samedi 27 décembre 2008

La consommation responsable

Hier, lors de mon passage à l’émission RDI en direct week-end, un des thèmes abordés est celui de « consommation responsable ». Notons tout d’abord que je privilégie l’expression « consommation réfléchie », justement parce que ce type de comportement vis-à-vis de l’achat suppose une réflexion de la part du consommateur.

La consommation est une activité agréable, voire hédoniste, une source de plaisirs de toutes sortes : plaisirs des sens, construction d’une image de soi flatteuse et satisfaction des envies, pour ne mentionner que ceux-ci. Chaque jour, nous sommes inlassablement sollicités par des messages publicitaires ou promotionnels dans les journaux, à la télévision, à la radio, sur internet et j’en passe.

Être un consommateur réfléchi, ce n’est ni cesser d’acheter, ni devenir adepte de la simplicité volontaire. Être un consommateur réfléchi, c’est :

  • D’abord et avant tout savoir résister aux envies issues de la nature humaine qui fait que l’on désire toujours quelque chose, exacerbées par la publicité.
  • Ajouter un élément de rationalité dans des décisions qui sont par nature émotives.
  • Éviter les achats impulsifs.
  • S’abstenir de s’endetter pour satisfaire nos désirs et nos caprices.
  • Épargner pour acheter un bien qui nous fait envie lorsque les liquidités nous font défaut.
En somme, consommer de façon réfléchie, c’est cultiver la maîtrise de ses pulsions, une vertu que les parents doivent en principe enseigner à leurs enfants, tout comme de saines habitudes d’épargne d’ailleurs. Manifestement, ou bien plusieurs ont manqué à ce devoir, ou bien ces enseignements ont été relégués aux oubliettes.

mercredi 24 décembre 2008

Le Boxing Day à RDI en direct week-end

Le matin du 26 décembre, de 8h30 à 10h30, je serai l’invité de l’animateur Louis Lemieux à l’émission RDI en direct week-end. L’émission est également diffusée sur internet, en direct ou en différé.

mardi 16 décembre 2008

Québécois : Consommez moins et donnez davantage!

Le 18 décembre 2007, j’écrivais dans une chronique au sujet des dons de charité effectués en 2006 par les Québécois : « Or, les plus récentes statistiques publiées ce matin par l’Institut Fraser démontrent que les Québécois sont parmi ceux qui sont les moins généreux envers les plus démunis. »

Aujourd’hui, je dois malheureusement faire un constat similaire pour l’année 2007. Des données de Statistiques Canada démontrent que, des tous les citoyens des 13 provinces et territoires canadiens, les Québécois ont encore une fois le triste privilège d’être bons derniers à ce chapitre.

La journaliste Catherine Hanfield, a d’ailleurs récemment publié un article sur ce sujet dans le quotidien La Presse. Plusieurs intervenants qu’elle a interrogés tentent tant bien que mal de relativiser cette piètre performance; je m’incline devant sa rigueur journalistique, mais refuse d’entériner les tristes excuses que formulent ces experts pour expliquer le manque de générosité des Québécois.

Avec un don médian de 130 $, les Québécois font piètre figure, quant on pense que ce montant représente à peu près 50 % du don médian des personnes du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest où le revenu moyen est assurément moins élevé qu’au Québec. Une seule raison de se réjouir : de 2006 à 2007, le total des dons de charité a augmenté de 4,5 %.

Les Québécois seraient-ils radins, une tare héritée de Séraphin Poudrier? Si on exclut les personnes dites pauvres, tout le monde est capable, sans se priver, de donner 1 % de son revenu brut. Si on en croît certains experts, les Québécois entendent dépenser autant qu’en 2007 pendant la période des Fêtes. Vous savez que je suis sceptique quant à ces prédictions, mais, qu’elles s’avèrent vrai ou non, je me permets de dire ceci : « Consommez moins et donnez davantage! »

Par conséquent, ayant le privilège de me compter au nombre des « Amis de Louis », c’est avec empressement que j’incite mes concitoyens à visiter cette page Web du magazine L’Itinéraire et à faire preuve de générosité.

mardi 9 décembre 2008

Le produit intérieur brut et la consommation

Dans ma chronique du 2 décembre, La crise économique et le consommateur, je dis que le consommateur québécois manifeste, pour l’instant, une sorte de déni à l’égard de la crise économique. Ce phénomène s’explique facilement si on considère que l’économie du Québec est beaucoup moins liée au secteur automobile que ne l’est notre voisine, l’Ontario.
Les mises à pied massives liées au ralentissement de l’industrie automobile n’ont pas eu lieu au Québec. Cela dit, le Québec n’est pas immunisé contre la récession économique qui frappe à l’échelle mondiale et des mises à pied importantes auront probablement lieu parce que les achats de nos partenaires internationaux vont immanquablement diminuer.
Certains se réjouissent de voir le consommateur québécois continuer à dépenser contre vents et marées; je ne suis pas de ceux-là. Bien sûr, à très court terme, les ventes au détail pourront stimuler l’activité économique et garnir les coffres des détaillants, mais c’est faire preuve d’un manque de vision de s’en réjouir, car le choc qui s’ensuivra n’en sera que plus important.
D’une part, si le consommateur québécois ne réduit pas tout de suite sa consommation, comme celui des autres provinces canadiennes et des états du pays voisin, c’est qu’il continue à ne pas épargner, voire à s’endetter encore davantage; dans les deux cas, les conséquences sont désastreuses et on assistera tôt ou tard à un ralentissement de la consommation. Plus ce ralentissement se fera tardivement, plus il sera brutal.
D’autre part, les économies des pays industrialisés sont beaucoup trop dépendantes de la consommation : « Déjà depuis plusieurs années, le moteur même de la croissance économique américaine n’était déjà plus la production, mais bien la consommation. En d’autres termes, déjà en 2001 et encore plus depuis, la croissance économique des Américains (et dans une moindre mesure des Canadiens) carburait à la consommation. De 59 % du produit intérieur brut qu’elle représentait au début des années 80, la consommation des ménages américains est passée à 71% en 2007 (62% au Canada) » (J. Nantel, « Dans l’œil du cyclone », La Presse, 3 octobre 2008, p. A21).
Il est aisé de comprendre pourquoi une économie fondée davantage sur la production est préférable. L’impact de la vente de simulateurs à une entreprise étrangère par CAE, d’un train à grande vitesse à un gouvernement étranger par Bombardier Transport, d’avions à une compagnie aérienne étrangère par Bombardier Aéronautique, de composantes d’aluminium à un fabricant étranger par Rio Tinto Alcan ou d’un contrat de construction à un gouvernement étranger par SNC-Lavalin a un effet beaucoup plus positif sur l’économie canadienne et québécoise que les ventes au détail à des consommateurs d’ici; ces activités économiques créent de la richesse chez nous en plus de faire entrer des devises.
Le contexte actuel est donc particulièrement favorable pour le Québec, car la plupart des pays industrialisés initient d’ambitieux programmes de développement des infrastructures; comme je viens de le démontrer, plusieurs de nos entreprises sont admirablement bien positionnées pour satisfaire cette demande au Québec, ailleurs au Canada ou à l’étranger.
Certains me diront qu’en préconisant un ralentissement de la consommation je veux mettre le Québec en récession. Bien au contraire, je veux éviter au Québec un choc encore pire en réduisant dès maintenant notre consommation pour éviter de l’arrêter brutalement en 2009. Nous devons consommer de façon plus réfléchie, faire en sorte que notre économie repose moins sur la consommation et davantage sur la production!

mardi 2 décembre 2008

La crise économique et le consommateur

Un peu partout sur la planète, une vaste majorité de personnes ont réduit leurs dépenses de consommation discrétionnaire, tant en ce qui a trait aux produits de consommation courante, tels les vêtements, que pour les achats plus importants tels les appareils électroménagers, un véhicule ou une maison. Comme le rapporte un article du Washington Post, c’est ce qui fait dire à l’économiste Peter Morici de l’Université du Maryland que « Ce que les consommateurs ne dépensent pas en essence, ils ne l’utilisent pas dans un centre commercial ».

On aurait pu en effet croire que la réduction importante du prix des carburants aurait pu se traduire par une réallocation des sommes ainsi épargnées en dépenses de consommation discrétionnaire. Cependant, rappelons-nous que l’augmentation démesurée du prix des carburants a obligé plusieurs consommateurs à couper dans des dépenses courantes, la nourriture par exemple; il est vraisemblable que l’argent qu’ils épargnent maintenant sur les carburants soit d’abord alloué à une forme de récupération pour des dépenses essentielles avant de servir à la consommation discrétionnaire.

Dans la plupart des régions du Canada et des États-Unis, la consommation est en panne. Ainsi, un mini sondage quotidien réalisé par le Globe and Mail dans la dernière semaine de novembre révèle que les gens prévoient réduire leurs dépenses de Noël. Bien que l’échantillon n’ait pas été sélectionné selon les règles de l’art, l’étude compte quand même 13 160 personnes. Parmi celles-ci, 68 % prévoient réduire leurs dépenses; ce résultat corrobore ce que l’on peut actuellement observer dans les magasins.

Aux États-Unis, le « Black Friday », jour où les détaillants passent traditionnellement des pertes (en rouge) aux profits (en noir), a été décevant. Un article du Washington Post rapporte que les consommateurs ne vont au magasin que pour acheter les articles en grande solde.

Les choses seraient PEUT-ÊTRE différentes au Québec… POUR L’INSTANT. En effet, si l’on en croît un sondage dévoilé le 12 novembre, réalisé par Altus Géocom pour le compte du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), 64 % des Québécois affirment qu’ils dépenseront autant « que l’an dernier pour leurs achats du temps des Fêtes »; 7 % de nos concitoyens ont même l’intention de dépenser davantage. Pour ma part, la BONNE nouvelle dans tout ça c’est que ces pourcentages sont tout de même en diminution par rapport à 2007 alors qu’ils étaient respectivement de 69 % et 12 %. Il n’y aurait 29 % d’entre nous, quand même 10 % de plus qu’en 2007, à vouloir réduire leur consommation du temps des Fêtes; je fais partie de ceux-là.

