mardi 12 février 2008

Au service de la classe moyenne

Dans les années 1970, l’arrivée de petites voitures japonaises, consommant peu de carburant et moins dispendieuses à l’achat, prend de court les grands constructeurs américains; ayant toujours produit de grosses voitures, ils semblent tout d’abord incapables d’en produire de petites d’une qualité similaire. Les premières tentatives sont malheureuses, par exemple celles de la Chevrolet Vega et la Pontiac Astre chez General Motors, qui connaît par la suite d’autres expériences sont plus heureuses : celles de la Chevrolet Chevette (Kadett en Europe) en 1975, un modèle conçu par la filiale européenne Opel, de la Pontiac Sunbird en 1976 et de la Chevrolet Cavalier quelques années plus tard; de cette lignée résulte la Cobalt que l’on connaît en 2007. Grâce à ses filiales européennes, Ford est dans une position un peu meilleure, mais connaît malgré tout des expériences malheureuses avec la Ford Pinto et la Mercury Bobcat. De cette lignée résulte cependant une voiture qui a beaucoup de succès, la Ford Escort, laquelle évolue à la Focus que l’on connaît en 2007. Dès la fin des années 1970, Ford développe et vend en Europe une excellente voiture sous-compacte, la Fiesta; aujourd’hui, celle-ci est maintenant fabriquée dans plusieurs pays et vendue dans presque partout dans le monde, sauf en Amérique du Nord.

Chrysler bénéficie également de l’expertise de Simca, une entreprise européenne acquise en 1958, revendue ensuite à Peugeot-Citroën en 1978; un modèle Simca permet le développement de la Dodge Omni et la Plymouth Horizon, deux voitures qui connaissent un certain succès, ce qui n’empêche pas Chrysler de s’embourber dans de graves difficultés financières qui nécessiteront un prêt de 1,5 $ US milliard, garanti par le trésor américain, accordé par le président Jimmy Carter en 1980. À cette époque, Lee A. Iaccoca, plus visionnaire que les dirigeants des entreprises concurrentes, favorise le développement d’une plate-forme de voiture compacte peu dispendieuse et fiable, le K-Car; celle-ci avait été rejetée par Ford alors qu’Iaccoca dirigeait la destinée de cette entreprise, avant son arrivée chez Chrysler en 1979. Comme les deux Henri, Ford et Citroën, avant lui, il est persuadé que le succès passe par la démocratisation du produit, le fait de rendre celui-ci accessible au plus grand nombre. C’est ce principe qui a assuré le succès de la Volkswagen Coccinelle, de la Citroën 2CV, de la Renault 5, de l’Austin mini dans sa version d’origine et plus tard, de la Toyota Tercel et de la Honda Civic. Le succès des deux premières voitures «K», la Dodge Aries et la Plymouth Reliant, malgré leur apparence quelconque, permettent à Chrysler de s’extirper du gouffre financier et même de rembourser par anticipation le prêt fédéral.

Toute la leçon est là : une entreprise dont la vocation première a toujours été de servir la classe moyenne doit continuer de le faire malgré les obstacles qu’elle peut rencontrer. D’abandonner ce marché et de cibler plutôt un marché de haut de gamme avec des produits de luxe, dans l’espoir de compenser les ventes perdues et d’augmenter les profits, est une quête chimérique, un exercice voué à l’échec; on ne s’improvise pas marchand de luxe.

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