mardi 26 février 2008

Abandon des idées de démocratisation de Ford et de Citroën

Si on exclut les pressions déflationnistes de l’automne 2007 et de l’hiver 2008 sur le prix des véhicules, occasionnées par un brusque ralentissement de l’économie des étatsunienne et par la montée du dollar canadien, le marché de milieu et de bas de gamme se retrouve, depuis plusieurs années, devant un déficit d’alternatives pour des voitures à prix abordable.

Si on considère la classe des voitures compactes, une catégorie très populaire au Québec, le consommateur a le choix d’une dizaine de véhicules, offerts par des constructeurs nord-américains, japonais et coréens (Note de l’auteur : ma liste de modèles et de constructeurs ne prétend pas être exhaustive. Je m’excuse à l’avance auprès du ou des manufacturiers concernés, si j’ai omis de mentionner une marque ou un modèle. Mon énumération et une hypothétique omission ne doivent pas être interprétées comme un jugement, positif ou négatif, quant à une marque ou un modèle).

Dans une gamme de prix assez étroite, variant de 14 330 $ CAN à 16980 $ CAN (Note de l’auteur : la fourchette de prix a été obtenue en consultant le site Web canadien des constructeurs respectifs, le 13 août 2007), on retrouve entre autres en 2007, par ordre alphabétique de manufacturier : les Chevrolet Cobalt (ÉU) et Optra (ÉU - fabrication coréenne), la Ford Focus (ÉU), la Honda Civic (Japon), la Hyundai Élantra (Corée du Sud), la Kia Spectra (Corée du Sud), la Mazda 3 (Japon), la Mitsubishi Lancer (Japon), la Nissan Sentra (Japon), la Suzuki Aerio (Japon) et la Toyota Corolla (Japon) [Note de l’auteur : dans la parenthèse, on retrouve la nationalité du manufacturier].

Par contre, la fourchette de prix indiquée est pour un véhicule de base dans sa version la plus dénudée; un véhicule n’étant pas simplement utilitaire, le client y ajoute la plupart du temps des accessoires, qui font rapidement augmenter la facture à plus de 20 000 $ CAN pour la plupart véhicules énumérés, abstraction faite des offres promotionnelles limitées dans le temps. C’est d’ailleurs ce que souhaitent tous les constructeurs, qui encouragent le mouvement avec des tactiques comme le fait de réserver les palettes de couleurs les plus originales aux modèles les plus luxueux, les modèles de base devant se contenter des coloris classiques, noir, blanc, beige, gris, bleu, etc.

Quant à la catégorie des véhicules dits « intermédiaires », une catégorie également très prisée de certains Québécois et de nombreux Américains, leur prix est encore plus élevé. Prenons la Chevrolet Impala, un sedan sport de taille intermédiaire qui existe depuis la fin des années 1950; Ed Cole, l’ingénieur-chef de General Motors qui l’a conçue à l’époque la définissait alors comme « une voiture de prestige à la portée du citoyen américain moyen » (Site Web Classic Midsize Car). Ce fut une des voitures les plus populaires en Amérique du Nord. Son prix s’échelonne maintenant de 25 230 $ CAN à 35 560 $ CAN. Abandonnant les idées de démocratisation de Ford et de Citroën, la voiture est presque redevenue le luxe qu’elle était à ses origines.

mardi 19 février 2008

Des voitures toujours plus luxueuses

Dans les années 1980 et 1990, malgré le succès de voitures plus petites (p. ex. « K-car »), tous les constructeurs américains reprennent de plus belle la conception et la production de voitures toujours plus grosses, en réponse à la demande de certains segments de marché. Dans l’espoir de compenser les ventes perdues aux concurrents asiatiques, on propose au client des véhicules de plus en plus luxueux... et dispendieux. Même les fabricants japonais se font prendre dans le mouvement; leurs voitures commencent à prendre de l’embonpoint et à devenir elles aussi plus luxueuses. Évidemment, le prix de ces véhicules augmente lui aussi, un phénomène amplifié par l’appréciation du Yen.