Ce déni d’un grand nombre de Québécois devant la crise m’a été confirmé lors de mon passage à l’émission Christiane Charrette le 25 novembre. J’étais sidéré d’entendre des auditeurs affirmer que la crise économique et financière était amplifiée par les médias pour « faire peur aux gens ». Je me demandais sur quelle planète j’étais. Si les personnes qui ont téléphoné sont représentatives de la population québécoise, ceci pourrait expliquer, en partie du moins, les résultats du sondage du CQCD.

Ces réactions sont plutôt surprenantes, quand on considère ce qui se passe ailleurs au Canada et aux États-Unis.

mardi 25 novembre 2008

L’éclatement de la bulle de consommation

Cette chronique fait suite à mon passage à deux émissions radiodiffusées ce mardi 25 novembre 2008 :

La montée du luxe entraîne des excès tant du côté du consommateur que de celui du producteur. C’est le thème central de l’ouvrage Consommation et luxe publié en novembre 2007. L’analyse que j’y fais des comportements excessifs des acheteurs et des marchands dans leur quête incessante du luxe permet de comprendre que ceux-ci sont en fait en partie responsables de la crise économique et financière qui a débuté à l’été 2007.

Différentes bulles se sont développées au fil des décennies et elles ont toutes finalement éclaté : technologique, immobilière, boursière… nous devons maintenant parler d’une bulle de consommation.

L’hyperconsommation, un phénomène qui a commencé à la fin du siècle dernier, se caractérise sur trois aspects :

  • une consommation davantage axée sur le plaisir que sur le désir de paraître,
  • une augmentation de la quantité de biens et services achetés,
  • une surenchère du luxe, une « luxurisation » en quelque sorte, dans l’offre de biens et services.

Cette montée du luxe s’explique facilement en considérant les motivations et les comportements du consommateur et du producteur.

Du côté du consommateur, il faut savoir que la consommation elle-même est inflationniste, non pas au sens économique du terme, mais au sens d’une augmentation perpétuelle des achats, jour après jour, année après année. Maslow l’a très bien dit : « L’être humain désire toujours quelque chose ».

Le luxe ne fait qu’exacerber cette pulsion : L’être humain désire toujours quelque chose… de mieux. Ceci se traduit par une inflation des caractéristiques des biens et services. Prenons par exemple une voiture : si je viens d’acheter une voiture avec des vitres électriques, un accessoire absent sur celle que je possédais précédemment, cette caractéristique est pour moi une forme de luxe. Par contre, l’effet luxe est éphémère; lors de l’achat de ma prochaine voiture, les vitres électriques seront devenues mon « ordinaire » et je devrai ajouter un autre accessoire ou changer de gamme pour satisfaire mon goût de luxe.

Si le consommateur veut acheter des biens et services de luxe, le producteur lui est tenté d’en vendre, car la marge de profit est beaucoup plus importante sur ces derniers que sur ceux de mi ou de bas de gamme. Par ailleurs, les exigences d’investisseurs toujours plus avides de profits obligent plusieurs entreprises à s’engager dans cette voie.

C’est une voie illusoire comme le constatent maintenant les principaux constructeurs de l’industrie automobile nord-américaine qui ont historiquement construit leurs empires respectifs en vendant des produits abordables à la classe moyenne. Dans cette industrie, un artifice financier, la location, a permis, pendant un certain temps, de faire consommer des véhicules de haut de gamme à des personnes dont le niveau de revenu est insuffisant à l’achat de ce type de bien. Ce modèle d’affaires était voué à l’échec.

La conjoncture économique et financière favorise l’éclatement de la bulle de consommation. Ayant subi des pertes financières, peut-être perdu son emploi, dépourvu d’épargnes, n’ayant plus accès à un crédit facile et voyant disparaître des modes de paiement favorisant l’achat de biens de luxe, telle la location, le consommateur doit freiner sa consommation.

Ceci est vrai dans toutes les classes sociales. La différence entre les plus riches et les plus pauvres tient au fait que les seconds sont encore plus démunis au point que certains ne peuvent même plus acheter le minimum nécessaire.

Comment s’orientera la consommation des prochains mois et des années qui viennent? C’est une question à laquelle je répondrai dans mes prochaines chroniques.

lundi 13 octobre 2008

Liste nationale de numéros de télécommunication exclus

Si, comme bon nombre de personnes, vous êtes exaspéré par les appels de télémarketing non sollicités, une solution s’offre désormais à vous. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a mis sur pied une liste nationale de numéros de télécommunication exclus (LNNTE).

Depuis le 30 septembre, vous pouvez y inscrire tous vos numéros de téléphone d’appareil cellulaire, de résidence, de télécopieur ou du service VoIP directement sur le site Web de la LNNTE. Votre inscription est valide pour trois ans, après quoi vous devrez vous réinscrire.

vendredi 10 octobre 2008

La publicité sexiste

Hier, jeudi 9 octobre, j’ai eu le plaisir d’intervenir à l’émission Maisonneuve en direct ; le thème de l’émission était Guerre à la publicité sexiste.

Voici ma définition de ce type de communication :

« La publicité sexiste, c’est l’utilisation d’images ou de messages comportant des connotations de nature sexuelle inappropriées par leur forme ou leur contenu, ou encore pour le produit annoncé. »

Il est important de distinguer deux formes principales de connotations sexuelles : certaines évoquent une certaine sensualité d’autres carrément l’érotisme. Je m’explique.

En 1963, l’agence Publicis à Paris a conçu une publicité pour le fabricant de soutiens-gorge Rosy; intitulée « La femme à la rose », sa sensualité élégante et son classicisme l’ont fait passer aux annales du monde publicitaire. Voici comment Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis, la décrit : « Une femme nue, mais les bras sur la poitrine — on ne voit même pas la naissance de la gorge — et tenant dans le creux de son coude une rose épanouie » (M. Bleustein-Blanchet, La rage de convaincre, Paris, Robert Laffont, 1970, p. 286-287).

Je considère cette publicité tout à fait appropriée pour vendre un soutien-gorge; mon opinion serait différente si elle visait à vendre une voiture. Par ailleurs, plutôt que d’exploiter un érotisme vulgaire, elle présente au contraire un idéal de beauté et de sensualité.

Comme je l’écris dans Consommation et image de soi, Dis-moi ce que tu achètes…,

« c’est tout le contraire des publicités érotiques, voire lascives, utilisées par certaines entreprises. Il me semble que, si une entreprise a si peu à dire de positif sur ces produits qu’elle doit avoir recours à ce genre d’attrait pour les vendre, elle devrait soit recruter de meilleurs communicateurs, soit concevoir de nouveaux produits. »

Interrogé par Monsieur Maisonneuve quant à mon opinion des efforts de la Coalition nationale contre les publicités sexistes, j’ai répondu que je n’étais pas trop en faveur des chasses aux sorcières. Cette réponse ne doit d’aucune façon être interprétée comme un manque de sensibilité de ma part à l’égard de cette problématique; c’est tout simplement que je ne crois pas à l’efficacité de ces efforts.

Cette problématique est très ancienne et des efforts en ce sens ne datent pas d’hier… mais ils ont toujours été vains. Voyez-vous, le problème n’est pas de nature publicitaire, mais sociétale; ce sont les valeurs et les comportements de nos sociétés qui sont à revoir, la publicité n’étant que le reflet de ce que nous sommes devenus.

Comme professeur, je côtoie évidemment beaucoup de jeunes; j’ai parfois eu dans mes classes des jeunes filles dont la tenue aurait été plus appropriée dans l’intimité de leur chambre à coucher que dans un lieu public. Que dire également des fillettes même pas encore pubères que leurs parents laissent s’affubler de vêtements et d’accessoires qui les font ressembler à Britney Spears et Christina Aguilera?

Sur cette question, je vous suggère la lecture de l’article L’hypersexualisation : pas juste une mode. Je me rappelle également avoir lu un dossier sur ce sujet dans le quotidien La Presse, mais n’en retrouve pas la référence pour l’instant.

jeudi 2 octobre 2008

Consommation de produits financiers : prudence!

Je précise tout de suite que ce qui suit s’applique strictement à des placements boursiers; selon les experts, les banques canadiennes sont solides et les sommes investies dans des obligations, des comptes de banque, des certificats de placement garanti et d’autres outils analogues sont sans danger. Si vous n’êtes pas certain de la nature de vos investissements, consultez votre institution ou votre conseiller financier.

L’achat de produits financiers est une forme de consommation; aujourd'hui, compte tenu de l’évolution récente des marchés financiers j’ai voulu partager avec vous le fruit de mon expérience avec ces produits.

Malgré mes connaissances en économie, en finance et en investissement, je ne prétends nullement être un expert financier. Toutefois, ma carrière en entreprise m’a appris à exercer la plus grande prudence dans la gestion des sommes placées sous ma responsabilité. Mon principe de gouvernance a toujours été très simple : « Gérer les avoirs de mon employeur aussi prudemment, voire davantage, que s’ils étaient les miens. » Et je prends grand soin de nos avoirs.

Remontons un peu dans le temps. Déjà, à la fin août 2008, les bourses mondiales avaient connu un recul substantiel; ce signal et d’autres avant lui, était une invitation très claire à vendre les investissements boursiers sur lesquels un profit intéressant avait déjà été réalisé. Pourtant, la plupart des investisseurs, moi le premier, ont ignoré cet avertissement, anesthésiés par les gains importants réalisés, entre autres de 2004 jusqu’à la crise déclenchée par les hypothèques « subprime » à l’été 2007. Nous étions tous persuadés de la nature passagère de la crise et confiants dans une éventuelle reprise, à court sinon à moyen terme : c’était une erreur!

Pire encore, entre le 15 et le 29 septembre, un lundi aussi « noir » que le 19 octobre 1987, les marchés ont alterné entre des reculs et des gains; la plupart d’entre nous n’ont toujours pas envisagé de protéger nos arrières. Pourtant, les principes d’investissement les plus élémentaires conseillent de vendre un placement boursier après avoir engrangé un profit intéressant, que plusieurs fixent arbitrairement à 20-25 %.

