Devant la montée du luxe, flairant la bonne affaire, ce sont les Chinois qui s’apprêtent à servir aux Japonais la leçon qu’ils ont eux-mêmes donnée aux Américains dans les années 1980. Dans un article publié le lundi 13 août 2007, Éric Lefrançois nous apprend que les constructeurs chinois ont produit plus de 6 millions de véhicules en 2006 avec lesquels ils comptent bien pénétrer de nouveaux marchés; certains modèles se vendent aux alentours de 10 000 $ CAN. Comble de malheur, pour les fabricants américains, japonais et coréens, il semble qu’un nombre important de Canadiens leur réservent un accueil enthousiaste : «Histoire de mettre la table, un sondage récent nous apprend que le quart des Canadiens serait intéressé à acheter une voiture chinoise pour 10 000 $ CAN. Voilà qui doit rassurer Chrysler qui s’apprête à commercialiser sur nos terres la première sous-compacte Made in China » (É. Lefrançois, « La question à 10 000 $ », La Presse, le 13 août 2007, cahier L’auto, p. 3).
Plusieurs constructeurs nord-américains, japonais et coréens produisent déjà des voitures de cette catégorie (Note de l’auteur : ma liste de modèles et de constructeurs ne prétend pas être exhaustive. Je m’excuse à l’avance auprès du ou des fabricants concernés, si j’ai omis de mentionner une marque ou un modèle. Mon énumération et une hypothétique omission ne doivent pas être interprétées comme un jugement, positif ou négatif, quant à une marque ou un modèle). Dans une gamme de prix assez étroite, variant de 12 995 $ CAN à 14 980 $ CAN, on retrouve entre autres en 2008, par ordre alphabétique de constructeur : la Chevrolet Aveo, la Honda Fit, la Hyundai Accent, la Kia Rio, la Nissan Versa, la Pontiac Wave, la Suzuki Swift+ et la Toyota Yaris (Note de l’auteur : la fourchette de prix pour le Québec a été obtenue en consultant le site Web canadien des constructeurs respectifs, le 4 mars 2008). Chrysler, Ford et Mazda ne commercialisent pas de sous-compacte au Canada en 2008.
Je suis surpris de constater que cette gamme de prix n’a pas du tout changé depuis le 13 août 2007, date à laquelle j’avais également répertorié le prix des différents véhicules; pourtant, depuis l’automne 2007, l’actualité fait abondamment mention de la nécessité d’ajuster le prix canadien des véhicules, compte tenu de la hausse de la devise canadienne. Dans le cas de la Hyundai Accent, pour la période du 1er au 31 mars 2008, le constructeur annonce un rabais promotionnel de 3 600 $ CAN qui abaisse le prix du véhicule à 9 995 $ CAN (la promotion ainsi que toutes les conditions et restrictions se retrouvent sur le site Web de Hyundai Canada).
Compte tenu de la gamme de prix mentionnée, pour un véhicule de base sans aucune option, on peut comprendre l’inquiétude de certains fabricants en apprenant non seulement que « la future A1 du constructeur chinois Chery », qui sera distribuée par Chrysler plus tard en 2008, se détaillera 10 000 $ CAN., mais qu’en plus « 43 % des répondants [du sondage] disent qu’ils sont susceptibles ou certains de se procurer un véhicule venu de l’empire du Milieu » (É. Lefrançois, « La question à 10 000 $ », La Presse, le 13 août 2007, cahier L’auto, p. 3). Le succès de la Renault Logan, une voiture vendue à 7 000 €, est une autre indication du désir du consommateur de pouvoir acheter un véhicule bon marché : « Il s’écoule en moyenne 2000 Logan par mois en France. Bien au-delà des prévisions les plus optimistes » (É. Lefrançois, « La bonne idée de Loulou », La Presse, le 2 avril 2007, cahier L’auto, p. 3).
Je m’étonne de constater que beaucoup d’entreprises n’apprennent pas des leçons du passé et tombent l’une après l’autre dans le même piège, celui de la montée en gamme, de l’inflation, de la taille et des caractéristiques, et des hausses de prix.
De toute évidence, il existe des limites à la création de besoins, surtout chez la classe moyenne; les producteurs et les vendeurs ne peuvent pas toujours susciter de nouvelles attentes de luxe, même pour un produit comme l’automobile, étroitement lié à l’image de soi (voir « Consommation et image de soi, Dis-moi ce que tu achètes… »). Dans plusieurs segments de marché, la raison l’emporte désormais sur la passion; même dans le marché québécois du secteur de l’automobile, historiquement friand de « gros chars », l’endettement, le prix du carburant et les considérations écologiques finiront par avoir raison du luxe et du gigantisme.
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