dimanche 1 novembre 2009

La nature compensatoire de la consommation

Voici quelques extraits du livre « Consommation et image de soi, Dis-moi ce que tu achètes… » que j’ai publié en 2005 (pages 108 à 110). J’y démontre la nature compensatoire de la consommation pour certaines personnes.

Prolongeant la réflexion sur le rapport entre l’image d’un produit et l’image de soi, je voudrais démontrer le rôle compensatoire que peut jouer la consommation pour des personnes dont l’image de soi est négative, établie par leur faible estime de soi. Je propose d’appeler « inadéquation compensatoire » la relation entre l’image positive d’un produit et l’image de soi négative d’une personne qui achète pourtant le produit malgré l’inadéquation entre les deux images.

Ma démonstration touche six types de produits (biens ou services) : les parfums, les produits de luxe (croisières, hôtels réputés, vêtements griffés, etc.), les objets d’art, les sorties au restaurant, les cosmétiques et les vêtements. Afin d’établir cette inadéquation compensatoire, il est indispensable de démontrer que l’image de ces produits est positive, ce que confirment trois faits.

Premièrement, ceux qui mentionnent ces produits les jugent représentatifs d’eux-mêmes; qualifier de représentatifs des produits dont l’image est négative irait à l’encontre du principe de valorisation de l’image de soi. Deuxièmement, les principaux symbolismes liés à ces produits sont tous positifs. Troisièmement, la consommation de ces produits engendre des émotions positives, par exemple le sentiment de bien-être évoqué par toutes les personnes interviewées. Par ailleurs, l’image de soi des personnes en question est négative, comme le démontre leur faible estime de soi.

Par conséquent, selon Sirgy, la relation entre l’image (positive) de ces produits et l’image de soi (négative) de ces personnes est un exemple d’inadéquation positive. Il devrait en résulter que les unes n’achètent pas les autres puisque l’inadéquation entre leurs images respectives engendre un conflit. Tel n’est pourtant pas le cas, tout au contraire, car ces personnes achètent bel et bien ces produits. Je vois dans ce phénomène une forme de compensation; par leur consommation, ces personnes veulent exprimer quelque chose de positif au sujet de leur image, projeter une idée plus positive d’elles-mêmes. Cet exemple montre donc des relations d’inadéquation compensatoire.

Cette affirmation est étayée par l’existence de différences importantes entre les personnes dont l’estime de soi est faible ou très faible et celles dont l’estime de soi est forte ou très forte. Ainsi, une analyse du niveau de consommation révèle que 60% des personnes dont l’estime de soi est très faible considèrent qu’elles consomment plus que la plupart des gens; cette proportion est de seulement 24% pour celles dont l’estime de soi est très forte. Des écarts importants existent également au chapitre du caractère représentatif des produits. Ainsi, 80% des personnes dont l’estime de soi est très faible mentionnent les parfums comme des produits représentatifs d’elles-mêmes contre 38,5% de celles dont l’estime de soi est très forte; cette différence se maintient pour la catégorie des produits de luxe (66,7% contre 38,3%), pour les objets d’art (60% contre 7,7%), pour les sorties au restaurant (40% contre 21,3 %) et pour les cosmétiques (71,4% contre 28,6%).

Ces résultats démontrent sans équivoque que la consommation dans son ensemble, en particulier celle des produits mentionnés, est beaucoup plus importante pour les personnes dont l’estime de soi est faible; dans leur cas, la consommation est, me semble-t-il, une forme de compensation.

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