Pendant cette période, je vous avoue cependant avoir suivi l’évolution des nos placements sur une base journalière et imaginé une stratégie de retrait permettant de protéger le capital investi à l’origine, plus un rendement annuel minimum net que j’ai alors fixé à 3 %. Notre conseiller financier, avec qui j’ai bien sûr discuté cette stratégie, m’en a d’ailleurs confirmé le bien-fondé, pour nous en tout cas.

Le vendredi 26 septembre, j’ai longuement hésité à mettre en œuvre ma stratégie… pour finalement décider d’attendre encore un peu; rassuré par les propos optimistes des dirigeants américains quant à l’approbation par le Congrès, puis par le Sénat, du plan de sauvetage proposé, j’avais encore une fois l’illusion que la reprise était imminente. Je trouvais également vraiment dommage de sacrifier les énormes profits réalisés… sur papier.

J’ai ensuite regretté cette décision tout le week-end; le dimanche, j’ai pris la décision que, quel que soit le vote du Congrès américain et quoi qu’il se passe sur les marchés financiers le lendemain, je liquidais tous nos investissements boursiers, en l’occurrence des fonds communs de placement plutôt conservateurs. C’est ce que j’ai fait.

Bien évidemment, avec la chute brutale des bourses, 840 points pour le S&P/TSF à Toronto et 777 points pour le Dow Jones à New York, notre portefeuille de placements a encore reculé de 5,2 % cette seule journée. Je suis persuadé que ce fut quand même la bonne décision.

Malgré l’énorme perte, virtuelle puisque nos gains n’étaient que sur papier, nous avons réussi à préserver le capital investi, l’objectif principal; l’analyse du rendement nous a par la suite révélé que nous avions même réalisé un gain annuel moyen de 6,2 % entre le 31 mars 2003 et le 29 septembre 2008.

Depuis la débâcle de lundi dernier, les marchés ont évolué à la hausse de façon substantielle mardi, puis faiblement à la baisse mercredi; le jeudi 2 octobre à 13 h 25, au moment où j’écris ces lignes, malgré que le Sénat américain ait approuvé un plan de sauvetage modifié, le S&P/TSF est en baisse de 665 points et le Dow Jones de 301 points.

Les marchés remonteront peut-être plus tard aujourd'hui, ou demain, et évolueront en dent scie pendant un temps que personne ne peut estimer pour l'instant. Ils pourraient même s'écrouler sans crier gare. Un contexte aussi volatile invite à la plus grande prudence, en particulier les petits investisseurs.

Je vous invite donc instamment à faire une analyse détaillée de vos placements en ce qui a trait à leur nature, leur rendement jusqu’à ce jour et au capital investi. Si, malgré toutes les pertes cumulées jusqu’à ce jour, vous avez réalisé un profit, peut-être est-il temps de l’encaisser? Si vous ne réalisez plus de profit, mais n’avez encore subi aucune perte, peut-être est-il temps de préserver au moins votre capital investi? Finalement, si vous avez subi des pertes, peut-être est-il temps de les limiter?

La plupart des conseillers financiers seront en désaccord avec moi et conseilleront plutôt de ne PAS vendre dans une période comme celle que nous vivons actuellement. Mais, c’est VOTRE argent, vous l’avez durement gagné; à vous de décider ce que vous voulez en faire.

Analysez votre portefeuille et les perspectives des marchés, évaluez votre tolérance au risque, consultez un conseiller financier prudent et expérimenté… puis prenez votre décision. Je n’ai fait que vous dire ce que MOI j’ai décidé.

Lisez également « Un record : les Canadiens ont retiré 4,6 G$ de leurs fonds communs ».

dimanche 28 septembre 2008

L’hyperconsommation et la crise financière mondiale

Depuis plusieurs années, je mets les gens en garde contre les méfaits de l’hyperconsommation; chez bien des personnes, la vie de tous les jours est centrée sur l’achat de biens et services de plus en plus luxueux, avant tout pour se faire plaisir, une satisfaction bien éphémère. L’évanescence du contentement que procure la consommation est d’ailleurs ce qui a permis à la consommation excessive de prendre naissance.

Aussitôt acheté, le nouvel objet s’intègre aux possessions existantes et le plaisir de le posséder s’estompe; très rapidement un nouveau désir fera surface, exacerbé par la publicité omniprésente. Abraham Maslow l’a bien dit : « L’être humain désire toujours quelque chose ». En outre, lorsqu’un nouvel objet est convoité, il est invariablement un peu plus luxueux que celui qu’il remplace, car les caractéristiques de ce dernier sont désormais acquises, elles ne procurent plus le plaisir attendu. C’est ce que j’appelle l’inflation de la consommation.

Pour alimenter ce flot intarissable de consommation, les gens doivent soit puiser dans leurs revenus ou leurs économies, soit s’endetter. Les gens très riches, ceux-là mêmes que la classe moyenne veut émuler, peuvent plus facilement satisfaire leurs envies sans s’endetter, et encore; le phénomène d’inflation de la consommation joue chez eux également.

Quant à la classe moyenne, principal moteur de la consommation et clientèle essentielle aux banques, une étude récente de Léger Marketing démontre qu’elle s’appauvrit, pire qu’elle s’endette de plus en plus. Dans un rapport de Statistique Canada du 15 septembre 2008, on peut lire : « Pour chaque dollar de valeur nette, les ménages avaient une dette de 19,6 cents et, pour chaque dollar de revenu personnel disponible, ils avaient une dette de 1,25 $. » Et la situation est pire aux États-Unis. C’est justement ce qui a provoqué la crise financière mondiale que nous vivons actuellement.

Afin d’alimenter leur soif de consommation, les gens ont emprunté sur la plus value de leur résidence, à des taux d’intérêt souvent excessifs et sans que le prêteur vérifie la capacité de rembourser de l’emprunteur. On comprend aisément que l’équilibre budgétaire est alors fragile; il peut être compromis par le moindre pépin, maladie, perte d’emploi, etc., provoquant une diminution même légère du flot de revenus, ou par l’inflation du prix d’une denrée essentielle, l’essence par exemple. C’est ce qui s’est produit aux États-Unis.

En 2007, bien des personnes ont été incapables de faire face aux obligations financières, en particulier au remboursement des emprunts immobiliers contractés, les tristement célèbres hypothèques « subprime », ou à risque. Ce défaut de paiement, multiplié à des millions d’exemplaires, a mis à mal plusieurs institutions financières américaines. Incapables de récupérer les sommes prêtées, elles ont été à leur tour incapables de rembourser leurs créanciers, encore moins de garantir l’argent de leurs déposants, engendrant par conséquent une ruée de ces derniers sur les guichets pour retirer les économies investies avant que la caisse soit vide. Ceci a engendré une crise de liquidité et l’effet « domino » a fait le reste.

D’autres facteurs ont bien évidemment aggravé la crise, les emprunts de plusieurs investisseurs pour créer un effet de levier et la spéculation par exemple, mais c’est un sujet sur lequel je ne m’étendrai pas aujourd’hui; mon objectif était de démontrer le lien entre l’hyperconsommation et la crise financière mondiale… ce qui est fait.

jeudi 11 septembre 2008

Les variations sauvages du prix de l’essence

Dans l’article Le prix de l’essence laisse songeur, publié le jeudi 11 septembre par la journaliste Hélène Baril dans le quotidien La Presse, on peut lire : « Au cours de la dernière semaine, le prix d’un litre d’essence ordinaire a baissé de presque 4 cents à Toronto et de seulement 0,6 cent à Montréal. » L’article en question continue en rapportant nombre de justifications fournies par divers représentants de l’industrie; vous pouvez les lire en cliquant sur l’hyperlien ci-dessus.

Je crois cependant que le consommateur est las de toutes ces explications, particulièrement dans la foulée du scandale qui a éclaboussé l’industrie pétrolière l'été dernier. Dans la rubrique Les prix étaient discutés pour d’autres marchés, publiée le 21 juillet, Radio-Canada révélait l’existence d’un cartel visant à fixer le prix de l’essence dans plusieurs régions du Québec : « Des documents de cour obtenus par Radio-Canada révèlent que des personnes accusées d'avoir comploté pour fixer les prix de l'essence dans quatre villes du Québec ont eu des discussions portant sur un territoire beaucoup plus vaste que celui visé par les actuelles procédures judiciaires. »

Il est inutile de ressasser constamment notre frustration vis-à-vis de ces faits; les autorités compétentes ont fait du bon travail, laissons maintenant notre système de justice suivre son cours, en espérant que le jugement qui sera prononcé par la Cour saura dissuader ces pratiques malhonnêtes et illégales.

Afin de donner au consommateur un outil pour le prémunir un peu de l’éternel jeu de yo-yo qu’est devenu le prix de l’essence à la pompe, je vais plutôt divulguer l’existence d’une ressource et faire deux suggestions.

Ce matin même, j’ai découvert un site Web, Essence Montréal, « un forum en temps réel où les consommateurs peuvent poster le prix actuel de l'essence affiché chez les nombreuses stations-services situées dans la ville de Montréal et ses banlieues. »

Ce site a besoin de notre collaboration pour véhiculer des informations précises et fiables à la population; je vous invite donc à prendre chaque jour quelques minutes de votre temps pour transmettre le prix de l’essence à la pompe dans une ou deux stations-service de votre voisinage.

Sur la page d’accueil, vous pouvez également vous abonner à un bulletin électronique en inscrivant votre adresse de courriel : « Le bulletin Essence Montréal est un message alerte qui sera transmis à tous les abonnés dès qu’il y aura une augmentation significative des prix à la pompe pour la région du grand Montréal. » Ainsi, vous pourrez au moins faire le plein avant d’être surpris par une augmentation aussi rapide qu’imprévue du prix.

Le consommateur sous-estime souvent son pouvoir; pourtant, si mes suggestions portent leurs fruits, à la longue, les hausses subites du prix de l’essence pourraient se traduire en une désertion tout aussi subite des stations-service, jusqu’à une diminution du prix. Sans prétendre que nos efforts feraient baisser le prix de l’essence, ils pourraient tout au moins faire cesser les variations sauvages.


dimanche 7 septembre 2008

Consommation et technologie

Mon prochain ouvrage, dont la publication est prévue à l’hiver 2009, portera sur la consommation et la technologie; en voici un aperçu.

