vendredi 6 mai 2011

Les mesures de contrôle du prix de l’essence

Encore une fois, de jeudi à vendredi, le prix de l’essence ordinaire a bondi à 1,469 $/L dans la région de Montréal, alors que le prix moyen au Québec est de 1,395 $/L; pendant ce temps, le prix du pétrole brut est en forte baisse, ayant perdu 18 % de sa valeur depuis une semaine.

Ce jeu idiot de hausses aussi brutales qu’inattendues, suivies de baisses graduelles échelonnées sur 3 à 7 jours, est très frustrant pour les automobilistes, car il perdure depuis de nombreuses années; diverses associations l’expliquent chacune à leur manière selon qu’elles représentent les intérêts des grandes pétrolières, des petits détaillants indépendants ou des consommateurs.

Radio-Canada rapporte même que la question est débattue à l’Assemblée nationale, « où le ministère des Ressources naturelles analyse une proposition de l'Association québécoise des indépendants du pétrole (AQUIP) de plafonner le prix de l'essence.»

Cette proposition est une très mauvaise idée; partout où elle a été tentée, cette forme de législation s’est avérée peu efficace, voire nuisible, entre autres au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard que l’on cite en exemple; d’ailleurs, « si le CAA-Québec s’oppose à un tel système, c’est qu’il estime qu’en fixant un prix plafond, les détaillants auront tendance à s’y coller. Cela limitera la concurrence et, en bout de ligne [sic], les consommateurs paieront toujours plus cher. »

D’ailleurs, le problème des hausses brutales du prix de l’essence dans la région de Montréal est en partie attribuable à l’introduction d’un prix plancher en 1996; j’ai d’ailleurs prévu ce problème et dénoncé cette mesure législative à l’époque. C’est aussi la conclusion d’une étude réalisée pour CAA-Québec par Christos Constantatos, chercheur au département d’économique et au GREEN (Groupe de recherche en économie de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles), Université Laval : « Il est clair que l'effet direct d'un prix plancher est néfaste pour le consommateur qui se voit obligé de payer un prix plus élevé que celui que le marché libre aurait déterminé. La différence entre le prix plancher et le prix libre multipliée par la quantité achetée au prix plancher représente une subvention du consommateur au producteur. »

Dans la situation de libre marché où nous nous trouvons, les interventions de l’état sous forme de mesures législatives font la plupart du temps plus de mal que de bien; en définitive, le consommateur est perdant, car il paie plus cher qu’il ne devrait. Ce sont les consommateurs qui paient pour assurer la survie des petits détaillants indépendants; or, dans un libre marché, les acteurs peu efficaces doivent disparaître pour laisser la place à d’autres qui sont eux, capables de mieux servir le marché. Pour le consommateur, le mieux est donc de laisser le marché s’équilibrer lui-même par le biais de guerres de prix, comme celles qui prévalaient avant l’entrée en vigueur du prix plancher.

C’est d’ailleurs la conclusion de l’étude réalisée pour CAA-Québec citée précédemment : « En conclusion, les guerres de prix représentent un phénomène naturel du marché et bénéficient au consommateur, non seulement en lui offrant des prix très bas à court terme, mais en rendant aussi possibles des prix bas à long terme à cause de la rationalisation de la taille des firmes. Elles ne devraient donc pas être considérées en soi comme preuve d'effort de monopolisation du marché. »

Cet épouvantail d’un monopole exercé par les grandes compagnies pétrolières est souvent brandi pour justifier un contrôle du prix de l’essence; cet argument ne tient pas la route, car le marché de l’essence met en présence cinq grandes pétrolières, Esso, Irving, Petro-Canada, Shell et Ultramar dans le secteur du raffinage, et de multiples détaillants de toutes natures et appartenances.

En conclusion, si les mesures législatives sont à proscrire pour réguler le prix de l’essence, une simple mesure administrative pourrait, non pas en faire baisser le prix, car celui-ci est fixé à l’échelle internationale, mais à tout le moins éviter qu’il puisse y avoir une forme de collusion dans la fixation du prix de l’essence, si collusion il y a, et faire cesser le jeu de yo-yo. Le gouvernement n’a qu’à exiger que toutes les stations-service annoncent publiquement une hausse prévue du prix de l’essence 24 heures avant l’entrée en vigueur du nouveau prix; l’utilisation d’un site Web interactif permettrait l’implantation d’un système simple, convivial et peu coûteux à mettre en place et à maintenir.

Il serait alors possible de comprendre le mécanisme sous-jacent à ces hausses spectaculaires et de mettre fin à cette pratique; en outre, les automobilistes ne seraient plus victimes de ces hausses, car ils auraient 24 heures pour faire le plein avant qu’une hausse entre en vigueur. Il y a gros à parier que cette simple mesure ferait cesser les hausses brutales du prix de l’essence, car les détaillants n’y trouveraient plus leur compte.

dimanche 1 mai 2011

Le politique, un objet de consommation

Circonstances électorales obligent, ce matin, je vais traiter de l’ensemble de ce qui est politique, c’est-à-dire les affaires publiques, les pratiques des gouvernements, les façons de gouverner, sans oublier le processus électoral, dans une perspective de consommation.

Vous n’êtes pas sans savoir que nos gouvernements, sans exception et à tous les paliers, gèrent maintenant les affaires publiques, non pas avec la perspective d’assurer le mieux-être du plus grand nombre de leurs commettants, mais plutôt de manière à assurer leur réélection.

