vendredi 2 mars 2007

Qu’est-ce qui vous fait vraiment acheter?

Contrairement à ce que voudraient faire croire les théoriciens en marketing, on n’achète pas pour satisfaire des besoins innés, mais pour construire et maintenir une image. La hiérarchie des besoins élaborée par Maslow est certes utile pour comprendre la motivation fondamentale du consommateur, ce qui le pousse à vouloir consommer — l’être humain désire toujours quelque chose. Cela dit, mon expérience de praticien, dans le marketing et la vente, m’a permis de constater la faible utilité du concept de besoin, notamment pour la mise au point des produits et la construction d’une argumentation visant à convaincre le client. Ce concept ne permet pas non plus aux consommateurs que nous sommes de prendre conscience du fait que nous consommons trop et que nous consommons mal. On achète parce qu’on croit répondre ainsi à un besoin, sans comprendre ce qui nous a poussés à acheter.

Pour compléter la notion de besoin comme fondement de la consommation, je propose de reprendre celle d’attente, déjà utilisée par Rochefort pour décrire la valeur immatérielle que le consommateur souhaite voir incorporée au produit. Tant pour le producteur que pour le consommateur, cette notion permet de mieux comprendre les manques que le consommateur veut combler et qu’on appelle communément, et à tort, besoins.

Elle a l’avantage en tout cas de bien traduire l’idée d’expression du besoin, idée que les spécialistes en marketing rendent par la notion de demande. Cela dit, alors que la demande traduit une volonté de possession, l’attente désigne une expectative quant à l’obtention de certains bénéfices. L’attente rend donc mieux l’idée d’exigence à satisfaire sans ajouter la dimension d’imminence de la décision attachée à la demande. Autrement dit, si les attentes du consommateur à l’endroit d’un produit sont satisfaites, celui-ci pourra cultiver un désir pour ce produit; ce désir pourra ensuite se concrétiser sous la forme d’une demande.

La théorie des attentes permet de tenir compte à la fois du produit et du consommateur, dont chacune des attentes doit nécessairement correspondre à une composante du produit pour que celui-ci soit « désirable ». Les composantes ne doivent pas être entendues au sens de caractéristiques matérielles du produit, mais au sens plus large d’éléments constitutifs. Ainsi, le nom du produit, son emballage, l’image créée autour de lui par la publicité, peuvent être considérés comme autant de composantes.

D’innombrables éléments influent sur les attentes, notamment les valeurs dominantes d’une société, les événements marquants, l’évolution des préoccupations et des aspirations de chacun, les efforts de commercialisation, etc. De nouvelles attentes et même de nouvelles catégories d’attentes peuvent donc se manifester à tout moment. Il est dès lors relativement aisé de faire naître des attentes chez le consommateur en proposant des produits comportant des composantes inédites; c’est même de cette façon que les concepteurs arrivent à faire valoir leurs produits respectifs. Les puces de mémoire, plus rapides, d’une capacité accrue et moins chères, illustrent cela dans le cas des produits technologiques.

Les attentes du consommateur sont multidimensionnelles; un achat peut faire intervenir une seule, plusieurs ou toutes les catégories d’attentes. Afin de tenir compte des exigences qui interviennent lors d’une situation d’achat, je propose une liste non exhaustive de dix types d’attentes — liste évidemment soumise aux variations sociales et historiques — qui est à même de faire comprendre de manière plus détaillée ce que la notion d’attente recouvre. Je vous en propose une représentation graphique que je désigne sous le vocable « Anneau des attentes » (format PDF).

Pour mieux comprendre la notion d’attente, prenons en exemple l’achat d’une voiture. Une personne pourra acheter un modèle particulier à cause de sa faible consommation d’essence (attente fonctionnelle), parce que la marque est bien cotée (attente symbolique), parce que le véhicule est associé à une image jeune que recherche cette personne (attente imaginaire), à cause de l’agrément qu’on a à la conduire (attente sensorielle), à cause de son prix raisonnable (attente financière), parce que le vendeur lui a réservé un accueil chaleureux (attente relationnelle), parce que la construction fait appel à des matériaux recyclés (attente sociétale), parce que la personne aime une couleur unique à ce modèle (attente esthétique), parce que le site Web du constructeur fournit des informations détaillées et conviviales (attentes informationnelles) et parce que la voiture peut être livrée en quelques jours (attente temporelle). Je détaillerai chaque type d’attente dans de prochaines chroniques.

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