Dans notre société d’hyperconsommation, le développement technologique est essentiellement dicté par des considérations commerciales, en tout premier lieu la nécessité pour les fabricants de différencier leurs produits de ceux de leurs concurrents.

L’iPhone 3G, lancé au Canada en juillet 2008, est un exemple éloquent de cette affirmation. Loin de moi l’idée de dénigrer ce gadget qui de toute évidence plaît à un segment de marché bien précis; sinon, comment expliquer, lors de son lancement, les files d’attente interminables devant les magasins pour avoir le privilège d’être parmi les premiers à posséder cette merveille? Son design satisfait indubitablement des attentes esthétiques et ses nombreuses fonctions, trop nombreuses en fait pour l’utilisateur moyen, permettent à ses usagers d’en justifier l’achat sur le plan utilitaire (attentes fonctionnelles).

La question n’est pas là. Le principal attrait du iPhone tient à l’image, au mythe devrais-je dire, qu’Apple a développée autour de celui-ci, comme autour de ses autres produits, l’iPod par exemple; comme ce dernier, l’iPhone est un objet culte, un symbole de statut (attentes symboliques), voire, pour certaines personnes, une possession qui leur permet de rehausser une estime de soi un peu faible (attentes imaginaires).

Malgré le fait que des produits concurrents, tels le Touch Diamond (HTC) et l’Instinct (Samsung), offrent un design, des caractéristiques et des fonctionnalités très similaires, l’image exclusive du iPhone permet à Apple de vendre celui-ci un peu plus cher que les produits concurrents, car les inconditionnels, les véritables aficionados, sont moins sensibles au prix, pourvu que celui-ci demeure dans une gamme dont Apple a sans aucun doute établi les limites (attentes financières). On peut donc dire que le développement technologique se fait aujourd’hui selon un paradigme d’échange marchand.

samedi 30 août 2008

Comparaison du prix de l’essence entre Montréal et Paris

J’aimerais bien qu’à chaque nouvelle hausse du prix de l’essence, on cesse de réconforter les consommateurs en leur disant que l’essence est encore beaucoup moins dispendieuse au Canada qu’en Europe.

Le 30 août à Paris, on trouvait de l’essence ordinaire (SP95) à 1,399 € le litre (Ministère français de l’économie) alors que le 29 août à Montréal, le prix du même carburant variait entre 1,389 $ et 1,394 $ (Régie de l’énergie du Québec).

En utilisant le taux de conversion en vigueur le 30 août 2008, soit 1,5996 dollar pour 1 euro (Banque Royale du Canada), certains pourraient affirmer que le prix à Paris est en réalité de 2,24 $; cette façon de calculer est complètement erronée et induit les gens en erreur.

Ce 2,24 $ est seulement valable pour un Canadien de passage à Paris qui, payé en dollars canadiens, achète de l’essence pour une voiture de location. Les Français eux sont payés en euros; 1,40 € est pour eux ce qu’est pour nous 1,40 $.

Autrement dit, le prix de l’essence est exactement le même à Paris et Montréal, si on excepte les variations journalières qui exaspèrent tant les Montréalais.

jeudi 3 juillet 2008

Supermarchés : du jeudi au mercredi

Depuis quelques semaines, nous consommateurs avons dû modifier nos habitudes pour l’achat de produits alimentaires; les circulaires détaillant les soldes sont maintenant valides du jeudi au mercredi plutôt que du lundi au dimanche, comme c’était le cas depuis aussi longtemps que la plupart d’entre nous se souviennent. Les Compagnies Loblaw limitée, propriétaire des chaînes Provigo, Maxi et Loblaws, ont été les premières à effectuer ce changement; elles ont été suivies de près par IGA, qui planifiait aussi ce changement depuis quelques mois, et par Métro.

Voici la justification qu’a confiée à La Presse Josée Bédard, directrice aux affaires corporatives chez Provigo :

« Elle [Josée Bédard] croit qu'il [ce changement] permettra de mieux répondre aux besoins de la clientèle qui est plus nombreuse à faire ses emplettes les vendredi, samedi et dimanche. De plus, Mme Bédard estime que puisque la grande majorité des clients font leurs achats le week-end, ils auront d'avantage en tête les offres de bas prix. Elle est confiante que les consommateurs vont apprécier de recevoir ces offres avant la fin de semaine de façon à pouvoir mieux planifier leurs achats. »

Telle n’est pas l’opinion de Maurice Guertin, analyste chez Saine Marketing. Celui-ci « doute que la réaction spontanée des consommateurs à ces changements soit positive. Il cite les résultats de plusieurs sondages indiquant que les gens aiment bien lire les circulaires dans la quiétude de la fin de semaine. » (La Presse)

J’abonde dans le sens de Monsieur Guertin; outre les sondages cités, ma connaissance du comportement humain me porte à croire que le consommateur n’aime pas modifier sans raison ses habitudes, encore moins se faire imposer un changement. De plus, à mon avis, les raisons citées ci-dessus ne justifient en rien cette nouvelle pratique. Bien au contraire.

S’il est exact qu’une majorité d’entre nous font leurs achats alimentaires le vendredi soir, le samedi et le dimanche, il est tout aussi vrai que la plupart d’entre nous ont toujours aimé recevoir les circulaires le samedi, pour les consulter en toute quiétude le dimanche et planifier ensuite les achats de la semaine. Plusieurs profitaient même du dernier jour, le dimanche, pour acheter les produits qui ne seront plus en solde la semaine suivante ou reportaient l’achat d’un produit, sachant qu’il serait en solde le lendemain. Je m'interroge : le véritable justificatif de ce changement pourrait-il être de mettre fin à ces tactiques du consommateur?

En outre, le circuit de distribution des circulaires était très bien rodé pour le samedi, ce qui ne semble pas être le cas pour le nouvel horaire, du moins dans ma région; nous n’avons jamais reçu les circulaires le mercredi, les recevons rarement le jeudi, quelquefois le vendredi voire le samedi… parfois même pas du tout. Ce n’est peut-être pas la norme partout. Cela dit, même en supposant que nous les recevions le mercredi, qui a le temps de consulter les circulaires un soir de semaine, compte tenu du rythme effréné que nous impose notre vie professionnelle? Comment planifier judicieusement nos achats? C’est pourtant un impératif, surtout dans un contexte où le prix des denrées alimentaires augmente, entre autres à cause du prix élevé des carburants.

À vrai dire, certains employés nous ont même confiés qu’ils détestaient eux aussi cette nouvelle façon de faire. D’autres nous ont simplement dit de nous habituer, puisque de toute façon tous les supermarchés adoptaient cette nouvelle pratique, une preuve de plus que, de nos jours, la courtoisie envers la clientèle est déficiente dans plusieurs commerces; issu de l’école pour qui le client est roi et la courtoisie de rigueur, j’essaie d’éviter ces endroits le plus possible et vous invite aussi à le faire, car c’est la meilleure façon de forcer un changement.

Dans le but de confirmer, ou d’infirmer, mon intuition, je vous invite à répondre à mon minisondage du jour et, si vous le désirez, à me transmettre vos commentaires à l’adresse suivante : duguay.benoit@gmail.com

samedi 28 juin 2008

Attentes et déménagement

Ce matin, j’ai eu le plaisir d’être l’invité de l'animateur Louis Lemieux à l'émission « RDI en direct ». À 7h15, lui et moi avons fait un parallèle entre les phénomènes de la consommation et du déménagement. À 8h15, j’ai commenté quelques thèmes de l'actualité, entre autres l’augmentation du prix du pétrole. J'ai en particulier souligné l'impact négatif de cette flambée sur la baisse du prix des maisons de grand prix en banlieue éloignée et le coût accru d'un déménagement. J'ai par ailleurs mentionné un possible impact positif sur l’industrie manufacturière canadienne. Vous pouvez visionner ces entrevues sur le site Web de « RDI en direct ».

J’aimerais revenir sur l’entrevue de 7h15, pendant laquelle j’ai exposé comment une théorie que j’ai mise de l’avant, celle des attentes nous aide comprendre ce que les gens recherchent en déménageant. D’inspiration psychosociologique, la notion d’attente permet une analyse détaillée du comportement humain, entre autres des éléments qui préoccupent les gens dans une prise de décision, par exemple leurs exigences par rapport à l’achat d’un produit… ou les raisons réelles qui motivent un déménagement, sujet de l’entrevue d’aujourd’hui. Cette représentation graphique du concept d’attentes que je désigne sous le vocable « Anneau des attentes » (format PDF), vous permettra d’en mieux comprendre toute la complexité.

Pour chaque catégorie d’attentes, je vais maintenant expliquer certaines des choses qui peuvent pousser les gens à vouloir déménager :

  • Pour disposer d’un logement plus grand après la naissance d’un enfant (attente fonctionnelle).
  • Pour habiter un quartier plus huppé ou une maison plus grosse, donc plus prestigieuse (attentes symboliques).
  • Pour rehausser l’image d’un bon père, ou d’une bonne mère, qui procure un meilleur milieu de vie à sa famille (attente imaginaire).
  • Simplement pour le plaisir de changer de milieu de vie (attente sensorielle).
  • Pour avoir à payer un loyer moins dispendieux (attente financière).
  • Pour se rapprocher d’une personne chère (attente relationnelle).
  • Pour habiter dans un milieu de vie plus sain (attente sociétale).
  • Pour la beauté de l’aménagement urbain d’un quartier ou d’une ville, ou la beauté des paysages dans un milieu plus rural (attente esthétique).
  • Pour habiter une région, une ville, un arrondissement ou un village, dans lequel l’administration locale tient le citoyen particulièrement bien informé (attente informationnelle).
  • Pour satisfaire l’immédiateté dans la satisfaction d’un désir lié à une autre attente ou pour réduire le temps de déplacement entre la maison et le travail (attentes temporelles).

mardi 10 juin 2008

Pétrole et spéculation

Je m’excuse pour mon silence prolongé; j’ai été absorbé par la rédaction de deux chapitres dans des livres collectifs, le lancement de Consommation et luxe en France et la préparation d’un troisième ouvrage, Consommation et technologie, dont la sortie est prévue à l’hiver 2009.

