samedi 30 janvier 2010

Les ravages du capitalisme financier

La consommation, la technologie et la finance sont intimement liées; excédé par les dérives dont je suis témoin quotidiennement dans le monde de la finance, j’entreprends aujourd’hui une série de chroniques portant sur les ravages du capitalisme financier.

Le développement technologique, moteur de la consommation, est lié au financement disponible, en particulier depuis la révolution industrielle du 19e siècle; cependant, ceci n’a pas toujours été. Dans le livre « Consommation et nouvelles technologies — Au monde de l’hyper », publié en novembre 2009, j’écris : « Le capitalisme et le développement technologique peuvent exister l’un sans l’autre : “Le capitalisme a existé dans d’autres civilisations dont le développement technique était relativement faible. La technique fit des progrès réguliers du Xe au XVe siècle sans avoir besoin de l’aiguillon particulier du capitalisme (Mumford, 1950).” Mais la nature du développement technologique actuel et la rapidité avec laquelle il se fait nécessitent une concentration de capitaux dont disposent seulement les États et les grands investisseurs (Ellul, 1990). » Une source de financement est donc nécessaire au progrès technologique; celle-ci peut être publique ou privée.

Cela dit, le tout à l’État du communisme a démontré ses limites; le capitalisme s’est ainsi avéré être la moins mauvaise forme d’organisation économique, même s’il a donné naissance à la société de consommation puis à celle d’hyperconsommation et qu’il est miné par la spéculation. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à Robert Rochefort : « La société de consommation est la moins mauvaise des formes de société testées jusqu’à présent (Rochefort, 1995). »

Par conséquent, comme je l’écrivais en 2007, dans l’ouvrage « Consommation et luxe – La voie de l’excès et de l’illusion » : « Il ne s’agit pas de critiquer le capitalisme ni le système boursier dans son ensemble. Ce mode de financement est nécessaire au fonctionnement et à la croissance des entreprises ». Je me contentais alors de dénoncer la cupidité de quelques grands investisseurs qui alimente un phénomène de spéculation. Deux années se sont écoulées et, si je crois toujours fermement dans le bien-fondé d’une forme de capitalisme, responsable, mon opinion du système boursier, elle, s’est encore détériorée, car, plus que jamais, la spéculation fait rage à Wall Street, Bay Street et sur toutes les places boursières.

La spéculation est un phénomène qui est inhérent à l’activité boursière, parce qu’elle prend racine dans les désirs humains de pouvoir, l’argent étant une forme de pouvoir. Extrêmement nuisible à nos sociétés, elle est responsable de la crise des hypothèques à risque (subprime), qui a pris naissance à l’été 2007 puis dégénéré en crise économique et boursière mondiale une année plus tard, et de la plupart de celles qui ont précédé. C’est elle qui est responsable de la mauvaise réputation que plusieurs ont faite au capitalisme : « Plus tard, et plus destructrices pour la réputation du capitalisme aux États-Unis, on a eu la spéculation immobilière visiblement aberrante en Floride, la montée de l’influence corporative et industrielle et, la plus importante, l’explosion du marché boursier de la fin des années 1920. Sont alors survenus le krach de 1929 qui a retenti à travers le monde puis, pendant dix longues années, la grande dépression (Galbraith, 2004). »

Plus près de nous, prenons pour exemple le courtage très fréquent (high-frequency trading), une pratique qui se répand actuellement à Wall Street : « Des ordinateurs puissants, certains hébergés tout juste à côté des machines de la bourse de New York, permettent aux négociants de transmettre des millions d’ordres à la vitesse de l'éclair et, selon ce que leurs détracteurs font valoir, de récolter des milliards aux dépens de tous les autres investisseurs. Ces systèmes sont si rapides qu'ils peuvent déjouer ou dépasser les autres investisseurs, les humains comme les ordinateurs. Et après s’être développés dans l'ombre pendant des années, ils défraient maintenant la chronique. Presque tout le monde à Wall Street se demande comment les fonds spéculatifs (hedge funds) et les grandes banques telles Goldman Sachs font autant d'argent aussi rapidement après que le système financier se soit presque effondré. Le courtage très fréquent (high-frequency trading) est une explication (Stock Traders Find Speed Pays, in Milliseconds). »

Ainsi, il est probable qu’une grande partie des gains réalisés sur les parquets boursiers en 2009 ne soient attribuables qu’à la spéculation et à la manipulation des marchés. Ces pratiques ne créent aucune valeur tangible, seulement une valeur hypothétique fondée sur un futur imaginaire, d’où la création de bulles spéculatives, technologiques, immobilières ou autres; celles-ci éclatent inévitablement tôt ou tard, entraînant le cortège habituel de problèmes économiques et sociaux. Elles finiront par détruire nos économies et nos sociétés si on n’y met pas fin.

La spéculation et la manipulation des marchés, qui ont repris de plus belle après la crise boursière de l’automne 2008, mèneront inévitablement à une autre crise encore plus grave, dont les économies occidentales ne se remettront peut-être pas, si les États n’exercent pas un contrôle plus étroit sur ces pratiques.

Dans ma prochaine chronique, je parlerai de la naissance et de l’évolution du capitalisme et de la bourse, et comparerai deux formes d’investissements dans une entreprise de haute technologie.

1 commentaire:

Cyril Delacour a dit...

Bonjour,
il me semble que le capitalisme financier est une évolution du système économique dominant qui porta l'Occident grâce à l'esclavagisme et au colonialisme; cette civilasation qui se veut maintenant mondialisation en imposant son modèle économique avec la propagande consumériste est basée sur l'exploitation des ressources naturelles et humaines mais non sur la démocratie. L'industrie productiviste et sa doctrine libérale conditionne le monde que nous connaissons et propose de s'approprier une part de la création de richesses (dans un monde limité nous pouvons uniquement parler de transformation et/ou d'exploitation) alors que le partage des richesses n'a jamais été aussi peu équitable. Ainsi je pense que l'origine de la souffrance engendrée par notre système est la notion de propriété qui ne fait que donner le droit aux plus forts (les riches). Cette injustice fondamentale qui se voudrait nouvel ordre mondial provoque une insurrection des consciences exprimée par l'opinion publique que le pouvoir en place essaye de prendre de vitesse afin de conserver cette structure de société fondée autour de la notion de propriété privée mais sans aucune éthique. C'est le déclin d'une civilisation matérialiste qui je l'espère laissera l'avenir à des valeurs plus spirituelles tout en étant laïques.