Ce matin, un fidèle lecteur des chroniques de mon blog m’a reproché, avec raison, l’absence de chroniques ces derniers temps; plutôt que d’expliquer pourquoi il en est ainsi, je vais réparer ce manque en publiant quelques extraits du chapitre « L’image de marque des grandes villes : Montréal dans le monde » de l’ouvrage collectif Montréal, aujourd’hui et demain, réalisé sous la direction de Pierre Delorme; ce livre sera publié le 28 avril aux éditions Liber.
L’image de marque d’une organisation, fût-elle une entreprise multinationale, une petite entreprise, une université, une région, un pays, est d’une importance capitale. Pour une ville comme Montréal, cette image exerce une influence déterminante sur plusieurs plans, par exemple, dans le choix d’une destination touristique, d’un lieu de résidence ou de l’implantation d’un commerce, d’une filiale ou d’une usine.
Philip Kotler, une sommité dans le domaine du marketing, la caractérise ainsi : «L’ensemble des croyances, des idées et des opinions qu’on se fait d’un objet. Les attitudes et les actions à l’égard d’un objet sont fortement conditionnées par l’image de cet objet » (P. Kotler, Marketing Management, Upper Saddle River, Prentice Hall, 2000, p. 553). Cette définition met déjà en évidence deux éléments fondamentaux de l’image. En premier lieu, le fait que l’image d’un objet est fonction des perceptions plutôt que d’une réalité parfaitement objective. En deuxième lieu, le fait que la perception d’un objet exerce une influence considérable sur les sentiments et les comportements à son endroit.
L’image de Montréal n’est pas mauvaise; à preuve, elle se positionne au 13e rang du classement général de 2006 de l’Anholt City Brands Index. Elle n’est cependant pas très excitante, malgré ce qu’en dit la publicité ; considérons le Guide touristique officiel 2007-2008. Sur la page couverture on trouve le nom «Montréal», dans lequel le « o » a été remplacé par des lèvres pulpeuses d’un rouge vif. Au-dessus de ce graphisme, on lit « à la »; ce slogan, « à la Montréal », se veut un clin d’oeil à une expression bien connue dans le monde culinaire, par exemple « ratatouille à la provençale », « canard à la rouennaise ».
D’inspiration française, cet « à la » vient également appuyer le statut, revendiqué par certains, de « deuxième ville francophone après Paris », une prétention qui, comme nous l’avons vu, ne fait pas partie de l’image actuelle de Montréal à l’échelle internationale [selon l’Anholt City Brands Index].
Cette « signature », ce logo en quelque sorte, vise aussi à différencier Montréal. D’une part, on laisse supposer que les activités que l’on y propose sont « à la manière », sous-entendu « exclusive », de Montréal. D’autre part, on fait explicitement référence à la sensualité en utilisant un symbole très évocateur. À l’occasion d’une rencontre, de hauts dirigeants de Tourisme Montréal nous ont confié que cette « marque de commerce » avait pour but d’évoquer la passion qui anime Montréal.
Par exemple, à la page 4 du guide, le casino de Montréal annonce : « Bienvenue au Casino… passionnément ». Nous voulons bien croire que ces messages publicitaires puissent attirer quelques touristes de Toronto ou de Boston en quête d’un week-end distrayant, encore que Montréal ne soit pas au nombre des dix premières villes les plus accueillantes, les plus belles ou les plus excitantes. Même en supposant qu’elles soient efficaces, ces communications sont insuffisantes pour construire une image de marque permettant à Montréal de se distinguer; ces messages ne sont destinés qu’à vendre des produits, hôtels, bars, restaurants, spectacles et autres activités touristiques. La construction de l’image requiert bien plus. Les décisions politiques et administratives ont un impact important sur l’image d’une ville. Or des décisions prises ces dix dernières années vont à l’encontre du développement d’une image internationale pour Montréal.
Par exemple, ce qui aurait pu être un élément stratégique fondamental sur lequel construire une nouvelle image pour Montréal est sans conteste le projet « une île, une ville », une idée originale du maire Jean Drapeau dans les années 1960, reprise et défendue par le maire Pierre Bourque dans les années 1990, puis concrétisée par les fusions municipales de 2002. Malheureusement, en 2004, à la suite d’une promesse électorale opportuniste, des référendums ont mené à la transformation de Montréal en un espace balkanisé de petits fiefs. Sans compter les municipalités défusionnées, donc autonomes, dont certaines s’apparentent davantage à des villages, les arrondissements de Montréal sont désormais eux aussi gérés comme autant de villes autonomes par autant de petits seigneurs préservant jalousement leurs pouvoirs, les maires d’arrondissement.
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