Ce matin, avant d’entreprendre mes autres obligations, la hausse du prix de l’essence à 1,51 $ le litre à Montréal hier m’oblige à écrire cette courte rubrique pour dénoncer avec la plus grande vigueur une pratique financière très répandue, la spéculation. Pour ce faire, je vais citer un passage de Consommation et luxe (p. 51) :

« Ce qu’il faut condamner, c’est l’avarice, la cupidité, la rapacité de quelques-uns, qui se manifestent par une spéculation outrancière. La crise financière que tous les pays ont vécue en août 2007 est attribuable à la spéculation sur des prêts à haut risque consentis par certaines sociétés aux États-Unis. C’est la spéculation qui, directement ou indirectement, est responsable de certaines, je n’ose pas dire toutes, des grandes crises qu’a connues l’humanité et de la mauvaise réputation qu’on a faite au capitalisme : “Plus tard, et plus destructrices pour la réputation du capitalisme aux États-Unis, on a eu la spéculation immobilière visiblement aberrante en Floride, la montée de l’influence corporative et industrielle et, la plus importante, l’explosion du marché boursier de la fin des années 1920. Sont alors survenus le krach de 1929 qui a retenti à travers le monde puis, pendant dix longues années, la grande dépression.” (K. Galbraith, The Economics of Innocent Fraud, Boston, Houghton Mifflin Company, 2004, p. 5 et 6.) » À cette liste de calamités, j’ajoute la crise alimentaire actuelle, vécue par les populations dont l’alimentation repose sur le riz, causée par la spéculation sur cette denrée essentielle.

Je poursuis avec cet autre passage d’un entretien avec Giovanni Calabrese, sur le thème Consommation et luxe, publié par les éditions Liber dans leur dernier bulletin (no 11, mai 2008) :

« La spéculation, la recherche de profits rapides et excessifs, est la plaie des pays dont le système économique et social repose sur le capitalisme. Mais cela n’est pas inéluctable dans un système de libre entreprise. La cupidité n’est pas exclusive au capitalisme — elle se manifeste dans tous les systèmes socioéconomiques —; il peut, en fait, il doit exister sans elle. »

Avec d’autres personnes, je réfléchi actuellement aux actions que les gouvernements les entreprises, les regroupements de consommateurs, le consommateur lui-même et d’autres acteurs pourraient entreprendre pour mettre fin à ce fléau; vraisemblablement en 2010, je publierai dans un livre les résultats de ces réflexions.

Si vous avez des suggestions, vous pouvez me les communiquer soit dans un commentaire sur ce blog, soit dans un message plus personnel en utilisant l’adresse email accessible dans mon profil. Soyez assuré que, si vos idées sont originales, c’est-à-dire qu’elles ne n’ont pas déjà été explorées par le groupe de réflexion, et qu’elles sont jugées dignes d’intérêt, vous serez cité comme en étant l’auteur, si vous le souhaitez évidemment.

jeudi 10 avril 2008

Les problèmes de la société de consommation

Les problèmes liés à la consommation ne résident pas dans la forme ou la nature du commerce, mais l’usage qui en est fait. Si je peux me permettre une analogie, les casinos sont également des lieux de plaisir, mais le jeu compulsif est un phénomène coûteux sur le plan personnel et social. Doit-on pour autant abolir les casinos? Ne n’est-il pas préférable de soigner les joueurs compulsifs?

Par ailleurs, comme je le démontre dans « Consommation et image de soi, Dis-moi ce que tu achètes… », il existe un lien très étroit entre l’image des produits et l’image de soi. Or, si on crée une image autour des nouveaux centres commerciaux, les problèmes ne sont pas non plus simplement liés aux symbolismes de la consommation. Dans « Consommation et luxe, La voie de l’excès et de l’illusion », je souligne que cette interrelation existe depuis des millénaires.

Évoquant les travaux de Sahlins, voici qu'écrit Lipovetsky, au sujet des chasseurs-cueilleurs du paléolithique : « Leurs habitations comme leurs habillements sont rustiques, leurs ustensiles peu nombreux. Mais s’ils ne fabriquent pas de biens de grande valeur, cela ne les empêche pas, à l’occasion des fêtes, de se parer et d’admirer la beauté de leurs ornements. » (G. Lipovetsky et É. Roux, Le luxe éternel. De l’âge du sacré au temps des marques, Paris, Gallimard, 2003, p. 22. Voir aussi M. Sahlins, Âge de pierre, âge d’abondance, Paris, Gallimard, 1976).

L’image de soi a dominé la consommation dans les vingt dernières années du XXe siècle. Au tournant du siècle, le plaisir pour soi est venu s’ajouter à ce désir de paraître; pensons au fameux « Je le vaux bien de L'Oréal ». Cet hédonisme a favorisé l’émergence de nouvelles formes de commerces.

Peut-on reprocher aux gens de vouloir se faire plaisir? Je ne crois pas.

Par contre, s’il est justifié d’aspirer au bonheur et de satisfaire en partie cette aspiration par la consommation, il est déplorable de ne pas rechercher également sa réalisation personnelle dans quelque chose de plus grand.

Peut-on reprocher aux gens de vouloir soigner leur image? Je ne crois pas non plus.

Par contre, s’il est normal de vouloir soigner son image, il est malsain d’utiliser la consommation comme forme de compensation à une image de soi négative ou à une estime de soi faible.

En somme, ce qui ne va pas avec la consommation, ce n’est ni le commerce ou ses différentes formes, tels les Mégas centres commerciaux, ni le fait même de consommer; ce sont les excès liés à la société d’hyperconsommation et les valeurs égoïstes sous-jacentes à cette dernière.

Tout est dans la recherche d’une juste mesure.

mardi 1 avril 2008

La consommation et le commerce sont essentiels

Par mes écrits et mes prises de position publiques, je critique plusieurs aspects de la consommation, en particulier les excès du côté du consommateur et la spéculation du côté des vendeurs. Par contre, je ne suis d’aucune façon contre la consommation et je ne prêche surtout pas pour le dénuement ou la simplicité volontaire pure et dure. Ces solutions sont tellement extrémistes qu’elles ne peuvent que rebuter la plupart des consommateurs… plutôt que de les inciter à consommer plus raisonnablement.

Je pense bien au contraire que, sous réserve de pratiques responsables de part et d’autre, la consommation et le commerce sont essentiels, et ce, sur deux plans. Ils sont tout d’abord indispensables sur le plan économique. En fait, la forte consommation intérieure est ce qui a jusqu’à présent sauvé le Canada de la récession qui sévit aux États-Unis depuis l’été 2007. Selon le Conference Board, le consommateur sauve la mise; c’est d’ailleurs le titre d’un article signé par le journaliste Stéphane Paquet le mercredi 12 mars dans La Presse.

La consommation est tout aussi nécessaire sur le plan humain. Tout le monde veut se faire plaisir, consommer, acquérir des objets et se payer des services qui agrémentent la vie, qui dépassent même parfois le strict nécessaire.

Dans mon plus récent ouvrage, « Consommation et luxe, La voie de l’excès et de l’illusion », je souligne d’ailleurs le caractère essentiel, universel et anthropologique de la consommation de luxe, appuyant notamment mes propos sur Shakespeare et Lipovetsky.

Le commerce et la consommation ont été un élément essentiel du développement humain; ils existent depuis des millénaires. Il serait utopique de vouloir mettre fin à ces activités au XXIe siècle.

Le shopping center est apparu dans les années 1950. À l’instar du réseau autoroutier, la migration des populations vers la banlieue a rendu essentielle la construction de ce nouveau mode de distribution : le centre commercial. Les Mégas centres commerciaux ne sont qu’une évolution du commerce; ce sont de plus en plus des lieux à la fois de nécessité et de plaisir. À preuve le Dix 30 ne veut-il pas ouvrir une Méga clinique privée de soins de santé, ce que plusieurs au Québec estiment être une nécessité. Par ailleurs, leur offre commerciale dépasse largement la fonction commerciale traditionnelle; on appelle cette nouvelle formule commerciale des centres « style de vie » (Life Style Shopping center).

Au Quartier Dix30, le plus gros centre «style de vie » au Canada, on recrée l’illusion de la rue principale des villages d’antan, artère qui avait pour principale vocation d’être fonctionnelle, car elle regroupait au même endroit les commerces dont les gens avaient besoin. La principale fonction de ces nouveaux centres commerciaux est d’être symboliques, de vous faire vivre une expérience sensorielle.

Hormis la « rue principale » et le théâtre, bien d’autres centres commerciaux incorporent tous les autres éléments du Dix30 : stationnements extérieurs et intérieurs gratuits, variété de restaurants, cinémas, etc. À quoi donc le concept de « centre commercial style de vie» tient-il ? Comme pour un parfum ou un restaurant de luxe, c’est le packaging, le conditionnement en quelque sorte, et l’axe de communication qui font le produit.

Positionner et vendre le Dix30 comme un centre de divertissement, d’amusement, s’inscrit dans la logique d’achat-plaisir de Lipovetsky : « De nos jours, même la consommation des biens matériels tend à basculer dans une logique expérientielle, le shopping en général baignant dans une atmosphère hédonistique et récréative» (G. Lipovetsky, Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation, Paris, Gallimard, 2006, p. 60).

Certains diront que les artisans de ce projet ne font qu’encourager la consommation, et ils auront raison. Cela dit, nous ne sommes pas des victimes, mais des complices de la société de consommation ; il n’en tient qu’à nous de consommer mieux et moins. Par ailleurs, ces promoteurs contribuent à faire un peu rêver les gens, dans un monde qui en a bien besoin; le Dix30, ce n’est pas un centre commercial, c’est un centre récréotouristique dans lequel riches et moins riches peuvent trouver leur compte.