Pour améliorer la profitabilité de l’entreprise, Chrysler invente une nouvelle catégorie de véhicules, la minifourgonnette; les Dodge Caravan et Plymouth Voyager connaissent une popularité sans précédent. Devant ce succès, les autres manufacturiers nord-américains et japonais lancent eux aussi des minifourgonnettes; certains modèles connaissent le succès, d’autre pas. La catégorie est elle aussi touchée par la montée du luxe. Une autre catégorie, le Véhicule Urbain Sportif (VUS), sert de bouée de sauvetage.

Ce mouvement vers le haut de gamme et les véhicules plus gros crée un vide... que les manufacturiers coréens s’empressent de combler: «L'année 1983 représentait pour Hyundai le moment idéal pour faire son entrée sur le marché canadien. La plupart des constructeurs automobiles avaient en effet abandonné le marché des voitures économiques pour se consacrer aux véhicules haut de gamme, plus coûteux. Ils délaissaient ainsi un important créneau du marché. Les consommateurs désireux d'acheter leur première voiture, comme les étudiants et les jeunes familles, ne trouvaient pas d'automobiles convenables, bien équipées, qui puissent répondre à leurs besoins sans toutefois dépasser leur budget. En comblant ces besoins, le lancement de la Hyundai Pony fut le plus réussi de tous les lancements de voitures importées au Canada. Mais Hyundai n'en restait pas là et confirmait ce succès avec le lancement de la Stellar en 1985 et de l'Excel en 1986. Hyundai continue aujourd'hui de perfectionner et d'élargir sa gamme de produits. » (Site Web de Hyundai Canada – Au sujet de Hyundai – Historique)

Ces voitures n’étaient pas toujours les plus fiables, mais leur prix les rendait très attrayantes.

Cependant, 20 ans plus tard, ce même manufacturier coréen, ayant maintenant développé une image de marque, comme les firmes japonaises avant lui, veut donner à ses produits une image de luxe, le prix étant à l’avenant; comme nous venons de le voir, Hyundai est une marque dont le marché traditionnel n’est ni le véhicule de grande taille, ni celui de haut de gamme, lance un VUS, le Veracruz, et l’annonce comme un véhicule de luxe: « Passez à un niveau de luxe supérieur », pouvait-on lire le 13 août 2007 dans la description de ce véhicule sur le site Web du constructeur.

mardi 12 février 2008

Au service de la classe moyenne

Dans les années 1970, l’arrivée de petites voitures japonaises, consommant peu de carburant et moins dispendieuses à l’achat, prend de court les grands constructeurs américains; ayant toujours produit de grosses voitures, ils semblent tout d’abord incapables d’en produire de petites d’une qualité similaire. Les premières tentatives sont malheureuses, par exemple celles de la Chevrolet Vega et la Pontiac Astre chez General Motors, qui connaît par la suite d’autres expériences sont plus heureuses : celles de la Chevrolet Chevette (Kadett en Europe) en 1975, un modèle conçu par la filiale européenne Opel, de la Pontiac Sunbird en 1976 et de la Chevrolet Cavalier quelques années plus tard; de cette lignée résulte la Cobalt que l’on connaît en 2007. Grâce à ses filiales européennes, Ford est dans une position un peu meilleure, mais connaît malgré tout des expériences malheureuses avec la Ford Pinto et la Mercury Bobcat. De cette lignée résulte cependant une voiture qui a beaucoup de succès, la Ford Escort, laquelle évolue à la Focus que l’on connaît en 2007. Dès la fin des années 1970, Ford développe et vend en Europe une excellente voiture sous-compacte, la Fiesta; aujourd’hui, celle-ci est maintenant fabriquée dans plusieurs pays et vendue dans presque partout dans le monde, sauf en Amérique du Nord.