Toujours dans la perspective d’assurer leur élection, les partis politiques, tant celui au pouvoir que ceux de l’opposition, en sont venus à appuyer les intérêts de groupes idéologiques marginaux, dont les idées ne sont pas partagées par une vaste majorité de la population, mais dont les idées bénéficient, pour un moment du moins, de la faveur des médias et donc, en apparence tout au moins, d’une faveur, populaire certes, mais sans forcément être majoritaire.

Ceci ne correspond pas véritablement à ce que doit être la démocratie, c’est-à-dire la libre expression de la volonté du peuple dans l’élection de ses représentants pour exercer le pouvoir politique et, par extension, dans l’exercice du pouvoir en fonction du mieux-être du plus grand nombre. Or, dans les démocraties occidentales, le plus grand nombre a toujours été la classe moyenne, fortement malmenée depuis au moins vingt ans.

Cela dit, comment et pourquoi en est-on arrivé là? Dans mon analyse du politique comme objet de grande consommation, je me pencherai aujourd’hui sur un outil utilisé pour faire le marketing d’un produit, le sondage d’opinion.

Cette technique d’exploration des attentes, des croyances, des sentiments et des attitudes, a d’abord été utilisée dans la sphère commerciale aux États-Unis, dans le but évident de faire croître les marchés. Dans les années 1930, l’idée d’utiliser cette technique dans le monde politique fait son chemin et, à l’occasion de l’élection présidentielle de 1936, George Horace Gallup fonde l’Institut américain d’opinion publique; ce sera le point de départ des maintenant célèbres Gallup Polls.

Si les informations recueillies par les sondages étaient alors, et sont toujours, fort utiles, entre autres pour développer les produits et formuler des arguments publicitaires, on s’est vite aperçu que la technique pouvait également participer à l’effort de communication; en effet, la divulgation des résultats des sondages par la voie des médias traditionnels, des réseaux sociaux et même de messages publicitaires permet d’influencer l’opinion des gens par ce que j’appellerais un effet de mimétisme.

Or, dans la sphère politique, cet effet de mimétisme influence le libre choix de l’électeur. C’est d’ailleurs pourquoi on a créé en France la Commission des sondages. Malheureusement, si à l’origine cette commission avait interdit la publication des résultats de sondages pendant la dernière semaine avant l’élection, cette contrainte a été réduite à une seule journée en 2002.
Dans ces conditions on ne peut plus véritablement parler de démocratie; parlons plutôt de simulacre ou de perversion de la démocratie. Dans le contexte de la présente élection, on a vu un engouement se dessiner pour Jack Layton et par extension, pour le Nouveau Parti Démocratique; cet enthousiasme a été alimenté, entre autres par la publication des résultats des sondages sur une base quotidienne et par une couverture favorable dans la plupart des médias pour qui ce phénomène est une véritable manne.

Je me suis moi-même laissé emporté par cette vague de sympathie et suis donc en bonne position pour en apprécier la puissance. Cela dit, revenons à la démocratie.

Lundi soir, il est primordial que soit porté au pouvoir, avec une minorité ou une majorité de sièges, un parti qui représente véritablement la volonté des Canadiens; en outre, il importe que ce quarante et unième parlement compte en son sein une opposition forte, responsable et capable de représenter les intérêts de tous, d’un océan à l’autre.

Si on exclut les formations marginales sans représentation au parlement, quatre partis sont en lice : Conservateur, Libéral, Nouveau Parti Démocratique et Bloc québécois. De l’aveu de plusieurs militants, le Bloc québécois n’a plus sa raison d’être à Ottawa; comme plusieurs, j’exclus donc ce parti de mes choix et espère que la vaste majorité des québécois feront de même. La présence de ce parti à Ottawa est une des raisons qui explique l’instabilité politique dont souffre le Canada depuis 2004. Même si vous souhaitez la création d’un Québec indépendant, ce qui n’est pas mon cas, ce n’est pas à Ottawa que vous devez envoyer des députés; c’est même dans votre intérêt que le Canada soit stable politiquement.

Restent donc en lice trois partis; pour ma part, selon les enjeux, j’ai des affinités avec les trois et suis conscient du fait qu’aucun des trois n’est parfait. Pour savoir lequel des trois représentait globalement le mieux ma posLinkition personnelle, j’ai utilisé la Boussole électorale de Radio-Canada; j’ai trouvé cet outil particulièrement utile pour remettre un peu de rationalité dans ce qui est devenu un débat émotif sans grands enjeux.

Demain, je vais voter pour la formation de laquelle je suis dans l’ensemble le plus proche idéologiquement.

Je vous exhorte donc tout d’abord à aller voter; c’est non seulement votre droit, mais une importante responsabilité. En outre, je vous encourage à ne pas voter pour une formation politique dans le but de bloquer un parti ou un autre, les Conservateurs ou le Bloc dans le contexte actuel. Ce genre de vote « stratégique » est néfaste à la démocratie; il peut en outre produire des résultats inattendus que vous n’auriez pas souhaités. Je vous invite donc à voter pour l’un des trois partis pancanadiens, celui duquel vous êtes le plus proche sur le plan idéologique; c’est seulement comme ça que s’exprimera véritablement la démocratie.