Le comportement d’achat dans les Mégas centres commerciaux de type ouvert n’est pas du tout le même que dans un centre commercial traditionnel de type fermé. Le second favorise le shopping, le fait de déambuler, souvent sans avoir d’achat précis en tête, voire la marche de santé, car certains clubs de marche y pratiquent cette activité à la mauvaise saison. Les personnes qui fréquentent ces lieux affirment en tirer du plaisir; ils vont même s’arrêter prendre un café à l’une ou l’autre des terrasses intérieures que l’on retrouve dans ces lieux. Certains citadins n’arrivent pas à comprendre ce plaisir; quant à moi, je ne vois pas de différence entre le fait de prendre un café et d’échanger avec les gens dans ces endroits, ou dans un des nombreux cafés qu’on retrouve à Montréal.

On retrouve ce même comportement sur la « rue principale » d’un Life Style Shopping center tel le Dix30. Par contre, le comportement change radicalement dans les commerces éloignés de ce point central. Les gens qui vont dans ces commerces ont souvent un achat précis en tête; ils ont fait leur choix d’article et de point de vente sur internet ou dans un feuillet publicitaire et se rendent directement au commerce sélectionné, y font leur achat et quittent ensuite souvent le centre commercial.

Dans les grandes villes comme Montréal, le commerce c’est plutôt développé de façon linéaire, la rue Ste-Catherine par exemple; à l’instar du centre commercial, ces rues marchandes se sont parfois même couvertes pour permettre au consommateur de faire son shopping à l’abri des intempéries, par exemple la rue St-Hubert. Plus récemment, on a même vu se créer à Montréal des espaces commerciaux souterrains, le Montréal intérieur.

Considérez cette carte du Montréal intérieur.

Selon l’Observatoire de la Ville intérieure, « La ville intérieure est un ensemble d'immeubles connectés par des liens piétonniers protégés, appartenant à plusieurs propriétaires, offrant une diversité de fonctions, notamment du transport collectif, du commerce de détail, des espaces à bureaux et des activités de divertissement, et disposant d'ententes avec les autorités locales pour l'occupation du domaine public. » Au 31 décembre 2004, le Montréal intérieur comptait déjà 1 366 commerces de tous genres et 477 restaurants de toutes catégories.

Quelle différence existe-t-il vraiment entre le Montréal intérieur, la Plaza St-Hubert, la rue Ste-Catherine que l’on veut rendre piétonnière à l’été 2008 et le Quartier Dix 30? La réponse est simple : AUCUNE!

Pourquoi dès lors jeter l’anathème sur les centres commerciaux?

mardi 18 mars 2008

Résultats du minisondage sur les Mégas centres commerciaux

Depuis le débat télévisé à l’émission « Il va y avoir du sport », sur le thème « Pour ou contre les Mégas centres commerciaux? », certains m’ont manifesté leur surprise de me voir présenter les aspects positifs des Mégas centres commerciaux.

C’est plutôt curieux, car je n’ai jamais été moralisateur vis-à-vis la consommation; comme je l’écris dans la présentation de mon blog, « Je me pose en critique modéré de la consommation; tout en reconnaissant les bienfaits, voire la nécessité, d’une consommation réfléchie et responsable, je veux en dénoncer les effets pernicieux et les pratiques douteuses. »

Je suis donc particulièrement heureux d’avoir participé à cette émission, car ce fut l’occasion pour moi de préciser ma position par rapport à la consommation.

Par ailleurs, n’oublions pas que ce type de débat télévisé est organisé de façon à polariser les débats… pour mieux divertir l’auditoire; le réalisateur ne veut surtout pas que les acteurs du débat présentent le pour et le contre d’une question, ce qui aurait été la position que j’aurais aimé privilégier.

Enfin, le débat ayant été centré sur des questions portant sur l’environnement, l’écologie et le développement urbain, le centre commercial lui-même a été peu analysé.

Dans ma prochaine chronique, je préciserai donc ma position sur la consommation et les Mégas centres commerciaux. Pour l’instant, voici les résultats du sondage de la semaine dernière.

Ces résultats tiennent compte des réponses obtenues sur les blogs français et anglais, soit 82 personnes au total; ce nombre de répondants est faible statistiquement parlant. La marge d’erreur d’un tel sondage est par conséquent plus élevée que la norme habituelle; elle est d’environ 11 %, avec un niveau de confiance de 95 %, ou 19 fois sur 20 selon la formule consacrée. Comme pour tous les sondages de type « question du jour », que l’on retrouve maintenant dans plusieurs médias, l’échantillon n’a pas été sélectionné selon une méthodologie probabiliste.

En cliquant ici, vous pourrez voir un graphique montrant, en pourcentage, les réponses obtenues de même que l’écart minimum et maximum en fonction de la marge d’erreur.
Compte tenu de cette marge d’erreur de 11%, on peut donc dire que, sur la question « Êtes-vous pour ou contre les Mégas centres commerciaux? », les gens sont partagés presque à égalité. Rien d’étonnant!

Parmi les personnes « Contre », on doit évidemment compter entre autres les druides de l’environnement et les apôtres de la simplicité volontaire pure, pour qui les centres commerciaux, Mégas ou non, ne sont que des lieux de perdition. On compte cependant également un certain nombre de personnes à qui le concept de « Méga centre » ne plaît pas, comme je le disais d’ailleurs dans l’excellent article de la journaliste Nathalie Villeneuve, « Les limites de la démesure ».

Le climat est évidemment un obstacle et le comportement d’achat n’est pas le même que celui qu’on observe dans un centre commercial traditionnel de type fermé.

Dans ma prochaine chronique, je développerai cette question en plus de préciser ma position sur la consommation et les Mégas centres commerciaux.

vendredi 7 mars 2008

Pour ou contre les Mégas centres commerciaux?

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En prévision de ma participation à l’émission IL VA Y AVOIR DU SPORT, je vous propose une question sur le thème retenu :

POUR OU CONTRE LES MÉGAS CENTRES COMMERCIAUX?

L’émission sera diffusée à Télé-Québec le vendredi 14 mars à 19h30, le samedi 15 mars à 14h30 et le dimanche 16 mars à 18h30.

Le « Quartier Dix 30 » est un exemple de Méga centre commercial.

mardi 4 mars 2008

Une voiture pour moins de 10 000 $

Devant la montée du luxe, flairant la bonne affaire, ce sont les Chinois qui s’apprêtent à servir aux Japonais la leçon qu’ils ont eux-mêmes donnée aux Américains dans les années 1980. Dans un article publié le lundi 13 août 2007, Éric Lefrançois nous apprend que les constructeurs chinois ont produit plus de 6 millions de véhicules en 2006 avec lesquels ils comptent bien pénétrer de nouveaux marchés; certains modèles se vendent aux alentours de 10 000 $ CAN. Comble de malheur, pour les fabricants américains, japonais et coréens, il semble qu’un nombre important de Canadiens leur réservent un accueil enthousiaste : «Histoire de mettre la table, un sondage récent nous apprend que le quart des Canadiens serait intéressé à acheter une voiture chinoise pour 10 000 $ CAN. Voilà qui doit rassurer Chrysler qui s’apprête à commercialiser sur nos terres la première sous-compacte Made in China » (É. Lefrançois, « La question à 10 000 $ », La Presse, le 13 août 2007, cahier L’auto, p. 3).

Plusieurs constructeurs nord-américains, japonais et coréens produisent déjà des voitures de cette catégorie (Note de l’auteur : ma liste de modèles et de constructeurs ne prétend pas être exhaustive. Je m’excuse à l’avance auprès du ou des fabricants concernés, si j’ai omis de mentionner une marque ou un modèle. Mon énumération et une hypothétique omission ne doivent pas être interprétées comme un jugement, positif ou négatif, quant à une marque ou un modèle). Dans une gamme de prix assez étroite, variant de 12 995 $ CAN à 14 980 $ CAN, on retrouve entre autres en 2008, par ordre alphabétique de constructeur : la Chevrolet Aveo, la Honda Fit, la Hyundai Accent, la Kia Rio, la Nissan Versa, la Pontiac Wave, la Suzuki Swift+ et la Toyota Yaris (Note de l’auteur : la fourchette de prix pour le Québec a été obtenue en consultant le site Web canadien des constructeurs respectifs, le 4 mars 2008). Chrysler, Ford et Mazda ne commercialisent pas de sous-compacte au Canada en 2008.

Je suis surpris de constater que cette gamme de prix n’a pas du tout changé depuis le 13 août 2007, date à laquelle j’avais également répertorié le prix des différents véhicules; pourtant, depuis l’automne 2007, l’actualité fait abondamment mention de la nécessité d’ajuster le prix canadien des véhicules, compte tenu de la hausse de la devise canadienne. Dans le cas de la Hyundai Accent, pour la période du 1er au 31 mars 2008, le constructeur annonce un rabais promotionnel de 3 600 $ CAN qui abaisse le prix du véhicule à 9 995 $ CAN (la promotion ainsi que toutes les conditions et restrictions se retrouvent sur le site Web de Hyundai Canada).

Compte tenu de la gamme de prix mentionnée, pour un véhicule de base sans aucune option, on peut comprendre l’inquiétude de certains fabricants en apprenant non seulement que « la future A1 du constructeur chinois Chery », qui sera distribuée par Chrysler plus tard en 2008, se détaillera 10 000 $ CAN., mais qu’en plus « 43 % des répondants [du sondage] disent qu’ils sont susceptibles ou certains de se procurer un véhicule venu de l’empire du Milieu » (É. Lefrançois, « La question à 10 000 $ », La Presse, le 13 août 2007, cahier L’auto, p. 3). Le succès de la Renault Logan, une voiture vendue à 7 000 €, est une autre indication du désir du consommateur de pouvoir acheter un véhicule bon marché : « Il s’écoule en moyenne 2000 Logan par mois en France. Bien au-delà des prévisions les plus optimistes » (É. Lefrançois, « La bonne idée de Loulou », La Presse, le 2 avril 2007, cahier L’auto, p. 3).

Je m’étonne de constater que beaucoup d’entreprises n’apprennent pas des leçons du passé et tombent l’une après l’autre dans le même piège, celui de la montée en gamme, de l’inflation, de la taille et des caractéristiques, et des hausses de prix.

De toute évidence, il existe des limites à la création de besoins, surtout chez la classe moyenne; les producteurs et les vendeurs ne peuvent pas toujours susciter de nouvelles attentes de luxe, même pour un produit comme l’automobile, étroitement lié à l’image de soi (voir « Consommation et image de soi, Dis-moi ce que tu achètes… »). Dans plusieurs segments de marché, la raison l’emporte désormais sur la passion; même dans le marché québécois du secteur de l’automobile, historiquement friand de « gros chars », l’endettement, le prix du carburant et les considérations écologiques finiront par avoir raison du luxe et du gigantisme.

mardi 26 février 2008

Abandon des idées de démocratisation de Ford et de Citroën

Si on exclut les pressions déflationnistes de l’automne 2007 et de l’hiver 2008 sur le prix des véhicules, occasionnées par un brusque ralentissement de l’économie des étatsunienne et par la montée du dollar canadien, le marché de milieu et de bas de gamme se retrouve, depuis plusieurs années, devant un déficit d’alternatives pour des voitures à prix abordable.

Si on considère la classe des voitures compactes, une catégorie très populaire au Québec, le consommateur a le choix d’une dizaine de véhicules, offerts par des constructeurs nord-américains, japonais et coréens (Note de l’auteur : ma liste de modèles et de constructeurs ne prétend pas être exhaustive. Je m’excuse à l’avance auprès du ou des manufacturiers concernés, si j’ai omis de mentionner une marque ou un modèle. Mon énumération et une hypothétique omission ne doivent pas être interprétées comme un jugement, positif ou négatif, quant à une marque ou un modèle).

Dans une gamme de prix assez étroite, variant de 14 330 $ CAN à 16980 $ CAN (Note de l’auteur : la fourchette de prix a été obtenue en consultant le site Web canadien des constructeurs respectifs, le 13 août 2007), on retrouve entre autres en 2007, par ordre alphabétique de manufacturier : les Chevrolet Cobalt (ÉU) et Optra (ÉU - fabrication coréenne), la Ford Focus (ÉU), la Honda Civic (Japon), la Hyundai Élantra (Corée du Sud), la Kia Spectra (Corée du Sud), la Mazda 3 (Japon), la Mitsubishi Lancer (Japon), la Nissan Sentra (Japon), la Suzuki Aerio (Japon) et la Toyota Corolla (Japon) [Note de l’auteur : dans la parenthèse, on retrouve la nationalité du manufacturier].

Par contre, la fourchette de prix indiquée est pour un véhicule de base dans sa version la plus dénudée; un véhicule n’étant pas simplement utilitaire, le client y ajoute la plupart du temps des accessoires, qui font rapidement augmenter la facture à plus de 20 000 $ CAN pour la plupart véhicules énumérés, abstraction faite des offres promotionnelles limitées dans le temps. C’est d’ailleurs ce que souhaitent tous les constructeurs, qui encouragent le mouvement avec des tactiques comme le fait de réserver les palettes de couleurs les plus originales aux modèles les plus luxueux, les modèles de base devant se contenter des coloris classiques, noir, blanc, beige, gris, bleu, etc.

Quant à la catégorie des véhicules dits « intermédiaires », une catégorie également très prisée de certains Québécois et de nombreux Américains, leur prix est encore plus élevé. Prenons la Chevrolet Impala, un sedan sport de taille intermédiaire qui existe depuis la fin des années 1950; Ed Cole, l’ingénieur-chef de General Motors qui l’a conçue à l’époque la définissait alors comme « une voiture de prestige à la portée du citoyen américain moyen » (Site Web Classic Midsize Car). Ce fut une des voitures les plus populaires en Amérique du Nord. Son prix s’échelonne maintenant de 25 230 $ CAN à 35 560 $ CAN. Abandonnant les idées de démocratisation de Ford et de Citroën, la voiture est presque redevenue le luxe qu’elle était à ses origines.

mardi 19 février 2008

Des voitures toujours plus luxueuses

Dans les années 1980 et 1990, malgré le succès de voitures plus petites (p. ex. « K-car »), tous les constructeurs américains reprennent de plus belle la conception et la production de voitures toujours plus grosses, en réponse à la demande de certains segments de marché. Dans l’espoir de compenser les ventes perdues aux concurrents asiatiques, on propose au client des véhicules de plus en plus luxueux... et dispendieux. Même les fabricants japonais se font prendre dans le mouvement; leurs voitures commencent à prendre de l’embonpoint et à devenir elles aussi plus luxueuses. Évidemment, le prix de ces véhicules augmente lui aussi, un phénomène amplifié par l’appréciation du Yen.

Pour améliorer la profitabilité de l’entreprise, Chrysler invente une nouvelle catégorie de véhicules, la minifourgonnette; les Dodge Caravan et Plymouth Voyager connaissent une popularité sans précédent. Devant ce succès, les autres manufacturiers nord-américains et japonais lancent eux aussi des minifourgonnettes; certains modèles connaissent le succès, d’autre pas. La catégorie est elle aussi touchée par la montée du luxe. Une autre catégorie, le Véhicule Urbain Sportif (VUS), sert de bouée de sauvetage.

Ce mouvement vers le haut de gamme et les véhicules plus gros crée un vide... que les manufacturiers coréens s’empressent de combler: «L'année 1983 représentait pour Hyundai le moment idéal pour faire son entrée sur le marché canadien. La plupart des constructeurs automobiles avaient en effet abandonné le marché des voitures économiques pour se consacrer aux véhicules haut de gamme, plus coûteux. Ils délaissaient ainsi un important créneau du marché. Les consommateurs désireux d'acheter leur première voiture, comme les étudiants et les jeunes familles, ne trouvaient pas d'automobiles convenables, bien équipées, qui puissent répondre à leurs besoins sans toutefois dépasser leur budget. En comblant ces besoins, le lancement de la Hyundai Pony fut le plus réussi de tous les lancements de voitures importées au Canada. Mais Hyundai n'en restait pas là et confirmait ce succès avec le lancement de la Stellar en 1985 et de l'Excel en 1986. Hyundai continue aujourd'hui de perfectionner et d'élargir sa gamme de produits. » (Site Web de Hyundai Canada – Au sujet de Hyundai – Historique)

Ces voitures n’étaient pas toujours les plus fiables, mais leur prix les rendait très attrayantes.

Cependant, 20 ans plus tard, ce même manufacturier coréen, ayant maintenant développé une image de marque, comme les firmes japonaises avant lui, veut donner à ses produits une image de luxe, le prix étant à l’avenant; comme nous venons de le voir, Hyundai est une marque dont le marché traditionnel n’est ni le véhicule de grande taille, ni celui de haut de gamme, lance un VUS, le Veracruz, et l’annonce comme un véhicule de luxe: « Passez à un niveau de luxe supérieur », pouvait-on lire le 13 août 2007 dans la description de ce véhicule sur le site Web du constructeur.

mardi 12 février 2008

Au service de la classe moyenne

Dans les années 1970, l’arrivée de petites voitures japonaises, consommant peu de carburant et moins dispendieuses à l’achat, prend de court les grands constructeurs américains; ayant toujours produit de grosses voitures, ils semblent tout d’abord incapables d’en produire de petites d’une qualité similaire. Les premières tentatives sont malheureuses, par exemple celles de la Chevrolet Vega et la Pontiac Astre chez General Motors, qui connaît par la suite d’autres expériences sont plus heureuses : celles de la Chevrolet Chevette (Kadett en Europe) en 1975, un modèle conçu par la filiale européenne Opel, de la Pontiac Sunbird en 1976 et de la Chevrolet Cavalier quelques années plus tard; de cette lignée résulte la Cobalt que l’on connaît en 2007. Grâce à ses filiales européennes, Ford est dans une position un peu meilleure, mais connaît malgré tout des expériences malheureuses avec la Ford Pinto et la Mercury Bobcat. De cette lignée résulte cependant une voiture qui a beaucoup de succès, la Ford Escort, laquelle évolue à la Focus que l’on connaît en 2007. Dès la fin des années 1970, Ford développe et vend en Europe une excellente voiture sous-compacte, la Fiesta; aujourd’hui, celle-ci est maintenant fabriquée dans plusieurs pays et vendue dans presque partout dans le monde, sauf en Amérique du Nord.

Chrysler bénéficie également de l’expertise de Simca, une entreprise européenne acquise en 1958, revendue ensuite à Peugeot-Citroën en 1978; un modèle Simca permet le développement de la Dodge Omni et la Plymouth Horizon, deux voitures qui connaissent un certain succès, ce qui n’empêche pas Chrysler de s’embourber dans de graves difficultés financières qui nécessiteront un prêt de 1,5 $ US milliard, garanti par le trésor américain, accordé par le président Jimmy Carter en 1980. À cette époque, Lee A. Iaccoca, plus visionnaire que les dirigeants des entreprises concurrentes, favorise le développement d’une plate-forme de voiture compacte peu dispendieuse et fiable, le K-Car; celle-ci avait été rejetée par Ford alors qu’Iaccoca dirigeait la destinée de cette entreprise, avant son arrivée chez Chrysler en 1979. Comme les deux Henri, Ford et Citroën, avant lui, il est persuadé que le succès passe par la démocratisation du produit, le fait de rendre celui-ci accessible au plus grand nombre. C’est ce principe qui a assuré le succès de la Volkswagen Coccinelle, de la Citroën 2CV, de la Renault 5, de l’Austin mini dans sa version d’origine et plus tard, de la Toyota Tercel et de la Honda Civic. Le succès des deux premières voitures «K», la Dodge Aries et la Plymouth Reliant, malgré leur apparence quelconque, permettent à Chrysler de s’extirper du gouffre financier et même de rembourser par anticipation le prêt fédéral.