Chrysler bénéficie également de l’expertise de Simca, une entreprise européenne acquise en 1958, revendue ensuite à Peugeot-Citroën en 1978; un modèle Simca permet le développement de la Dodge Omni et la Plymouth Horizon, deux voitures qui connaissent un certain succès, ce qui n’empêche pas Chrysler de s’embourber dans de graves difficultés financières qui nécessiteront un prêt de 1,5 $ US milliard, garanti par le trésor américain, accordé par le président Jimmy Carter en 1980. À cette époque, Lee A. Iaccoca, plus visionnaire que les dirigeants des entreprises concurrentes, favorise le développement d’une plate-forme de voiture compacte peu dispendieuse et fiable, le K-Car; celle-ci avait été rejetée par Ford alors qu’Iaccoca dirigeait la destinée de cette entreprise, avant son arrivée chez Chrysler en 1979. Comme les deux Henri, Ford et Citroën, avant lui, il est persuadé que le succès passe par la démocratisation du produit, le fait de rendre celui-ci accessible au plus grand nombre. C’est ce principe qui a assuré le succès de la Volkswagen Coccinelle, de la Citroën 2CV, de la Renault 5, de l’Austin mini dans sa version d’origine et plus tard, de la Toyota Tercel et de la Honda Civic. Le succès des deux premières voitures «K», la Dodge Aries et la Plymouth Reliant, malgré leur apparence quelconque, permettent à Chrysler de s’extirper du gouffre financier et même de rembourser par anticipation le prêt fédéral.

Toute la leçon est là : une entreprise dont la vocation première a toujours été de servir la classe moyenne doit continuer de le faire malgré les obstacles qu’elle peut rencontrer. D’abandonner ce marché et de cibler plutôt un marché de haut de gamme avec des produits de luxe, dans l’espoir de compenser les ventes perdues et d’augmenter les profits, est une quête chimérique, un exercice voué à l’échec; on ne s’improvise pas marchand de luxe.

jeudi 7 février 2008

Achat d’un véhicule : le prix, la consommation et le style avant l’environnement

Dans une chronique publiée le 26 janvier 2008, je dévoilais les résultats d’un minisondage portant sur les critères les plus importants pour l’achat ou la location d’un véhicule; en cliquant ici, vous pourrez voir un graphique montrant le nombre de réponses obtenues pour les cinq affirmations que j’ai jugées les plus significatives, ayant été choisies ou bien par une majorité, ou au contraire une minorité des personnes qui ont participé à l’étude.

Les points saillants sont les suivants. Trois éléments sont jugés parmi les plus importants par au moins la moitié des répondants [réponses/total] : le prix (achat) ou le paiement mensuel (location) [29/32], la consommation de carburant [27/32] et l’esthétisme du véhicule (style et couleur) [17/32]. Inversement, un élément est jugé important par un nombre peu élevé de répondants; il s’agit de la motorisation écologique [3/32].

Or, j’ai récemment pris connaissance d’un sondage publié dans le quotidien torontois The Globe and Mail; cette étude réalisée auprès de 38 500 Canadiens teste l’importance de 26 critères pour l’achat ou la location d’un véhicule. En cliquant ici vous pourrez consulter les résultats de cette étude.

Les cinq critères jugés les plus importants sont les suivants (% réponses) : une bonne valeur pour son argent (30,7 %), l’économie en carburant (28,4 %), la fiabilité (27,5 %), le prix d’achat (21,5 %) et le style extérieur (19,5 %). Le fait d’être respectueux pour l’environnement est relégué au 23e rang sur 26 avec une maigre proportion des voix (2,2 %).

