certains d'entre nous ont vu l'une des nombreuses publicités, ou un article dans un quotidien, concernant l'exposition « Le monde du corps 2 », présentée au Centre des Sciences de Montréal, du 10 mai au 16 septembre 2007. Grâce au procédé de plastination, ceux qui le désirent peuvent maintenant préserver indéfiniment leur corps, et même en faire étalage publiquement après leur mort. Dans le but de former une clientèle scientifique, des médecins par exemple, je conviens qu'il s'agit là d'une technologie tout à fait innovatrice et utile. Toutefois, pour ce qui est de l'usage prétendument éducateur et artistique qu'on nous propose, on peut repasser; je ne comprends pas que certains journalistes puissent crier au génie devant une exposition de cadavres. Je ne vois absolument rien de génial dans le fait d'exposer, dans des postures grotesques, des dépouilles humaines conservées artificiellement.

Dans les facultés de médecine, on exige le respect des corps donnés à la science par des personnes désireuses de contribuer à l'avancement du savoir. Où est le respect dans un tel étalage de chair humaine? Si la société de consommation a favorisé l'émergence d'un monde fondamentalement individualiste, voire égoïste, nous atteignons là un sommet dans le narcissisme pour les personnes qui s'exhibent ainsi après leur mort. Quant à celles qui paient pour voir ce spectacle macabre, il faut plutôt parler d'un phénomène apparenté au voyeurisme. En outre, il est carrément révoltant de voir certains s'enrichir en utilisant de tels procédés peu recommandables.

Nombrilisme chez les uns, voyeurisme ou âpreté au gain chez les autres; il est bien triste de voir ainsi les gens oublier la nature divine de l'être humain!

J'attends avec impatience vos commentaires... que vous soyez ou non d'accord avec moi.

mardi 8 mai 2007

L’utilisation de la peur dans les publicités de la SAAQ

Encore cette année, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) fait preuve d’un manque de discernement dans son choix de thème publicitaire. Devant un bilan routier qui se détériore, elle choisit d’utiliser la peur et la culpabilité pour induire un changement d’attitude chez les conducteurs fautifs. Le thème retenu en 2007 est « Un accident, ça frappe... ça frappe beaucoup de monde » et la mise en scène est dramatique pour ne pas dire carrément morbide. Vous pouvez visionner ces publicités sur le site Web de la SAAQ.

Or, depuis longtemps, des études démontrent que l’utilisation de la peur et de la culpabilité n’est pas sans danger. En fait, cette stratégie peut engendrer une réaction contraire à celle désirée (D. Cohen, Advertising, 1972, p. 418) : « Cependant, des études du processus de communication ont indiqué que là où les gens sont fortement anxieux, l’utilisation de la peur peut ne pas réussir, mais en fait avoir un effet boomerang, de sorte que l'individu fortement anxieux n'accepte pas le message. » Par ailleurs, les études de Janis et Feshbach (1961) et de Terwilliger (1963) ont démontré qu’un message faisant appel à la peur, utilisé pour des gens déjà anxieux, stimule les défenses de la personne et empêche le changement d’attitude souhaité. Ce phénomène est confirmé par des études récentes (K. E. Clow et D. Baack, Integrated Advertising, Promotion, & Marketing Communications, 2002, p. 308) : « D'autre part, une publicité avec un niveau élevé de crainte peut être nuisible. Un message trop fort cause des sentiments d’anxiété. Ceci mène des téléspectateurs à éviter de regarder la publicité, en changeant de canal ou en coupant le son. »

Il est surprenant de voir la SAAQ utiliser à nouveau ce type de publicité en 2007, puisque leur utilisation n’a pas réussi à améliorer le bilan routier; au contraire, s’il faut en croire l’étude de cet organisme, il se serait plutôt détérioré, démontrant ainsi la faible utilité du concept.