Toute la leçon est là : une entreprise dont la vocation première a toujours été de servir la classe moyenne doit continuer de le faire malgré les obstacles qu’elle peut rencontrer. D’abandonner ce marché et de cibler plutôt un marché de haut de gamme avec des produits de luxe, dans l’espoir de compenser les ventes perdues et d’augmenter les profits, est une quête chimérique, un exercice voué à l’échec; on ne s’improvise pas marchand de luxe.

jeudi 7 février 2008

Achat d’un véhicule : le prix, la consommation et le style avant l’environnement

Dans une chronique publiée le 26 janvier 2008, je dévoilais les résultats d’un minisondage portant sur les critères les plus importants pour l’achat ou la location d’un véhicule; en cliquant ici, vous pourrez voir un graphique montrant le nombre de réponses obtenues pour les cinq affirmations que j’ai jugées les plus significatives, ayant été choisies ou bien par une majorité, ou au contraire une minorité des personnes qui ont participé à l’étude.

Les points saillants sont les suivants. Trois éléments sont jugés parmi les plus importants par au moins la moitié des répondants [réponses/total] : le prix (achat) ou le paiement mensuel (location) [29/32], la consommation de carburant [27/32] et l’esthétisme du véhicule (style et couleur) [17/32]. Inversement, un élément est jugé important par un nombre peu élevé de répondants; il s’agit de la motorisation écologique [3/32].

Or, j’ai récemment pris connaissance d’un sondage publié dans le quotidien torontois The Globe and Mail; cette étude réalisée auprès de 38 500 Canadiens teste l’importance de 26 critères pour l’achat ou la location d’un véhicule. En cliquant ici vous pourrez consulter les résultats de cette étude.

Les cinq critères jugés les plus importants sont les suivants (% réponses) : une bonne valeur pour son argent (30,7 %), l’économie en carburant (28,4 %), la fiabilité (27,5 %), le prix d’achat (21,5 %) et le style extérieur (19,5 %). Le fait d’être respectueux pour l’environnement est relégué au 23e rang sur 26 avec une maigre proportion des voix (2,2 %).

Dans ma chronique du 26 janvier 2008, j’écrivais qu’une étude exploratoire est « indicatrice de certaines tendances qu’il faudra par la suite confirmer par d’autres études ou appuyer par des faits connus. » Le fait que les trois éléments identifiés dans mon minisondage se retrouvent parmi les cinq premiers du sondage national démontre la grande utilité des études exploratoires; sans posséder la précision ou la fiabilité statistique des études réalisées sur un nombre important de répondants (≥1000) sélectionnés selon une méthode d’échantillonnage probabiliste, elles sont néanmoins indicatrices des grandes tendances.

Quant au fait que les considérations écologiques comme critère d’achat d’un véhicule préoccupent seulement une très petite minorité de personnes dans les deux études, il renforce le point de vue que j’ai soutenu dans plusieurs chroniques de ce blog, notamment celle du 7 juin 2007; je suis plus que jamais sceptique quant à la volonté des Québécois, comme des citoyens des autres provinces canadiennes, de changer radicalement leurs habitudes de vie pour réduire les émissions polluantes.

mardi 5 février 2008

La démocratisation de l’automobile

Sans la dépression, à la suite du krach boursier de 1929, et la Seconde Guerre mondiale, l’usage de l’automobile se serait peut-être répandu bien avant. Quoi qu'il en soit, ce n’est que dans les années 1950 que l’achat d’une automobile s’est véritablement démocratisé, devenant même un symbole d’appartenance à une classe moyenne aisée. Dès lors, l’automobile n’est plus un luxe; avec la migration des populations vers les banlieues, elle devient même une nécessité. Jusqu’aux années 1980, les constructeurs américains, qui, comme les trois mousquetaires, sont quatre à cette époque, GM, Ford, Chrysler et American Motors, occupent une position dominante sur le marché nord-américain. Dans celui-ci, des années 1950 aux années 1980, les voitures de la classe moyenne sont les Chevrolet et Pontiac (General Motors), Fairlaine, Victoria et Mercury (Ford), Plymouth et Dodge (Chrysler), et Rambler (American Motors).

De 1950 jusqu’en 1973, le prix de l’essence demeure inférieur à 0, 50 $ US le gallon américain (environ 3,6 litres); les voitures prennent de l’embonpoint et les moteurs de la puissance. On ne se soucie pas du tout du prix de l’essence et l’expression « gaz à effet de serre » n’a pas encore été inventée; c’est l’époque des « muscles cars ». En 1973, une première crise du pétrole ébranle une population confrontée à une augmentation du prix de l’essence et même à une rupture de stock causant de longues files d’attente dans les stations-service. La situation se stabilise assez rapidement et le prix de l’essence ne dépassera pas 0,70 $ US avant la fin de la décennie. La révolution islamique iranienne en 1979 lui fait franchir la barre psychologique de 1,00 $ US; il atteint près de 1,30 $ US en 1981, pour redescendre autour de 1,20 $ US, une moyenne qui se maintient pendant toutes les années 1980 et 1990. Entre 1986 et 1988, le prix redescend même sous la barre de 1,00$ US. Après les deux chocs pétroliers, les automobilistes nord-américains bénéficient donc d’une accalmie dans le prix de l’essence pendant toute la fin du XXe siècle; ils sont nombreux à favoriser de nouveau les voitures plus grosses.

Par contre, dès le début des années 1970, certains consommateurs de la classe moyenne nord-américaine commencent à chercher une alternative aux voitures gloutonnes, et de plus en plus dispendieuses, que lui proposent les constructeurs continentaux. La solution vient d’ailleurs; tora – tora – tora, ce sont les voitures japonaises qui envahissent le marché avec des voitures plus petites, consommant peu de carburant et moins dispendieuses à l’achat. Un yen faible les aide à vendre à un prix défiant toute concurrence tout en maintenant une généreuse marge de profit. Les voitures « démocratiques » sont maintenant les Toyota, Honda et Datsun (maintenant Nissan). Le phénomène se manifeste dans une moindre mesure en Europe où, l’essence ayant été historiquement plus chère, les voitures sont plus petites et les moteurs moins gourmands.

mardi 29 janvier 2008

La montée du luxe dans l’automobile

À la suite de mon sondage sur les critères d’achat d’un véhicule, j’entreprends une série de huit chroniques hebdomadaires portant sur la montée du luxe dans l’automobile; comme je le démontre dans « Consommation et luxe, La voie de l’excès et de l’illusion », l’industrie automobile est l’une de celles où le phénomène du luxe s’est le plus manifesté depuis les années 1990. La rubrique d’aujourd’hui pourrait avoir comme sous-titre « Les années glorieuses », car j’y décris les premiers balbutiements de cette industrie. Je ne prétends pas en présenter une histoire exhaustive; mon texte vise simplement à identifier certains des principaux acteurs qui ont marqué les débuts de l’automobile, en Europe et en Amérique du Nord, entre autres ceux qui ont permis la démocratisation de l’automobile.

Celle-ci a fait ses premières apparitions à la fin XIXe siècle. À ses débuts, la voiture dite sans cheval était plutôt une curiosité, un produit tout juste fonctionnel à cause des pannes chroniques; c’était véritablement un luxe réservé à quelques privilégiés. C’est à Karl Benz, un ingénieur allemand, qu’on attribue la construction, dès 1885, de la première voiture d’usage pratique mue par un moteur à combustion interne; jusqu’en 1893, elle n’avait que trois roues. Un autre ingénieur allemand, Gottlieb Daimler, en collaboration avec Wilhelm Maybach, produit le premier véhicule commercialisable à quatre roues en 1889. C’est à lui que l’on doit la Mercédès, la célèbre marque à l’étoile introduite en 1899. De l’association entre Benz et Daimler en 1926 naîtra la marque Daimler-Benz.

En France, Émile Levassor obtient une licence pour le moteur de Daimler en 1890, puis René Panhard et lui fondent la marque Panhard et construisent un prototype de voiture radicalement différent de celui de Daimler. Armand Peugeot fait de même; dès 1890 il commence à produire son Type 2 à son usine de Valentigney. En 1891, son Type 4 sera la première voiture montée sur pneumatiques; le premier exemplaire est destiné au Bey de Tunis. Renault apparaît quelques années plus tard, plus exactement le 24 décembre 1898, jour où «Louis Renault gravit la rue Lepic, à Paris, avec sa Voiturette. Un exploit qui lui rapporte ses 12 premières commandes.» C’est la première voiture à utiliser une boîte de vitesse. Henri Citroën fonde la marque du même nom en 1919; voulant démocratiser l’automobile, il importe les méthodes d’Henri Ford, dont il est question dans les paragraphes suivants.

Aux États-Unis, un magazine dédié à l’automobile, The Horseless Age, fait son apparition en novembre 1895; on y retrouve la première publicité pour un véhicule automobile par un nommé Henry Ford qui commence déjà ses efforts, avant de créer la compagnie qui porte son nom le 16 juin 1903. Tiré à seulement 800 exemplaires, ce magazine était réservé à la crème de la société américaine, les seuls acheteurs de cette innovation. Ce magazine est lancé dans le but de surmonter les préjugés à l’égard de véhicules non hippomobiles et de donner aux constructeurs d’alors une tribune pour annoncer leurs produits : « Tous les fabricants estimaient nécessaire le fait d'annoncer, pour une raison très pragmatique — la plupart des compagnies qui fabriquaient ou assemblaient des automobiles étaient financées de façon très précaire et avaient souvent besoin de l'argent comptant de la vente d'une voiture afin de construire la suivante (D. Cohen, Advertising, New York, John Wiley & Sons, 1972, p. 60.). »

Il faut attendre la production de masse pour voir l’usage de l’automobile se répandre un peu; contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas Henry Ford, mais Ransom E. Olds, fondateur de la marque Oldsmobile, devenue par la suite propriété de General Motors, qui a construit la première usine faisant appel au concept de chaîne de montage, au début des années 1900 : « Dès 1905 la production avait augmenté à 6 500 voitures par année. » Henry Ford a utilisé ce concept à compter de 1910 pour la production de la célèbre Ford Modèle « T », née en 1908, pour ensuite introduire le concept de chaîne de montage mobile à l’usine de Highland Park en 1913. Dès 1921, Ford fabriquait 55 % des automobiles vendues aux États-Unis.

Malgré les progrès, l'automobile est toujours réservée à un petit nombre.