Dans ma chronique du 26 janvier 2008, j’écrivais qu’une étude exploratoire est « indicatrice de certaines tendances qu’il faudra par la suite confirmer par d’autres études ou appuyer par des faits connus. » Le fait que les trois éléments identifiés dans mon minisondage se retrouvent parmi les cinq premiers du sondage national démontre la grande utilité des études exploratoires; sans posséder la précision ou la fiabilité statistique des études réalisées sur un nombre important de répondants (≥1000) sélectionnés selon une méthode d’échantillonnage probabiliste, elles sont néanmoins indicatrices des grandes tendances.

Quant au fait que les considérations écologiques comme critère d’achat d’un véhicule préoccupent seulement une très petite minorité de personnes dans les deux études, il renforce le point de vue que j’ai soutenu dans plusieurs chroniques de ce blog, notamment celle du 7 juin 2007; je suis plus que jamais sceptique quant à la volonté des Québécois, comme des citoyens des autres provinces canadiennes, de changer radicalement leurs habitudes de vie pour réduire les émissions polluantes.

mardi 5 février 2008

La démocratisation de l’automobile

Sans la dépression, à la suite du krach boursier de 1929, et la Seconde Guerre mondiale, l’usage de l’automobile se serait peut-être répandu bien avant. Quoi qu'il en soit, ce n’est que dans les années 1950 que l’achat d’une automobile s’est véritablement démocratisé, devenant même un symbole d’appartenance à une classe moyenne aisée. Dès lors, l’automobile n’est plus un luxe; avec la migration des populations vers les banlieues, elle devient même une nécessité. Jusqu’aux années 1980, les constructeurs américains, qui, comme les trois mousquetaires, sont quatre à cette époque, GM, Ford, Chrysler et American Motors, occupent une position dominante sur le marché nord-américain. Dans celui-ci, des années 1950 aux années 1980, les voitures de la classe moyenne sont les Chevrolet et Pontiac (General Motors), Fairlaine, Victoria et Mercury (Ford), Plymouth et Dodge (Chrysler), et Rambler (American Motors).

De 1950 jusqu’en 1973, le prix de l’essence demeure inférieur à 0, 50 $ US le gallon américain (environ 3,6 litres); les voitures prennent de l’embonpoint et les moteurs de la puissance. On ne se soucie pas du tout du prix de l’essence et l’expression « gaz à effet de serre » n’a pas encore été inventée; c’est l’époque des « muscles cars ». En 1973, une première crise du pétrole ébranle une population confrontée à une augmentation du prix de l’essence et même à une rupture de stock causant de longues files d’attente dans les stations-service. La situation se stabilise assez rapidement et le prix de l’essence ne dépassera pas 0,70 $ US avant la fin de la décennie. La révolution islamique iranienne en 1979 lui fait franchir la barre psychologique de 1,00 $ US; il atteint près de 1,30 $ US en 1981, pour redescendre autour de 1,20 $ US, une moyenne qui se maintient pendant toutes les années 1980 et 1990. Entre 1986 et 1988, le prix redescend même sous la barre de 1,00$ US. Après les deux chocs pétroliers, les automobilistes nord-américains bénéficient donc d’une accalmie dans le prix de l’essence pendant toute la fin du XXe siècle; ils sont nombreux à favoriser de nouveau les voitures plus grosses.

Par contre, dès le début des années 1970, certains consommateurs de la classe moyenne nord-américaine commencent à chercher une alternative aux voitures gloutonnes, et de plus en plus dispendieuses, que lui proposent les constructeurs continentaux. La solution vient d’ailleurs; tora – tora – tora, ce sont les voitures japonaises qui envahissent le marché avec des voitures plus petites, consommant peu de carburant et moins dispendieuses à l’achat. Un yen faible les aide à vendre à un prix défiant toute concurrence tout en maintenant une généreuse marge de profit. Les voitures « démocratiques » sont maintenant les Toyota, Honda et Datsun (maintenant Nissan). Le phénomène se manifeste dans une moindre mesure en Europe où, l’essence ayant été historiquement plus chère, les voitures sont plus petites et les moteurs moins gourmands.