En plus du risque de voir ces publicités ne pas permettre à la SAAQ d’atteindre ses objectifs louables de réduire les accidents et les décès sur les routes, il faut également considérer un autre effet pervers : celui de traumatiser des personnes sensibles, aucunement visées par cette publicité.

Complètement à l’opposé, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a compris que la peur intense et les scènes choquantes sont inutiles, voire nuisibles. Si en 2002 la campagne « Ne laissez pas la mort faire son travail » faisait appel à des scènes vraiment macabres, celle de 2007, « Tout faire pour qu'il n'arrive rien », est au contraire très positive; on y illustre les bienfaits de la sécurité, en utilisant un niveau subtil de peur, qui suggère les dangers sans provoquer de réactions négatives.

Que pensez-vous des publicités de la SAAQ et de la CSST?

Croyez-vous que les publicités de la SAAQ soient trop choquantes? Trop macabres?

Êtes-vous d’accord avec l’utilisation de la peur et de la culpabilité dans les publicités d’organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux?

mardi 1 mai 2007

Kyoto et les attentes sociétales

La tempête médiatique entourant le protocole de Kyoto, qui fait suite à l’annonce d’un plan visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre par le ministre Baird, est une belle occasion pour moi de présenter la notion d’attentes sociétales.

Un nombre croissant de personnes semblent entourer leur consommation de préoccupations fondées sur des valeurs fondamentales d’équité sociale et de préservation de l’environnement. Par exemple, les statistiques d’Ipsos indiquent qu’entre 2000 et 2002, la proportion de Français ayant « entendu parler du commerce équitable » a presque quadruplé, pour atteindre 32 % (Plate-Forme pour le Commerce Équitable). En France, le commerce équitable connaît déjà une grande popularité, au point de retrouver de larges sections offrant ces produits dans les supermarchés Leclerc, Carrefour et Champion. On a vu ainsi apparaître le label « Fairtrade » de certification des produits équitables.

Véritables exigences du consommateur, les attentes sociétales touchent tous les secteurs et sont incontournables pour les entreprises : véhicule à faible consommation d’essence, à la fois pour réduire la pollution environnementale et pour préserver la ressource limitée qu’est le pétrole; réutilisation de matériaux recyclables, papier, verre, etc. Les attentes sociétales concernent également la récupération de matériaux dangereux, ceux par exemple de l’industrie informatique, dont les produits contiennent des métaux toxiques.

Le secteur des services est également touché; plusieurs intervenants touristiques ont des préoccupations de nature écologique (tourisme écologique) et sociale (développement touristique durable). On peut également mentionner la conservation du patrimoine, un enjeu majeur pour plusieurs urbanistes, architectes et autres personnes qui travaillent à tisser la toile urbaine.

Le dérapage fortement médiatisé entourant le protocole de Kyoto et la récupération politique qu’en font certains démontrent que les attentes, sociétales et autres, peuvent souvent être émotives plutôt que strictement rationnelles. Le plan déposé par le ministre Baird est rationnel; il propose une solution équilibrée entre les contraintes économiques et environnementales. Je suis certain que le gouvernement du Premier ministre Harper fera davantage lorsqu’il le POURRA. Les critiques elles sont plutôt d’ordre émotif et symbolique; Kyoto est devenu un symbole et un cheval de bataille pour les environnementalistes irréductibles. Ceci illustre particulièrement bien le fait que les enjeux sociétaux peuvent être liés à, voire eux-mêmes devenir, des attentes symboliques ou imaginaires.

Qu’en pensez-vous?

Le discours alarmiste de certains est-il plus émotif que rationnel?

Le protocole de Kyoto doit-il être un énoncé de principes qui doivent désormais guider les activités humaines ou bien un ensemble de normes environnementales contraignantes?

Êtes-vous personnellement satisfait du plan proposé la semaine dernière par le ministre Baird?

Quelles autres mesures concrètes et réalisables aimeriez-vous proposer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre?